Pour vaincre la misère et l’ombre.
Foule esclave, debout! debout!

C’est nous le droit, c’est nous le nombre
Nous qui n’étions rien, soyons tout !

Les élections présidentielles ont rarement été aussi grotesques. Les candidat-e-s ne dissimulent même plus leur appartenance à une « classe politique », assumant d’être séparé-e-s du peuple. Ils et elles surnagent dans le marécage des affaires de détournements, dans leurs alliances fragiles et leurs promesses fébriles, pendant qu’on les regarde, dépité-e-s et inquiet-e-s que nous sommes, de voir ce qui pourrait bien advenir. Et pourtant tous et toutes nous chantent les louanges d’une démocratie qu’ils et elles sont censé-e-s incarner, tous et toutes disent nous représenter.
En même temps, dans ces périodes où la lutte sociale et politique est renvoyée au geste individuel il est difficile de trouver des espaces où sentir que ses propres intérêts peuvent être partagés par d’autres. Chacun doit vivre seul, dans le secret de l’isoloir, cette délégation du pouvoir au nom de la peur du pire des mondes possibles.
Tout plébiscite, grâce à l’apeurement, à l’ignorance, donne toujours la majorité contre le droit, c’est-à-dire au gouvernement qui l’invoque.
Louise Michel
La question n’est pourtant pas tant de savoir qui va gagner ces élections, car si la rue se tait nous avons déjà perdu. En effet, que les gouvernements soient de droite ou de gauche, nous les avons vus produire des réformes anti-sociales, répressives, néo-coloniales, libérales autant que réactionnaires, etc., contre lesquelles nous nous sommes soulevé-e-s à maintes reprises. Que les gouvernements soient de droite ou de gauche, c’est par la force de la rue que nous les avons tenus en échecs, ou que nous leurs avons arraché des victoires. Il n’a pas fallu que le Front Populaire soit élu pour que les victoires de 36 adviennent, ni que la gauche remplace la droite pour que le CPE soit retiré, il a fallu nous retrouver, tenir le pavé, occuper nos lieux de travail, construire la grève dans sa superbe.
Au Printemps dernier, à Caen, est né un mouvement qui, comme partout en France, nous a surpris tous et toutes par ses formes nouvelles. Nous nous sommes croisé-e-s dans des manifestations, classiquement. Puis, nous nous sommes retrouvé-e-s sur des blocages. Nous nous sommes engueulé-e-s à Nuit debout. Nous avons composé, travailleurs et travailleuses, syndiqué-e-s ou non, intermittent-e-s, étudiant-e-s, précaires, chômeurs et chômeuses, dans des assemblées inter-luttes afin de coordonner nos actions. Nous avons alors franchi quelque chose. Nous avons réussi à sortir de nos petits cercles, de nos collectifs restreints, de nos lieux de travail, de l’isolement. Nous avons expérimenté un « nous ».
Ce « nous » du printemps dernier n’était pas un « nous » unitaire mais un « nous » solidaire. Nous acceptions la diversité de nos positions, de nos modes d’actions, mais restions solidaires face à la répression, face aux stratégies du pouvoir, face à tout ce qui nous gouverne.
Sans l’autorité d’un seul, il y aurait la lumière, il y aurait la vérité, il y aurait la justice. L’autorité d’un seul, c’est un crime. Ce que nous voulons, c’est l’autorité de tous.
Louise Michel
Car s’il est une réalité qu’on ne peut nier, c’est que, bien que nous ayons pu, dans l’histoire, nous laisser gouverner, nous avons également pu nous montrer ingouvernables : refuser la passivité, nous soulever pour désavouer cette classe politique et lui opposer des luttes communes pour la destituer de son autorité et qu’importe celui ou celle qui l’incarnera.
Cette époque exige de renouer avec cette geste collective dans laquelle nous nous sommes retrouvé-e-s.
La séquence politique qui s’ouvre avec le premier tour engagera la poursuite des lois de précarisation du travail, de durcissement des expulsions de migrant-e-s, de renforcement de l’équipement policier et de leurs droits d’en user librement, de répression syndicale, de reproduction de la domination patriarcale et raciste, de pacification de la conflictualité sociale qui anime l’histoire.
La question, au final, n’est pas tant de savoir pour qui voter ou pourquoi ne pas voter, mais de s’entendre sur le fait que ce sont nos combats dans la rue qui déferont le monde, ce monde qu’on nous impose, par l’articulation des différents registres d’action et des terrains de luttes qu’il nous faut coordonner.
Si les « Nuit Debout » ont pu nous permettre d’expérimenter quelque chose d’autre que la politique classique, c’est de ses réussites qu’il nous faudra partir, de ses échecs qu’il nous faudra avancer. Car se tenir debout ensemble n’a pas suffi. Il nous faut faire commun et non pas dans un discours politique univoque et inatteignable mais dans l’action.
C’est pourquoi les collectifs, les assemblées et les organisations syndicales signataires de cet appel vous invitent à nous retrouver le soir du premier tour, le dimanche 23 avril à 19h place Saint-Sauveur, non pas pour débattre sur les résultats des élections mais pour anticiper les combats qui seront les nôtres dès à présent. Pour ne pas se laisser diviser et renouer, autour d’une Nuit Commune, avec le sentiment de solidarité qui nous a animés au printemps dernier. Prendre place, pour retrouver l’esprit des grèves qui se faisaient fêtes. Allumons notre grande forge, battons le fer tant qu’il est chaud !

RASSEMBLEMENT POUR UN BANQUET DES LUTTES
LE 23 AVRIL à 19H PLACE SAINT-SAUVEUR

Signataires : Caen Ingouvernable, ……