Alors voilà, la question est posée. Peut-il et doit-il y avoir une justice sur la Zad?Qui peut prétendre à juger, condamner et faire exécuter une décision prise au nom de cette idée de justice? Quelles règles plus ou moins fondamentales seraient le ciment d’une telle justice?

Le problème ici est que nous n’avons aucun intérêt à penser aujourd’hui proclamer quelles seraient ces règles fondamentales à Notre-Dame-des-Landes. D’abord parceque la ZAD n’est pas une communauté homogène, une société à elle toute seule. La ZAD est un espace éphémère, fruit des contradictions d’une société et des résistances et évasions qui s’y déroulent. La ZAD n’est qu’un territoire tout petit qui n’a pas vocation à exister en parallèle du reste du monde, il est apparu depuis longtemps que la focalisation sur les affrontements, tentatives d’expulsions et autres évènements traités de manière spectaculaire dans les médias était un piège, que 1000 zad devaient fleurir pour qu’enfin quelque chose d’autre qu’une défense se mette en marche.

La coexistence de personnes et de groupes aux visions parfois tellement éloignées les unes des autres qu’elle a provoqué des conflits, des manoeuvres politiciennes, des campagnes de dénigrement (contre la violence/contre les citoyennismes), et finalement des violences physiques, cette coexistence est la force de la résistance au projet d’aéroport, certes, mais pas de son monde. Il y a des gens, des courants de pensée qui une fois abandonné le projet d’aéroport ne nous soutiendront pas face à une tentative d’expulsion de la zone. Nous le savons depuis longtemps.

Plus que jamais, c’est bien le développement de projets, de liens, d’une vie qui seront les meilleures défenses face aux attaques à venir. Il n’est pas possible de laisser la menace et la méfiance s’installer entre nous. La coexistence de différents lieux marqués par leurs pratiques est la garantie fondamentale d’un équilibre entre les différents habitant-e-s de la zone. Qui défendrait un territoire dont on lui a en partie ou entièrement dénié le droit a y vivre selon des règles ou des valeurs auxquelles il-lle croit.

Sur certains espaces la non-mixité sexuelle est établie. Tant que ce ne sont pas des espaces communs, où tous-tes doivent avoir accès, alors on n’a rien à dire. On peut en être vexé, être en désaccord pour telle ou telle raison, applaudir des deux mains, peu importe, les habitantes de ce lieu auront décidé de vivre ainsi, et celles qui les rejoignent, ou passent chez elles ont la liberté d’y venir ou pas.

Si quelqu’un est  tricard-e d’un lieu, à moins que ce ne soit un flic ou un fasciste infiltré, eh bien celleux qui accepterons de l’avoir là où ils vivent, personne ne peut leur en dénier le droit. Qu’on les préviennent de ce que l’on pense de cette personne, de ce qu’on lui reproche, dont acte, c’est quelque part aussi rassurant, ça pourrait parfois permettre de voir venir un pépin, de mieux savoir y réagir, voire d’aider une personne qui irait vraiment mal. Mais si des gens assument et revendiquent la présence parmi eux de telle ou tel, alors c’est leur liberté qui serait attaquée si l’on ne respectait pas leur choix.

Les semaines à venir, la tension augmentant, ce type d’incidents pourrait se multiplier, même être instrumentalisé de l’extérieur. Nous avons à être vigilant-es pour ne pas nous laisser entraîner dans des querelles et des divisions qui nous seraient fatales. Chaque entrave à la liberté est un pas en avant pour la répression.