Juge : Sylvie Rousteau
Procureure : Sophie Husson et une stagiaire. C’est la procureure stagiaire qui parle et fait le requisitoire
Avocat de la défense : Stéphane Vallée

La juge fait le résumé de ce qui est reproché à M., puis :
– Juge : Est-ce que vous reconnaissez les faits ?
– M. : C’est à dire ?
– Juge : Est-ce que vous reconnaissez l’attroupement et la détention de cannabis ?

M. hésite, et plutôt que donner une réponse qui pourrait la faire galérer par la suite annonce qu’elle souhaite garder le silence sur cette question. La juge lui rappelle que c’est son droit et se met à interroger M. sur ce qu’elle a fait en France depuis son arrivée il y a 2 ans.

Elle lit ensuite la déposition d’un gendarme qui a participé à l’embuscade qui débouchera sur l’arrestation de M. : « On était à Bison Fumé. On se prenait des projectiles depuis la lisière de la forêt. Les autres pelotons recevaient aussi des projectiles. Puis on a eu ordre d’aller faire une embuscade.  On est remontés et on a pris un chemin depuis les Planchettes pour contourner le champ par le haut de la forêt […] On a fait un bond offensif pour se saisir d’un lance pierre géant, mais ça n’a pas marché ». Il précise qu’il n’a vu personne commettre de violences dans le champ. Ce gendarme raconte l’interpellation de M. Il ajoute que sa tenue et sa corpulence correspondent à celles de quelqu’un qui les a caillassé plusieurs fois lors de décrochages les jours précédents, alors même que sa description pouvait correspondre à pas mal de monde sur zone… Peu importe pour le flic, ça pourra toujours servir par la suite si ses collègues décident d’accuser M. de violences, ce qu’ils ne manqueront effectivement pas de faire au cours de la garde à vue. Ces accusations de violences seront abandonnées par la suite.

[…]

Comme s’il s’agissait d’une circonstance aggravante, la juge interroge M. sur son son séjour sur la ZAD. En faisant ça, l’idée ce n’est pas d’essayer de savoir si M. a réellement commis les infractions qui lui sont reprochées, mais d’essayer de voir s’il est possible de lui coller une image de « professionnelle de la violence » qui ne vient que sur les moments tendus.

– Juge :  Vous étiez sur la ZAD depuis combien de temps ?
– M. : 2 jours
– Juge : Vous étiez déjà venue ?
– M. : Non
– Juge : Et en 2016 ? (date à laquelle M. s’était faite arrêter par les flics à Nantes)
– M. : Non, j’étais à Nantes
– Juge : Vous avez déclaré être venue voir des ami·e·s pour leur dire au revoir avant de partir ?
– M. : Oui. Ils m’ont dit de passer les voir, que c’était calme.
– Juge : Il vous ont dit que c’était calme ?! Vous les avez cru ?!
– M. : Oui, à ce moment là il y avait une espèce de trêve.
– Juge : Ah oui, c’est vrai qu’il y a eu une trêve…

[…]

À la fin de sa garde à vue, M. s’était vu remettre une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Alors, au moment des questions de la proc, celle-ci se met en tête de déstabiliser M. en lui demandant si elle a fourni une copie son billet de retour au tribunal. S’en suit un échange un peu surréaliste où la proc soupçonne M. de mentir sur son retour, où le juge explique à M. qu’elle peut obtenir son billet sur son téléphone et où les deux magistrates montrent qu’elles trouvent suspect que M. n’ait pas de smartphone. Son avocat interrompt le débat, ce n’est effectivement pas au tribunal de s’assurer que M. va respecter l’OQTF.

[…]

La procureure commence son réquisitoire : « Madame dit que c’est tranquille sur la ZAD de NDDL au 15 mai ! Ce qu’on en voit, au parquet, ce n’est pas tranquille ! L’attitude de dire que c’est tranquille montre que madame ne se rend pas compte de la gravité de ce qu’on lui reproche. On lui reproche un attroupement. L’infraction est caractérisée, elle l’a reconnue. Il y a une absence totale de réflexion et elle n’était pas que de passage sur la ZAD ».

Alors, pour que M. « se rende compte de la gravité de ce qui lui est reproché », la proc demande 6 mois de sursis et 3 ans d’interdiction de la région Pays de la Loire.

L’avocat de M., demande la requalification de la détention de stups en usage de stups [1].
Il demande la relaxe pour l’attroupement car l’article 431.3 du code pénal définit l’attroupement comme un rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public, dans le but de troubler l’ordre public. Or l’interpellation a eu lieu dans un champ, et un champ n’est pas un lieu public. Quand à l’arme, il s’agit d’un caillou, qui ne peut pas être considéré comme une arme tant qu’on ne s’en est pas servi.
Il demande aussi à ce qu’il n’y ait pas d’interdiction de territoire, ou alors qu’elle soit moins étendue que celle demandée par la proc.

Rendu : la détention de stups est requalifiée en usage de stups. M. est déclarée coupable d’usage de stups et de l’attroupement avec arme et visage dissimulé. Elle est condamnée à 800€ d’amende avec sursis et une interdiction de paraître en Loire-Atlantique pendant 3 ans.


[1] La peine encourue est moins lourde pour usage de stupéfiant que pour détention.