Je suis arrivé vers 14h30 Métro Peirere. Premier constat : je n’ai jamais mis les pieds dans ce quartier, c’est dépaysant. Sur place on compte un petit millier de personnes (cela grossira pas la suite). La camionnette CGT rappelle les errements tactiques des directions syndicales, le rouleau compresseur de la bourgeoisie sur le code du travail et les violences policières en France. Les syndicalistes du front social ont fait le taf, ils ont assumé et déposé une manif allant de la place du Maréchal Juin à la Place du Pérou, à deux pas de l’Élysée.
La manif part et, comme d’habitude un cortège se forme en tête avec une très jolie banderole.

Devant encore ce cortège, les grévistes du Holiday Inn en grève depuis 35 jours, grève animée par la CGT et la CNT-SO. Les grévistes ne sont pas super à l’aise car derrière eux, de nombreuses personnes sont cagoulées. Pour certain.es c’est leur première manif. Certains dialogues sont d’ailleurs inutilement houleux entre les deux côtés, certaines personnes mettant en cause l’appartenance syndicale des grèvistes. Franchement les gens, vous venez vraiment donner des leçons à des personnes qui sont en lutte depuis plus d’un mois et qui ont pas de paie ? Sans blague…

Le cortège part, rue de Courcelles. Arrivé Avenue de Wagram, bim bam boum ! Une première agence bancaire est cassée. Problème : les gens qui cassent sont très peu équipés, très peu cagoulés. Autre problème les flics avaient disposé fort adroitement une caméra mobile juste au-dessus de la banque. Il s’agissait de la première banque du parcours, c’était pour les flics l’occasion de faire de bien belles images.
Autre problème, plutôt que de casser et de partir vite fait dans le cortège, tout le monde stagne et les gens s’acharnent sur la banque. Comme si on attendait que la casse soit finie comme un spectacle. Du coup la manif s’arrête trois plombes à chaque agence bancaire. Faut dire que ça prend son temps pour casser et que certain.e.s veulent vraiment faire tomber les vitrines. Sauf qu’en fait les vitrines sont parfois tenaces. De quoi encore faire des belles images pour les flics. Ceux-ci ont d’ailleurs annoncé qu’ils exploiteraient les images vidéos.
Un peu plus loin c’est l’ambassade d’Arabie Saoudite qui en prend pour son grade. Rien de bien grave puisqu’on ne peut pas rentrer c’est le hall qui prend. C’est plutôt une bonne cible quand on connaît le rôle de l’Arabie saoudite dans le financement de l’islamisme à travers le monde, la condition des femmes et des droits de l’homme en général. Là, avec une attaque d’ambassade, on peut vraiment se dire que les flics vont intervenir fissa. Mais que dalle pour l’instant. La nouvelle doctrine du préfet marche à fond.
Derrière les gens du Front social commencent à paniquer un peu. En effet ça se passe vraiment bizarrement, le cortège de tête est pas spécialement fourni et la casse est très importante. Clairement on sent certains syndicalistes pas à l’aise.

Quelques mètres plus tard ça devient vraiment très chaud. Une banque est prise d’assaut, là encore ça prend trois plombe à casser et, clou du spectacle, un fumigène est envoyé dans la banque. C’est évidemment très dangereux. Heureusement le fumigène fait long feu. La tension monte entre les manifestants ou même au sein du cortège de tête, des embrouilles ont lieu. On continue à avancer mais cette fois les flics arrivent en latéral. L’ambiance est électrique, et la présence solidaire (malgré tout) des syndicalistes du Front Social est la bienvenue. On arrive Boulevard Haussmann et y a vraiment énormément de flics. Partout. On ira pas jusqu’à la place du Pérou. Un canon à eau nous barre la route. Le Front Social nous expliquera que la préfecture leur a demandé de dissoudre la manifestation très tôt. Demande refusée. Encore une fois le Front Social a assuré la tenue de la manifestation de A à Z. C’est le point fort de cet après-midi. Car ce n’est pas fini. Les flics nous encerclent et nous laissent sortir au compte-goutte moyennant une fouille et parfois un contrôle d’identité. Mais les syndicalistes s’opposent à cette gestion et appellent tout le monde à rester sur place pour refuser la fouille. Alors on reste une bonne heure. Et il fait froid. Mais ça paye puisque une heure et demie après la fin et un blocage du boulevard Haussmann les flics capitulent et acceptent une sortie collective. Comme quoi la solidarité paye !

Revenons maintenant sur la casse et ses conséquences. Il ne s’agit pas ici de distribuer les bon points mais de rappeler certains élément :

  • Politiquement d’abord, on peut se féliciter de la solidarité sans faille du Front Social. Mais cette solidarité qui s’est construite et s’est affirmée au fur et à mesure des manifs ne doit pas être un blanc-seing pour faire tout ce qui répond à nos propres désirs dans ces cortèges. Les personnes déclarant des manifestations prennent un risque. A l’heure où la préfecture joue la carte de la judiciarisation de la répression, il est fort possible de voir certains organisateurs se faire inculper pour « organisation d’émeute ». Attaquer l’ambassade d’Arabie Saoudite par exemple c’est bien, mais ça peut très vite prendre des proportions politique qui dépassent nos popres sphères. Et ça qui devra l’assumer ? Ça sera très probablement les syndicalistes du front social.
  • Plus pratiquement les flics ont décidé de tout filmer, de tout judiciariser, comme en témoigne le procès de la manifestation du 10 octobre. Il est donc impératif de se cagouler correctement et de ne pas rester trois plombes sous l’œil des caméras après une action directe. La mobilité est la meilleure des protections contre la police.
  • A toutes fins utiles, s’acharner sur une vitrine déjà cassée ne sert à rien à part se faire voir. Si l’objectif est de faire raquer une banque (ou plutôt ses assurances), un coup de marteau suffit.
  • Enfin, envoyer un fumigène dans un magasin est une pratique extrêmement dangereuse. Les étages sont habités, un feu peut très bien se propager et faire ça c’est le risque d’avoir la mort de personnes qui n’avaient rien à voir là-dedans sur la conscience. Et ne parlons pas des risques judiciaires et politiques que cela implique. Un épisode de ce type a eu lieu en Grèce il y a 7 ans au beau milieu du mouvement social et a cassé la dynamique à l’œuvre.

Travaillons sur nos stratégies et gardons intactes nos solidarités !