« Vent d’ouest », le court film publié par le média Lundi Matin, est un faux Jean-Luc Godard. JLG, un vieux maître admirable et/ou une sommité de la culture légitime. « Vent d’ouest » a été, habilement, réalisé pour jouer à tromper et cela a bien fonctionné. La publication de « Vent d’ouest » par LM a été reprise par bien d’autres médias de gauche. On a cru qu’il était vrai, on sait désormais que c’est un faux.

Mais, cette différence entre vrai JLG et faux JLG n’est d’aucune importance.
La publication de « Vent d’ouest » a exactement la même fonction, qu’il s’agisse d’un faux ou d’un vrai. Sa fonction est de recouvrir toute question relative à la sortie de la lutte dans la ZAD. Le propos du film, à vrai dire trop univoque pour être strictement godardien, consiste à essentialiser, ou mythifier, la lutte dans la ZAD comme un geste qui veut « supprimer » « l’agonie du monde capitaliste ». De ce point de vue, c’est (trop) simple, et il n’y aurait que deux camps.

Pourtant, nul n’ignore que des dissensus politiques sérieux ont lieu dans la ZAD. Il suffit d’ailleurs, pour s’en rendre compte, de lire des publications sur le même Lundi Matin. Par exemple, « Seconde manche », mis en ligne le dimanche soir, veille du premier jour de l’opération militaire (9 avril) : le vocabulaire, employé par ceux que la rédaction du media présente comme des « amis », pour désigner d’autres habitants de la ZAD, est particulièrement peu amène… D’un côté, « prises de risques et dépassement mutuels », contre, de l’autre, « déserter », « s’isoler », et puis sutout, « Certain.e.s, incapables de scruter l’horizon autrement qu’avec des schémas préconçus et la passion de la défaite » ; « crispation de ces dernières semaines sur la route » (« d281 barricadée par un groupe isolé ») ; « En bloquant une première fois les travaux, quelques personnes ont justifié (sic) la présence policière que nous avons subie des semaines durant […] » ; « ghetto identitaire qui se dit ’radical’ » ; « scléroses idéologiques » ; etc. Un langage très voisin peut également se lire dans le texte d’Allèssi Dell’Umbria, publié le 30 avril.

Pour qui n’habite pas dans la ZAD, et qui est lecteur de LM, ces derniers textes ne permettent pas vraiment de savoir quelle est la position de ceux que l’on désigne d’une façon si peu aimable. Comme si cela n’était pas une position politique, comme si elle n’était pas même articulée en raison. Il faut lire ailleurs, par exemple ici. On comprend alors qu’il y a en effet un dissensus quant à comment se tenir face à l’État dans la sortie de lutte contre l’aéroport, et que des positions différentes sont précisément articulées. En définitive, ce qui paraît faux, c’est à la prétention à l’hégémonie d’un seul vent d’ouest.