On a pu voir pas mal d’informations dernièrement sur les évènements à Hambourg. Entre l’enthousiasme et l’exaltation parfois disproportionnés de certains militants et les cris d’horreur des médias bourgeois, on peut dire sans prendre beaucoup de risques qu’il s’est passé quelque chose d’intéressant là-bas pour nous autres révolutionnaires. Si lors d’un bref laps de temps nous avons pu ne pas céder entièrement le terrain à la police, il ne faut pas non plus considérer ces trois jours d’émeutes comme une victoire éclatante avec à la clé le début d’une période d’agitation massive : la présence des sirènes de la police ou de leurs hélicos est restée assez constante pendant l’entièreté du sommet et nous nous devons d’analyser le tout avec la tête froide et de l’humilité. Dans ce texte nous cherchons à contribuer à la compréhension de ce qui s’est passé pendant ce contre-sommet afin d’en tirer les points positifs tout comme de prévenir de futures erreurs dans des situations similaires mais aussi à éviter que la littérature militante sur le sujet se limite à du triomphalisme béat au sortir des affrontements.

Les conditions favorables du terrain

Hambourg peut très vite devenir une ville formidable pour nous, militants français et habitués des actions parisiennes. Ne serait-ce qu’au niveau de l’urbanisme de la ville en lui-même qui permet de se cacher, de bouger rapidement etc. Mais aussi, au nombre d’espaces militants ou du moins non hostiles qui dépasse tout ce qu’on peut voir en France de quelques longueurs. Ces lieux, que ce soit les nombreux squats du quartier de Sternschanze ou les bars/restaurants et le stade du quartier de St Pauli, sont un ancrage territorial plutôt efficace pour le mouvement : personne ne peut sérieusement ignorer l’existence de l’Autonomie à Hambourg et ils permettent le regroupement des militants et la production de zones de subversions identifiées comme telles. Enfin – et c’est probablement le plus important – la population, par la réappropriation qu’elle peut faire de la rue, par son habillement etc., est facilement confondue avec des militants d’extrême gauche et est souvent favorable au point de regarder avec amusement les affrontements depuis une terrasse et de nous apporter de l’eau au cours de ceux-ci. L’ensemble de ces conditions produisent un contexte dans lequel la police est à priori en terrain inamical mais aussi où la logistique nécessaire aux événements d’il y a une semaine (et peut-être plus) peut voir le jour.

Un contre-sommet savamment orchestré et mené

Il nous semble évident que recourir à tout concept spontanéiste pour expliquer la courte perte de contrôle de la police est une imposture intellectuelle. Non, la population de Hambourg n’est pas sortie spontanément de chez elle pour faire des barricades et jeter des cocktails Molotov sur les camions de police, peut-être que la présence de quelques milliers de gauchistes du monde entier entrainés à l’émeute au même moment pourrait expliquer ce genre de phénomènes. Que ce soit au niveau des points infos, des brochures, des cartes indiquant tous les lieux d’intérêt mais aussi des nombreuses personnes présentes pour assurer les soins, l’anti-répression, la bouffe et probablement plein d’autres choses, on peut difficilement ignorer le travail colossal que les camarades allemands ont dû faire en amont et nous les saluons pour cela. Autre fait à noter, c’est que contrairement à ce que l’on peut voir souvent en France, l’affrontement n’a pas eu tendance à se stabiliser sur une position face à la police. Les émeutiers ont préféré la décentralisation des actions poussant ainsi les flics à faire vingt-cinq fois le tour de la ville – parfois devant faire face à des blocages – sans pouvoir les encercler. Ils ont aussi évité les combats rapprochés, conscients de leur infériorité dans une telle position. Enfin, il a été assez frappant pour nous de voir à quel point les camarades présents étaient solidaires les uns des autres et bienveillants. La débandade lors de la manifestation Welcome to Hell, même si elle fut chaotique en est un bon exemple. Dès l’arrivée et le début des provocations policières les gens se sont cramponnés et énormément de gens sont restés au bord de la terrasse pour aider les autres à monter, on pouvait sentir que des camarades, mêmes inconnus, étaient là et faisaient gaffe aux autres.

Mais des échecs à surmonter

Comme a tenté de le montrer le texte jusqu’ici, il ne s’agit pas d’être rabat-joie par simple esprit de contradiction avec ce qu’on a pu entendre auparavant mais il nous semble important de considérer que la défaite de la police n’est pas pour autant une victoire pour nous. A commencer par la défaite cuisante que nous avons subie le 6 juillet qui nous montre notre incapacité à nous réunir en grand nombre et à imposer à la police une manifestation tendue sur un trajet qu’elle n’aura pas décidé. Si le 7 juillet a été un peu plus sportif pour les anti-émeutes, c’est du fait de l’éclatement de la manifestation en petits groupes ingérables pour eux : dès le regroupement près de Landungsbrücken, ils ont fait de nous ce qu’ils voulaient ou presque. De même, chaque épisode du spectacle émeutier que nous avons pu donner s’est passé et est resté cloisonné aux quartiers populaires de Sternschanze et de St Pauli, bien loin des quartiers commerciaux du centre où nous avons pu notamment voir une vitrine de Rolex outrageusement clean et en sécurité. En cela, le dispositif policier a réussi en nous repoussant, faute de mieux, vers des quartiers où finalement il était moins grave pour eux de nous laisser casser des trucs et faire des auto-réductions. Enfin, le nombre de blessés que nous avons pu voir était assez conséquent, même si à ce stade nous n’avons pu vu de bilan à ce sujet nous avons pu voir de nombreuses personnes avec des plâtres ou des bandages à la tête. Et si visiblement le nombre d’arrestations n’est pas énorme comparé à ce qu’on peut voir en France, la police semble tout de même avoir été efficace dans la reconnaissance et l’arrestation des militants qu’elle avait ciblé.

C’est l’ensemble de ces points que nous voulions évoquer afin d’apporter notre pierre à l’édifice, peut-être susciter des débats mais également apporter – pour ce que ça vaut – tout notre soutien aux camarades interpellés lors des événements.