Il y a bien 10 ans, nous avions rencontré  le camarade bordiguiste (c’est ainsi qu’il s’était alors présenté), clope au bec, boucle d’oreille et baluchon kaki à l’épaule. Il s’était pointé, comme nous,  à un meeting d’Arlette au Palais des Congrès. Je ne sais plus trop ce que l’on était venu-e-s y faire,  mais toujours est-il que l’on a sympathisé et que depuis ce jour, Pierre-Jean a fait partie du petit réseau militant angevin. Il est d’abord entré à l’Étincelle,  puis s’est impliqué à fond dans le collectif de soutien aux sans-papiers, puis dans la vie de son quartier. Il s’est aussi retrouvé à faire des allers-retours au Mali, et ce malgré des soucis de santé qui nous inquiétaient de plus en plus tant nous craignions ne jamais le voir revenir.

Réfractaire à peu près tout et ramenant  sans cesse la conversation à la dictature du prolétariat, c’était pourtant le type de Dur-à-cuire sur qui l’on pouvait toujours compter, le cœur sur la main. Je me souviens de cette fois où il s’était mis en quatre pour nous faire des frites chez lui et où il avait réellement foutu de l’huile plein sa gazinière…

Rebaptisé rapidement « PJ quatre-neuf » par la clique militante locale, il était de toutes les manifs et de toutes les actions, au risque de se voir conduire de force aux urgences pour une belle entaille au crâne à cause d’un coup de tonfa… C’est qu’il avait la tête dure l’Électron libre!

Lorsqu’on le voyait débarquer aux Assemblées Générales de l’Etincelle, on savait que ça allait « déménager ». Pour peu qu’il arrive contrarié ou qu’il comprenne un mot de travers à cause de ses oreilles qui entendait de plus en plus haut, cela finissait souvent par une bonne engueulade où il claquait la porte en nous gratifiant de jolis noms d’oiseaux les jours où il était en forme. Il était vraiment champion pour foutre tout le monde en colère en un rien de temps. Et puis, quand ça le saoulait, il débranchait tout simplement son sonotone.

C’est vrai que ça n’était pas si facile de militer avec Pierre-Jean, pourtant, cette tête de mule a beaucoup fait pour les collectifs dans lesquels il s’est impliqué, donnant tout son temps et toute son énergie  24/24. Et c’est aussi pour cela, entre autres, qu’il va nous manquer. Et puis, au fond, pas si tête de mule que cela, puisque l’année dernière, il avait commencé à féminiser ses textes, lui qui ne voulait même pas en entendre parler il y a quelques années, comme quoi.

Et quand il ne battait pas le pavé ou qu’il n’envoyait pas des pamphlets de quinze pages à 5 heures du matin à des élu-e-s, il pouvait parfois s’accompagner à la guitare sur de vieux refrains révolutionnaires qu’il entonnait tout en mâchouillant  sa vieille roulée éteinte. C’était lors de ces moments où l’on discutait d’autres choses que de la Lutte ou des recours au Tribunal Administratif, que l’on pouvait un peu parler de nous, de lui, de sa vie. C’était lors de ces moments où on avait un peu envie d’avoir un tonton comme lui, avec l’odeur du tabac dégueu en moins…

L’autre jour à l’hôpital, il avait l’air content de savoir que l’aventure Étincelle allait pouvoir continuer, dans d’autres murs, d’autres lieux.  Et, même si on sait qu’il nous aurait encore rouspété-e-s pour les travaux qui n’auraient pas été faits à son goût, nous aurions aimé qu’il puisse encore en faire partie, et lui aussi, sans aucun doute.

Krrr