Nos colères nous appartiennent.

Juin 1969, New-York.
La police fait une descente dans le bar gay Le Stonewall. Une fois de trop. Une résistance s’oppose aux flics et à leur harcèlement, résistance menée principalement par les plus précarisé.e.s, drag queen latinas et noires, jeunes gays sans-abri. Les trois jours d’émeutes qui s’en suivent sont devenus le symbole de la naissance d’une lutte queer révolutionnaire, et ont inspiré les premières Gay Pride. Près de 50 ans plus tard, nous avons parfois du mal à retrouver cette force politique dans les Pride actuelles, devenues des parades festives et folkloriques, où chacun.e peut acheter son t-shirt ou son bracelet rainbow-flag. Nos revendications sont étouffées dans un cortège tonitruant, au rythme de la musique des boites de nuit qui cherchent à s’enrichir sur une clientèle LGBT, pendant que les hétéros nous prennent en photo dans toute notre « extravagance ». Nous avons choisi d’organiser un cortège révolutionnaire, parce que nous voulons faire de la Pride un endroit de rencontres et de discussions politiques, où nous pouvons partager nos visions du monde.

Le dernier gouvernement a prétendu nous faire un cadeau en nous « offrant » le Mariage pour Tous, comme si nos revendications pouvaient se limiter à cela. Derrière cette façade « LGBT friendly », ce même gouvernement a pourtant reculé, abandonné l’accès à la PMA, et autorisé les maires à refuser de célébrer les fameux mariages. Parmi ces maires plus que réticent.e.s à l’idée de permettre ces unions « contre-nature », Gérald Darmanin, Gérard Collomb et Édouard Philippe, qui tous les trois font leur entrée dans le nouveau gouvernement. Nous avons subi pendant des mois les discours haineux de la Manif pour Tous et de leurs allié.e.s, largement relayés par les médias. Banal.

En mai, un présentateur télé (Cyril Hanouna) piège des homos sur des sites de rencontre avant de les ridiculiser à l’antenne. Un canular il appelle ça : nous on appelle ça un guet-apens. Et ça met en danger des personnes qui se trouvent visibilisées comme gays contre leur volonté. Banal. C’est une technique utilisée depuis des décennies par ceux qui ont envie de « casser du pédé ».

L’état français essaie bien de nous utiliser comme caution politique, pour gonfler les rangs des électeur.ice.s. Défendre les droits des LGBT comme il dit, quand ça l’arrange.

Parce que quand des gays sont arrêtés, torturés et tués par centaines en Tchétchénie, ces mêmes représentant.e.s politiques ne font rien pour exiger des autorités russes et tchétchènes une action ferme pour que cessent ces massacres. Parce que défendre les droits des LGBT, c’est important quand ça leur sert à renforcer les liens avec l’état d’Israël, qui utilise le prétexte des LGBT pour justifier sa politique de colonisation des territoires palestiniens. Parce qu’on entend des hommes politiques défendre les droits des LGBT quand ça permet de taper sur les musulmans, et les arabes. Comme à Orlando en juin 2016 quand 49 personnes ont été assassinées dans une boîte de nuit gay, une boîte de nuit qui avait une réputation militante de lutte contre le VIH et qui accueillait principalement un public latino-américain. Mais des victimes, les médias et les dirigeant.e.s n’en ont pas vraiment parlé. Non, ce qui leur importait c’était de montrer que le tueur était un « dangereux islamiste ».

Nous ne voulons pas construire des solidarités qui renforcent les dégueulasseries de ce monde. Nous ne voulons pas que nos voix et nos vies soient utilisées pour coloniser et réduire au silence des groupes minorisés.

En france, les réacs et fachos continuent à bien se porter : FN, groupuscules d’extrême-droite, manif pour tous, fillonistes, etc. ont le vent en poupe. Régulièrement, médias et politiques demandent aux « citoyen.ne.s » de glorifier la police, de rendre honneur à son travail. Une police dont on connaît le racisme : plus de 50 % de policiers et militaires votent front national et l’écrasante majorité des personnes tuées par les flics ne sont pas blanches. Une police également homophobe comme nous le rappelle le viol de Théo par la BAC en février 2017. Nous ne comptons plus les insultes et les violences homophobes subies en manif, en contrôle d’identité ou en garde à vue. Certain.e.s nous demandent de rendre hommage à Xavier Jugelé, le flic homosexuel tué en avril 2017 à Paris. Nous ne pleurerons jamais pour un flic. Nous ne défilerons jamais avec le flag, association de policiers et gendarmes LGBT ; parce que nous n’avons rien à faire ensemble. Aujourd’hui comme hier, la police mutile, viole, assassine.

Le gouvernement Macron-Philippe ne fera que nous précariser davantage à grands coups de libéralisme et d’ordre moral. Le racisme, qu’il soit d’état ou ordinaire, les lois criminalisant le travail du sexe, les mesures anti-squat, anti-récup, anti-vol, la répression des mouvements sociaux, l’occupation policière des quartiers populaires et le contrôle des centre-villes, l’accusation de «communautarisme » dès qu’on se réunit entre nous, l’injonction à se justifier de son genre dans tous les actes de la vie quotidienne pour les personnes trans’ et intersexes, le renforcement des frontières et la chasse aux migrant.e.s – toutes ces merdes sont autant de coups de massue que nous subissons de plus en plus intensément. Et ça ne va pas aller en s’arrangeant.

C’est aussi pour cela que nous avons voulu ce cortège à la Pride. Car nos identités sont multiples et absolument pas résumables à la seule étiquette « LGBT ». Car le « droit » de se marier et de reproduire un modèle familial calqué sur la norme hétérosexuelle ne nous satisfait pas. Les revendications partielles et leur récupération par les politicien.ne.s de tous bords ne doivent pas invisibiliser cette réalité ; nous ne voulons pas être toléré.e.s ni intégré.e.s à ce système. Nous ne nous laisserons pas instrumentaliser par celleux qui veulent notre bulletin de vote ou notre pouvoir d’achat.

Détruisons ce système qui nous détruit.

Rejoignez-nous samedi à partir de 13h30 devant la Poste de la place Bretagne!