« Je veux une gouine comme Présidente. »

» Je veux qu’elle ait le sida, je veux que le Premier ministre soit une tapette qui n’a pas la sécu, qu’il ait grandi quelque part où le sol est tellement plein de déchets toxiques qu’il n’a aucune chance d’échapper à la leucémie. Je veux une présidente de la République qui a avorté à 16 ans, une candidate qui ne soit pas la moindre des deux maux ; je veux une présidente de la République dont la dernière amante est morte du sida, dont l’image la hante à chaque fois qu’elle ferme les yeux, qui a pris son amante dans ses bras tout en sachant que les médecins la condamnent.

» Je veux une présidente de la République qui vit sans clim, qui a fait la queue à l’hôpital, à la CAF et au Pôle Emploi, qui a été chômeuse, licenciée économique, harcelée sexuellement, tabassée à cause de son homosexualité, et expulsée. Je veux quelqu’une qui a passé la nuit au trou, chez qui on a fait brûler une croix et qui a survécu à un viol. Je veux qu’elle ait été amoureuse et blessée, qu’elle ait du respect pour le sexe, qu’elle ait fait des erreurs et en ait tiré des leçons.

» Je veux que le président de la République soit une femme noire. Je veux qu’elle ait des dents pourries et un sacré caractère, qu’elle ait déjà goûté à à cette infâme bouffe d’hôpital, qu’elle soit trans, qu’elle se soit droguée et désintoxiquée. Je veux qu’elle ait pratiqué la désobéissance civile. Et je veux savoir pourquoi ce que je demande n’est pas possible; pourquoi on nous a fait gober qu’un président est toujours une marionnette: toujours un micheton et jamais une pute. Toujours un patron et jamais un travailleur. Toujours menteur, toujours voleur, et jamais puni.»?

Depuis 1992, ce texte tourne, partout dans le monde, et a même généré un mouvement de lectures collectives. Les dates se trouvent (et se proposent) sur le site I want a president… où figurent de nombreuses traductions.
(Le titre du site m’interroge pas mal quand, en enlevant un seul mot du titre initial, il fait basculer l’intention dans une affirmation alors qu’il me semble que le propos était de questionner, douloureusement et puissamment, une impossibilité. La notion de pouvoir contenue dans les formes présidentielles actuelles rendent ce poste incompatible avec toutes les nuances d’humanité et de résilience qu’elle affirme, avec combien de justesse, comme nécessaire pour pouvoir représenter et servir une communauté.)

Ce texte a été lu pour la première fois en Suède au moment des législatives de 2010 – sur fond de montée du parti d’extrême droite DS, qui a d’ailleurs fait son entrée pour la première fois au parlement suédois lors de ces élections.

Il a été librement traduit en français en avril 2012 par par Agnès Giard pour Next de Liberation.

En octobre 2016, Mikky Blanco a redonné un coup de projecteur sur ce texte en tournant une vidéo sobre, face caméra.

A chaque élection, ce texte démontre qu’il n’a toujours pas pris une ride… hélas.