– Juge : Marc Fricoteaux

– Assesseur-e-s : Jean Ravon et Catherine Billard

– Procureur : Olivier Bonhomme

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La première personne était poursuivie pour refus de signalétique* et dégradation légère (tag).

Son avocat, demande la nullité de la procédure concernant la garde à vue, dans la mesure où l’article 62-2 du code de procédure pénale stipule que cette mesure ne peut être appliquée que dans les cas où les personnes sont soupçonnées d’avoir commis une infraction punie d’une peine d’emprisonnement. Comme les faits reprochés, la dégradation légère, ne sont pas punis d’une peine d’emprisonnement, la GAV n’avait pas lieu d’être. Il demande qu’elle soit annulée, ce qui a pour conséquence d’annuler la convocation devant le tribunal.

Il précise qu’au moment du placement en GAV, il y a assez d’éléments (fiche et PV d’interpellation) pour savoir que la qualification ne peut pas mener à la GAV et ajoute que le procureur, malgré cette qualification, n’a pas annulé la mesure.

Il ajoute que la seconde infraction reprochée, le refus de signalétique, si elle est effectivement punie d’une peine d’emprisonnement ne peut rattraper la procédure puisque cette infraction a été commise lors d’une GAV qui n’avait pas lieu d’être.

Le procureur se positionne contre l’annulation de la GAV, ses arguments frisent la mauvaise foi. Pour lui la personne s’est faite interpellée pour « dégradation volontaire », infraction sanctionnée par une peine d’emprisonnement. Il dit que la fiche de remise indique « tag sur transformateur électrique » et qu’à ce moment là rien ne permet de savoir si l’infraction est grave ou pas. Il affirme que si le parquet n’a pas annulé la GAV, c’est parce qu’il était informé d’une « dégradation de bien privé » et qu’avant d’enquêter il n’était pas possible de savoir de quel type de dégradation il s’agissait. Pour lui, la garde à vue a permis l’enquête… Il demande à la prévenue si elle accepterait un stage de citoyenneté, comme elle répond qu’elle ne pourra pas l’effectuer, il requiert 15 jours de prison avec sursis et 50€ d’amende.

– L’avocat précise que le préjudice du tag est de 37€ et que faire passer des gentes devant un tribunal pour ça est exagéré.

Il soulève aussi une erreur de procédure : la personne est poursuivie pour avoir refusé de donner ses empreintes pendant le contrôle d’identité, or le code de procédure pénal prévoit qu’il faut une autorisation du procureur ou d’un juge d’instruction pour procéder à ces relevés. Cette autorisation n’apparaît pas dans la procédure.

Il rappelle par ailleurs la jurisprudence de la cours de cassation qui dit que la peine en cas de refus (ADN ou signalétique) doit être proportionnelle à la peine encourue pour le délit initial.

Décision du tribunal : rejet des conclusions en nullité déposées par l’avocat. Le tribunal reconnaît l’erreur de procédure pour le refus de signalétique et la personne est relaxée là-dessus. Elle est reconnue coupable de la dégradation légère et condamnée à 300€ d’amende dont 150€ avec sursis

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Les 3 autres personnes passent pour refus de signalétique lors de leur contrôle d’identité.

Le juge annonce tout de suite que les autorisations de relever les empreintes et prendre les photos figurent à la procédure. C’est le procureur Pierre Dupirre qui les a signées.

Elles expliquent pourquoi elles ont refusé de se soumettre au contrôle d’identité et à la prise d’empreintes et de photos, notamment par la violence des flics pendant les interpellations. L’une des personnes dit s’être faite contrôler alors qu’elle n’était pas à la manif, le juge lui répond : « C’est comme ça, on est pas délinquant au début et puis on le finit » (sous-entendu « en refusant d’obéir aux flics »). Il lui dira aussi : « C’est bizarre tous ces gens qui ne manifestent pas et ont le même avocat », ce à quoi une des prévenu-e-s répondra ensuite que c’est elle qui donné un nom d’avocat parce qu’il n’en avait pas.

Le procureur ne s’emmerde pas à faire un réquisitoire argumenté. Il demande si les personnes acceptent le stage de citoyenneté. Une refuse et les autres disent qu’elles ne pourront pas l’effectuer. Il demande alors 15 jours de sursis et 50€ d’amende pour chaque personne.

L’avocate explique l’incompréhension des personnes à se retrouver contrôler puis en GAV. Elle insiste sur le fait que les personnes aient fini par donner leur identité + signalétique en garde à vue et s’interroge donc sur l’opportunité des poursuites à leur encontre. Elle demande donc la relaxe et fait remarquer que les peines demandées par le procureur sont trop sévères.

Décision du tribunal : les 3 personnes sont reconnues coupables du refus de signalétique et condamnées à 300€ d’amende dont 150€ avec sursis.

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Dans les trucs à retenir en terme de stratégie des flics et des procs :

– Pendant un des réquisitoires, en parlant du refus de signalétique, le procureur annonce que le parquet sera amené à pratiquer ce genre de poursuites dans les temps qui viennent… on s’est donc demandé-e-s si une circulaire ou des consignes en ce sens étaient arrivées dans les tribunaux.

– Pour une des personnes, le juge précisera qu’il n’y a pas eu de stratagème pour obtenir son identité. Effectivement, parmi les 4 prévenu-e-s du jour pour cette manif, une des personnes s’est vue présenter une identité par les flics qui correspondait à quelqu’un-e d’autre… elle s’est alors retrouvée à devoir donner son identité pour que ça ne soit pas l’autre personne qui ait des emmerdes avec la justice.

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* refus de signalétique = refus de donner es empreintes et de se laisser photographier par les flics