Ce jeudi 16 novembre 2017, nous avons reçu une mise en demeure de JCDecaux nous intimant de retirer de notre site internet des informations relatives à son offre de mobilier urbain publicitaire pour la Ville de Paris. À la veille de la séance du conseil municipal où sera présentée une révision du règlement local de publicité (R.L.P.) pour introduire des écrans publicitaires dans la capitale, le numéro un mondial de la publicité extérieure brandit la directive sur le secret des affaires pour tenter de faire taire R.A.P. Alors que la Ville s’apprête à réviser son R.L.P. avec le but d’imposer des écrans numériques dans l’espace public, R.A.P. a mis en ligne une partie des annexes du contrat pour démontrer l’incohérence des arguments environnementaux avancés par la mairie de Paris, qui reprennent ceux de JCDecaux.

Aujourd’hui, invoquant le secret des affaires, JCDecaux nous met en demeure de retirer les documents publiés en mars 2017 et menace de nous intenter un « procès-bâillon », afin de nous censurer. [Voir l’historique ci-dessous pour plus de détails] Thomas Bourgenot, chargé de plaidoyer à R.A.P., déclare : « Notre association est dans son rôle de lanceuse d’alerte en publiant ces documents. Les citoyens ont le droit de connaître les véritables conséquences de l’introduction d’écrans publicitaires dans les rues, notamment sur le plan écologique. Il serait dangereux pour la démocratie que la multinationale arrive à étouffer notre voix. »

Pour appuyer nos analyses, nous avons mis en ligne des éléments d’information issus des documents envoyés par l’afficheur aux élus de Paris, et que nous nous étions procurés. Ces éléments ont été publiés dans deux articles : un en mars 20171 pour dénoncer la tentative de la mairie de Paris d’imposer des écrans numériques, pourtant interdits par le règlement local de publicité (RLP) ; un autre en novembre 20172 pour dénoncer la volonté de la mairie de réviser son R.L.P. avec le but d’autoriser les écrans numériques. Sans la divulgation de ces informations, la mairie de Paris pourrait continuer à dire, au diapason du numéro un mondial de l’affichage, que les écrans numériques publicitaires permettent une diminution du nombre de déplacements des véhicules de JCDecaux dans la capitale, grâce à la « télégestion », chose que nous récusons à l’appui des documents divulgués. Cet argument est le seul que la mairie de Paris ait trouvé pour justifier sa volonté d’autoriser des télévisions publicitaires géantes dans l’espace public.

Par ailleurs, sans ces informations, personne n’aurait été tenu au courant du fait que les écrans numériques prévus par JCDecaux dans le contrat invalidé par le Conseil d’État en septembre 2017 consomment 6 à 14 fois plus que des panneaux déroulants « classiques » pourtant déjà énergivores. Personne n’aurait su que, quand la Ville vantait l’offre « verte » de l’afficheur, ce dernier précisait que son offre serait « verte » mais n’inclurait pas d’énergie renouvelable. Personne n’aurait su que la flotte de ses véhicules devait être remplacée en partie par des véhicules diesel en 2018. Et ce, alors que Paris ambitionne de supprimer ce type de véhicules à l’horizon 2024. Les informations que nous avons divulguées nous semblent d’utilité publique3, et nous les avons publiées en toute bonne foi.

Nous n’avons pas publié l’intégralité des informations en notre possession, afin de nous limiter aux éléments que nous avons jugés pertinents. Pour limiter les risques judiciaires, nous avons consenti au retrait de notre site, le dimanche 19 novembre 2017 à midi, du contrat proposé par l’afficheur, que nous avions mis en ligne avec le seul but de sourcer une citation. Cela n’implique aucune modification de notre argumentaire. Sauf à ce qu’une décision de justice nous y oblige, nous refusons, en revanche, de supprimer les captures d’écran des annexes du contrat publiées dans nos articles des 23 mars et 9 novembre 2017, lesquelles sont nécessaires pour que les citoyennes et les citoyens puissent se faire une opinion, au-delà de la « communication » de la Ville de Paris, qui ressemble, sur ce sujet, furieusement à celle de JCDecaux. Lire la mise en demeure

Notes :

  1. – https://antipub.org/la-mairie-de-paris-sapprete-a-tomber-dans-le-panneau-de-jcdecaux/
  2. – https://antipub.org/non-paris-le-los-angeles-de-blade-runner-nest-pas-cense-etre-un-modele/
  3. – Que ce soit avec les régies de transport public ou les différents marchés autour de l’affichage extérieur (abris-voyageurs, kiosques, palissades de chantier, mobilier urbain, bâches sur monuments historiques…), il nous paraît normal que les contrats conclus entre des entreprises privées et des organismes publics soient dans le domaine public. Surtout quand il s’agit de contrats qui peuvent être considérés comme une délégation de service public, dans le sens où une vile comme Grenoble a jugé bon de (re-)municipaliser le service du mobilier urbain d’information.

Historique :

  • Début mars 2017 : nous apprenons que la mairie de Paris voulait renouveler le contrat concernant le mobilier urbain d’information municipale pouvant recevoir, à titre accessoire, de la publicité commerciale (MUI) entre JCDecaux et la Ville, le contrat actuel prenant fin au 31 décembre 2017. Le renouvellement prévoit que 15 % du parc du MUI sera numérique. Or, le règlement local de publicité de Paris interdit les écrans dans son article P4.1.1. Nous lançons alors une première alerte à ce propos.
  • 23 mars : après nous être procuré les documents, nous publions le contrat prévu, ainsi que des captures d’écran des annexes dans un article qui analyse les détails du futur contrat.
  • 28 mars : la mairie adopte le contrat, malgré nos alertes. Fin avril : à la demande de la concurrence, le tribunal administratif annule la réattribution du contrat. La Ville s’associe à JCDecaux pour se pourvoir en cassation auprès du Conseil d’État.
  • 18 septembre : le Conseil d’État confirme la décision du tribunal administratif qui invalide le contrat en raison du non-respect par celui-ci du R.L.P. de Paris.
  • 9 novembre : nous apprenons que la mairie souhaite réviser son R.L.P. en vue d’autoriser les écrans numériques, en arguant que ceux-ci permettent une diminution des déplacements motorisés du concessionnaire par rapport à l’affichage classique. En nous basant sur les annexes du contrat de mars, nous démontrons que les publicités numériques demandent autant, sinon plus, d’interventions, mettant ainsi à mal le seul argument de Paris pour imposer ces écrans.
  • 16 novembre : nous recevons une lettre recommandée des avocats de JCDecaux nous mettant en demeure de retirer nos articles du 23 mars et du 9 novembre, nous accusant de recel de violation de secret industriel.