Nous sommes une bonne cinquantaine, avec tables, tracts, journaux, à prendre la place vers 19 heures. Deux civils se présentant comme représentants de la préfecture essaient de nouer le contact pour savoir ce que nous comptons faire. Pas de dialogue avec les flics, cependant ils sous-entendent qu’ils ne sont pas là pour nous empêcher, juste nous « encadrer ».

Durant 1h30, des affiches sont collées et des banderoles tendues. Plusieurs prises de paroles contre la taule, et les CRA (centres de rétention administrative), racontant des bouts de luttes à l’intérieur et à l’extérieur des murs, entrecoupées de musique, rassemblent les présent.es en vue de partir en déambulation. Un feu d’artifice explose au centre de la place et nous voilà en mouvement vers l’une des seules rues sans flics visibles. Un fumigène, quelques slogans, une sono, mais voilà que plusieurs lignes de CRS arrivent en courant sans que leur intention ne soit explicite.

Après 200 mètres au pas de course avec les flics quasiment au contact derrière, on acte la dispersion. Les flics-chasseurs ne voulant pas perdre leur proie, commencent dans une relative confusion à gazer et foncer sur quelques personnes qui se dispersaient, pour les ramener en nasse vers le groupe, puis poursuivent la queue de cortège et arrêtent une personne. Deux autres se feront arrêter pour avoir réagi à son arrestation.

Les onze personnes arrêtées sont emmenées au comico du 13ème, bd de l’Hopital. Huit personnes sont placées en vérification d’identité. Deux, en possession d’un papier à leur nom, sortiront rapidement, les six autres n’en ont pas et décident de ne pas décliner d’identités. Elles refusent également la prise d’empreintes digitales, demandée par le procureur pour tenter de les retrouver dans le FNAED*. C’est sur ce motif que les keufs les mettront en GAV à la suite des 4 heures (durée légale d’une vérif d’identité) pour leur mettre plus la pression et prolonger leur sale besogne.

Elles ont tenu malgré les intimidations et menaces et ont vu leur choix de ne pas donner leur blaze récompensé, vu que les keufs relâcheront X, X, X, X, X et X le lendemain midi ! Trois seront mises en garde à vue (GAV), deux directement et une après un passage en dégrisement** (qui ne lui a pas été communiqué). Pour un gardé-à-vue accusé de violence sur flics, prétendument en état d’ébriété lors de l’arrestation, les officiers de police judiciaire (OPJ) se sont permis froidement un cassage de gueule, en préambule d’une audition, de ce qui était pour eux un « anti-flic », « gauchiste », « antifa », un « parasite » et qu’ils menaceront allègrement de viol ou de meurtre.

Le matin, durant une première audition qui tournera court du fait de la non collaboration du copain à décliner son identité que le flic avait déjà sur son écran, quatre OPJ étaient déjà menaçants et passablement agacés. Après quelques heures et l’entrevue avec son avocate, le copain verra le plus énervé du matin venir le chercher en cellule et l’emmener de nouveau à l’étage des OPJ sans les menottes pour une seconde audition qu’il mènera lui-même.

Les premiers coups sont donnés (grosses gifles et coup de genou dans les côtes) dans l’ascenseur avec son lot d’insultes et d’incitations à répondre aux coups. Le copain encaisse sans répondre aux provocations et est balancé à travers le couloir jusqu’à la salle où aura lieu l’interrogatoire. Il est placé sur une chaise au milieu de quatre bureaux avec autant de flics. La porte est laissée entrouverte mais les persiennes sont baissées pour l’occasion. Le keuf continue à distribuer quelques taloches tout en se relayant avec les trois autres pour insulter et menacer. Il sera saisi d’une légère panique quand il se rappellera que le copain avait vu son avocate, il se rassiéra soulagé après l’avoir fouillé rapidement à la recherche… d’un possible micro ? Un de ses collègues lâchera à son tour quelques coups, mais quant à lui, avec ses poings.

Une OPJ, ayant son bureau à côté, profitera de la situation pour s’approcher par derrière et couper une mèche de cheveux. Elle retournera à son bureau avec de l’ADN pour alimenter leurs fichiers. Les flics cesseront de cogner pendant l’entretien sur les faits durant lequel ils recevront comme seule réponse « je n’ai rien à déclarer ».

Tout l’étage rempli d’OPJ en civil a vu ou entendu de quelle manière se déroulait le transfert et/ou l’audition. En ramenant le copain vers les cellules le keuf fera même un petit passage dans le bureau du chef de service pour lui exposer l' »anti-flic » avec son visage marqué par les coups. Cela n’était pas une attaque envers un individu en particulier mais bien contre ce qu’il représentait pour eux, un « anti-flic ». Cela n’a pas l’air non plus d’une initiative spontanée d’un ou quelques flics mais plutôt de quelque chose d’anticipé ou en tous cas de rodé. D’ailleurs, plus tôt dans la journée une des X avait également subi des insultes dégradantes et des menaces de viol, avant et pendant son audition, un des OPJ lui assurant en tête à tête dans l’escalier qu’elle avait « de la chance d’être une fille » sans quoi il l’aurait « défoncée ».

Les flics se réjouissent de l’absence d’avocat pendant les auditions et de pouvoir en profiter pleinement. Les insultes, menaces et coups font partie de leurs moyens ordinaires d’humiliation et de punition. La violence des flics peut aller jusqu’à blesser et tuer dans la rue et dans leurs comicos, les procs et les juges envoient des personnes en taule pour n’importe quel motif. Il ne s’agit pas d’espérer une police moins « violente » ou une justice plus « juste ». Se raconter comment ça peut se passer, sans vouloir transmettre la peur que les flics cherchent à distiller ni donner de recettes à suivre, peut servir à se donner de la force et alimenter la réflexion sur nos moyens et choix que l’on peut user face aux flics.

Le comico ou le tribunal sont le terrain des keufs et des juges, ils peuvent s’y permettre un peu de tout et beaucoup de n’importe quoi, mais on pourra toujours y mettre des grains de sable pour enrayer la machine répressive et renvoyer dans leurs gueules la rage qu’ils provoquent en nous.

La rue reste pour nous le terrain où nous continuerons à exprimer notre rage et nos idées contre ce monde d’autorités, à apprendre à être plus malin.es pour l’investir collectivement ou pas, publiquement ou pas, afin d’attaquer tout ce qui empêche nos envies de vies libres de se réaliser.

Une personne a eu un rappel à la loi pour outrage et rébellion. Deux personnes ont un procès le 20 novembre pour outrage, rébellion (la poursuite pour violences ayant été abandonnée) et refus de se faire ficher empreintes digitales et photos, une étant en récidive pour ce refus. De la bouche du proc on évite la comparution immédiate du fait du nombre important de personnes déférées ce jour-là, conséquence supposée de la fête de la musique.

La répression n’arrêtera pas nos rébellions, liberté pour tou-te-s ! Feu aux prisons (les comicos et tribunaux étant inclus) !

Quelques participant-e-s au rassemblement

*FNAED : Fichier national automatisé des empreintes digitales.

**Le placement en dégrisement repousse le début de la GAV et donc de la notification des droits (demande de voir un médecin, avocat, droit de faire prévenir un proche,…) et de la connaissance de la qualification de l’infraction justifiant la mise en GAV. Théoriquement il y a des cellules spéciales dégrisement mais en pratique on peut se retrouver en cellule avec des gardé-e-s à vue. Le temps passé en dégrisement doit être pris en compte dans la durée de la GAV. Ici, la fin du placement en dégrisement a été décidé après un test d’alcoolémie.