Envie de faire tourner le texte « ça y est on a gagné » qui avait été publié dans le zad news, début octobre 2016. À c’t’époque là y avait des menaces d’expulsion. C’était juste avant le faux-semblant de manif et de subversion, la kermesse du 8 octobre avec son fameux planté de bâtons pour se promettre fidélité dans l’épreuve. Que si les flics venaient, promis, juré on viendrait déterré le bout de bois pour « défendre la zad ».

Un printemps est passé par là, avec un tas d’ « embrouilles » qui se sont passées entre les occupant.e.s et avec les composantes, symptômes d’un ras-le-bol par rapport à des prises de pouvoir multiples. Le fait par exemple qu’un groupe comme le CMDO1 s’accapare la légitimité de penser « la » lutte et ses stratégies. Qu’il passe en force ses propositions en AG, sans se visibiliser en tant que groupe et tant que c’est dans un dialogue avec les représentant.e.s des composantes. Qu’il soit l’interlocuteur privilégié de ces dernier.e.s dans une forme d’élitisme et de spécialisation. Que le groupe presse, constitué à ce moment-là quasi uniquement des membres du CMDO, « publicise » la zad en en donnant une image lisse et vendeuse. Et que des projets allant dans le sens d’une normalisation et d’un nettoyage de la zad soient portés encore par des personnes du CMDO. A aucun moment il n’y a eu la reconnaissance des mécanismes autoritaires par celleux à qui c’était reproché. Ielles avaient plus intéressant à faire sûrement que de se pencher sincèrement sur la question. Et l’urgence permanente qui décidément peut servir à toutes les sauces pour empêcher la remise en question.

Aujourd’hui, les bâtons sont ressortis pour nous faire rentrer la sacro-sainte union du mouvement dans le crâne. Que si on ne marche pas droit et en cadence alors ce sera notre faute si la victoire sonne faux. Qu’il faut mettre de côté ses aspirations propres. Pour le commun. Pour « la » lutte. Pour le mouvement. Pour tout ça il faut dialoguer avec l’état français dans l’espoir de garder la main mise sur la zad. Possible que ça marche, l’état se renforçant par là en trouvant un moyen de se montrer compréhensif et tolérant avec celleux qui veulent bien jouer avec lui. Cet état qui d’une autre main emprisonne, expulse et tue celleux qui ne sont pas récupérables justement.

On nous dit qu’il faut être réaliste quand il s’agit bel et bien de réformisme. Quand ce sont les stratégies politiciennes des un.e.s (les organisé.e.s, les efficaces, celleux qui peuvent tiré leur épingle du jeu dans ce monde d’autorité et de dominations) qui passent en force et écrasent celleux qui refusent ou n’ont rien a gagné dans une négociation avec l’état. Celleux-là même qui n’ont pas la parole en AG, qu’on fait taire ou qu’on délégitime parce que portant des idées « minoritaires », qui « de toute façon habitent pas vraiment à la zad », qui « ne comprennent pas les enjeux », qui sont trop comme si, pas assez comme ça. La diversité avec laquelle, pour le coup, on ne veut pas composer.

La mélodie de la démocratie se fait entendre de plus en plus sur la zad. On vote des représentant.e.s, on délègue des non-choix à des commissions (rejoignables t’inquiète!), on régule les animosités de nos « camarades » pour maintenir la paix sociale. La réalité des écarts entre les visées politiques de chacun.e.s nous explosent à la figure. Entre éthique et enjeux stratégiques, le fossé se creuse. Les dominations s’étalent (pour reprendre le texte « ça y est on a gagné ») avec son lot de virilisme, de paternalisme et de violence de classe. La « minorité » (celle qu’on appelle comme ça, pas celle qui forme une élite auto-proclamée) n’a qu’à bien se tenir, sinon elle sera remerciée et poussé à servir de chair à canon sur d’autres « fronts », de petites mains dans d’autres luttes.

Bref, la récupération des luttes par les franges « citoyennistes » ou autoritaires du mouvement : vu et revu ! Pourtant on s’en veut d’avoir espéré, d’avoir fait confiance, d’avoir laissé faire. On rumine notre colère plutôt que de la laisser sortir car trop enfouie ou par peur de ce que ça pourrait engendrer. Cette auto-répression justement où l’on devient son propre flic ou celui des autres. Où habitué.e à gérer les conflits, à prendre soin du collectif, à préserver la paix sociale, on n’est pas foutu de se mettre en rage ou au moins de ne pas mettre de frein à celle des autres. Quand le boulot de pacification se fait par le « bas », par celleux qui ne sont pas les acteurs/rices de la situation oppressante. Se sentir responsable de devoir gérer cette colère qui pourtant est légitime. Et ne pas laisser de la place et oser imaginer ce qui pourrait exister si l’on refusait la mise en ordre des choses.

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Date ? Futur proche,peut-être après demain?

                                                                                                                                                          Lieu ? D281 N-D-D-L

                                                                                 ÇA Y EST ON A GAGNÉ

Ça y est on a gagné. Oui, oui, vraiment l’aéroport n’a pas été construit. La zad est devenue un quartier autogéré de nantes métropole. 100 % BIO. 100 % écocitoyen. On y vend désormais des patates garanties sans OGM et sans vinci. Dans les biocoop de la région on y trouve même un rayon « fruits et légumes à défendre ». À l’entrée on y a construit un petit parking (sans béton) et quelques toilettes sèches pour chier responsable. Les familles nantaises peuvent venir y respirer : « calme et nature à seulement 15km de nantes » proclame le prospectus recyclable. Camille qui porte un badge « en 2012 je lançais des cocktails » explique aux petits métropolitains le principe de la polonisation. Il pleut un peu. Mais ça fait partie du décor. Et puis ça vend des bottes en chanvre équitable, à à peine 45 euros sur le yes marché. Les vaches meuglent, paisibles. Se sentant fières d’être enfermées avec un label bio-social. Bref. Tout va bien. Tout est parfait. Parfaitement sous contrôle. Comment en est-on est arrivé à cette carte postale sociétale? C’est très simple. On s’est ouverts aux voisins, aux néoruraux en manque de charpente. Grâce à toutes les composantes de la lutte. À la drague du citoyen, de l‘élu local. De l’électeur. On a donné dans le symbolisme, laissé nos espoirs être médiatisés et nos luttes appauvries afin que tout le monde s’y retrouve (tout le monde ça signifie la majorité). La majorité. Bien pensante. Qui vote, qui bosse, qu’on exploite. Qui exploite aussi. A quand la ligue des CRS vigilant.e.s pour une démocratie participative sans aéroport ?

Alors les tracteurs et les bâtons passent. Et nantes ne se casse plus. Alors le temps passe. Et mes compagon.ne.s de se lassent et se cassent. Cette zone est en train de se faire pacifier. Et le mythe des brigand.e.s dans les bois s’éloigne un peu plus chaque jour. Parce que : c’est pas le moment, c’est pas stratégique, qu’on chie pas là où on dort. Qu’il faut sauvegarder l’unité. Mais de quelle unité parle-t-on ? Si tout le monde est contre l’aéroport c’est qu’il n’y a plus personne à défier. Le système s’accommode de rebelles, s’ils n’attaquent pas. Parce que si on continue la zad ne dérangera plus personne et c’est ça qui m’attriste. La drogue fait son travail. Le réformisme aussi. Je me souviens m’être battu pour un espace de conflit permanent avec tous les pouvoirs. Pas pour protéger une zone où les dominations s’étalent et où il faut être le moins radical possible pour ne choquer personne…

Retour à la carte postale, un gamin trébuche, tombe et pleure. Il s’est pris le pied dans un bout de panneau. Il est recouvert de ronces et de mousse mais on y déchiffre encore, péniblement, « contre l’aéroport et son monde ». Une autre époque…

L’anti-monde ou rien

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Et en bonus un dessin bien stylé ! paru dans le zad news en juillet 2017