L’envie de ce festival est née suite à l’envoi d’une délégation d’éxilé·es et de militant·es du Gasprom lors de l’édition 2017 du festival de Douarnenez, dédié cette année-là à la question des migrations et des exilé·es. Ce fut l’occasion pour la délégation du Gasprom de rencontrer d’autres collectifs luttant sur cette question, venus de toute la France. L’occasion également de voire des documentaires sur les migrations, et de vivre ensemble un temps un peu différent de celui du quotidien du Gasprom. De retour, les membres de cette délégation ont eu envie de poursuivre l’expérience en organisant sur Nantes leur propre festival. À ce noyau d’origine sont ensuite venu·es se greffer d’autres exilé·es et soutiens.

Pendant trois jours se sont donc succédées des projections de documentaires ou de fictions, sélectionnés par les organisateurices avec l’aide des celleux du festival de Douarnenez. Parfois en parallèle, des temps de discussions sur différents thèmes, en non-mixité femme ou non, ont permis aux participant·es d’échanger sur les luttes des personnes éxilées, sur les solidarités, avec des collectifs nantais et de la région parisienne, sur les femmes exilé·es en discussion non mixte femmes, et ce avec le constat qu’il n’existe, à Nantes, que peu de lieux où les femmes exilées peuvent se rencontrer etdiscuter sur leurs situations et s’organiser collectivement.

Un atelier de sérigraphie était également disponible toute la journée. On pouvait envoyer des avions en papier vers des villes de fiction et des destinations imaginaires, Trifouilly les Oies, Ys, Brobdingnag (Voyages de Gulliver) et Utopia en passant par d’autres noms de cités, îles ou territoires imaginaires de la littérature. Le soir, des concerts et des scènes ouvertes ont permis des rencontres plus informelles sur la piste de danse dans une ambiance festive jusque tard dans la nuit. Jazz, reggae chanson… L’organisation d’un espace enfant a également permis à beaucoup de parents de pouvoir venir, y compris le dimanche où des contes et des films étaient spécialement sélectionnés pour ce public. Les cris et rires de nombreux enfants présents tout au long du week end ont participé à egayer l’ambiance, malgrè les films ou discussions exposant des situations parfois difficiles.

L’idée de ce festival nantais est donc née d’un autre, finistérien pour le situer, mais lui aussi sans frontières, le festival de cinéma de Douarnenez, http://www.festival-douarnenez.com/fr/edition/2017/ Ce festival qui allume ses écrans au « bout du monde » (Penn ar bed, en breton) se tient la troisième semaine d’août et s’intéresse aux « cultures d’ici et d’ailleurs », aux minorités, et donc aux migrations. Avec un mot créole en exergue, qui est comme une déclaration d’intention : « Lyannaj », relier, nouer, faire vivre ensemble… Fictions, documentaires s’y ponctuent de palabres et de rencontres, les littératures croisant les musiques de partout et transformant la ville sardinière en un vaste forum d’échanges. Cette 40e édition de ce festival avait convié une liste volontairement hétéroclite d’invité·es : « Aborigènes, Sourds, Papous, Kanaks, Rroms, voyageurs, Maoris, Catalans, Bretons, intersexes, Kurdes, Mapuches, etc. » à laquelle s’est ajoutée la dizaine de migrants et  militant·es du Gasprom de Nantes.

Au micro de Radio Cayenne, Latino, un de ces exilés temporaires (de Nantes à Douarnenez) explique : « Je suis jamais allé en vacances, j’ai toujours travaillé travaillé travaillé. Là-bas, j’ai vu seize films… Deux à quatre par jour. On est parti à 12 personnes du Gasprom. On ne se connaissait pas avant d’y aller même si on est dans la même association. On a trop apprécié l’ambiance, les débats, le cinéma, les discussions, et on s’est dit qu’on voulait emmener à Nantes les échos, l’ambiance. On a eu l’idée d’un petit festival, pas un gros comme Douarnenez, un petit. Et petit à petit, ça a pris forme. »

« On s’est dit pourquoi on organiserait pas nous-aussi un truc en rentrant à Nantes, confie David le dimanche après midi, un peu fatigué par ces trois jours intenses et ceux qui ont précédé pour l’organisation. On a voté, on a fait des réunions et des réunions. Et c’est comme ça  qu’on a fait, avec des gens de Douarnenez qui sont venus à Nantes pour donner un coup de main, mettre les projections de films en place. C’est une idée qui a sonné comme une cloche pour réveiller et rassembler des amis, y compris des anciens qu’on voyait plus. » Et les envies étaient telles qu’ils et elles se sont retrouvé·es à 80 bonnes volontés, réalisant l’objectif de ce festival : vivre un temps collectif et festif, hors du quotidien du Gasprom, afin de resserer les liens. Il s’agissait aussi de se confronter à l’organisation en mixité entre exilé·es et soutiens, et ce fut un des succès de ce festival, où l’affluence aura été forte, prouvant qu’au delà des militant·es du Gasprom, il y a sur Nantes beaucoup de personnes qui sont prêtes à se mobiliser à son appel.

La place des femmes exilé·es dans le festival, au Gasprom

Les objectifs de la discussion sur la place des femmes dans le festival étaient de :

  • créer un temps de discussions entre femmes, permettre d’amorcer des échanges sur les situations vécues
  •  faire émerger des demandes, des besoins concernant les situations des femmes exilées qui seront présentes et qui vivent à Nantes
  •  amorcer des échanges avec d’autres groupes/associations militantes de Nantes sur ce sujet là mais aussi avec des groupes hors de Nantes qui travaillent là-dessus
  • faire connaître le local et alimenter la mise en place d’un groupe femmes au Gasprom pour et avec les femmes exilées.

Mais en gros, le Gasprom est un lieu fréquenté par des hommes en très grande partie, avec en plus, peu de femmes exilées sur les temps conviviaux (Douarnenez, cantines, soirée ouvertes, même durant le festival sur les temps plus informels.

Il y a eu trois temps sur la place des femmes dans le festival : Hope, un film qui retrace le parcours d’exil d’une femme nigériane en parallèle de la discussion en non-mixité femmes pour les spectateurs et les femmes qui ne pourraient pas venir à la discussion, faute de place ou par souhait. 50 personnes ont assisté au film le samedi après-midi. La rencontre en non-mixité au Gasprom a duré plus de 2h30, avec environ 40 personnes présentes, et une discussion sur la nécessité d’accueil non-mixte pour les femmes exilées, et sur l’intérêt de développer des espaces de ce type au Gasprom. Il a été décidé d’une rencontre non-mixte le dimanche soir à la suite du festival avec Lesbians of colors : 2h pour présenter et échanger avec les 20 personnes présentes sur le parcours d’une demandeuse d’asile en France (les étapes, les droits, la place de la parole, les spécificités liées à l’hebergement, aux violences subies, etc.). Le festival a aussi été un moyen de prendre des contacts de femmes concernées et de soutiens pour organiser collectivement des espaces/des moments en non-mixité au Gasprom dès les prochaines semaines.

 Le Gasprom: le gas-quoi?

Le Gasprom milite pour la libre circulation et libre installation de tou·tes et propose aux personnes exilées du soutien juridique et administratif, des ateliers de français, des accueils “cafés”, etc. Cette association qui existe depuis 50 ans est un espace de rencontre et de lutte pour toute personne concernée ou intéressée par la quesion des exilé·es.