Le 19 mars aura lieu la marche pour la justice et la dignité, contre les violences policières et le racisme d’Etat. On espère tou.te.s qu’elle sera massive. Des familles de victimes de crimes policiers, rejointes par des dizaines d’organisations politiques et de signataires individuel.le.s, ont appelé à la tenue d’une marche non-violente, invitant à ce qu’y défile un cortège révolutionnaire. Si vous lisez ces lignes, c’est que vous envisagez certainement de prendre part à ce dernier, tant la nostalgie du « cortège de tête » semble forte dans les milieux militants parisiens. Oui, ces moments de conflictualité politique marquée, ces moments où on sentait qu’on faisait bloc, ces moments où on a cru voir la peur changer de camp, on voudrait les revivre. Mais il ne faudrait pas que la manifestation du 19 mars soit celle du 14 juin. Tout simplement car on a mieux à construire.

Depuis des années, certain.e.s militant.e.s associatif.ve.s en banlieue, et certain.e.s militant.e.s anti-autoritaires à Paris, cherchent à faire une jonction entre les banlieues et le petit milieu parisien. Le 11 février, à Bobigny, cette convergence entre la jeunesse des émeutes de 2005 et celle du CPE de 2006 a été esquissée, la convergence entre victimes de la police dans les quartiers populaires et victimes de la police issues du mouvement social. Il faut la poursuivre. Et cela passe, pour nos groupes libertaires, par le respect de nos engagements. Si les familles des victimes appellent à une marche non violente, allons-y, masqué.e.s, mais en respectant cette idée d’être « non-violent.e.s ». On est dans le même camp, agissons ensemble. Nous faisons tou.te.s nôtres les mots d’ordre de l’appel pour la marche :
  Parce que nous ne nous soumettrons pas à l’arbitraire du pouvoir,
  Parce que les mots « justice » et « dignité » ont encore un sens pour nous,
  Parce que nous pensons qu’il est primordial de nous organiser, ensemble, pour lutter contre la guerre faite aux pauvres, aux migrants, aux descendants de colonisés.

D’où l’idée d’accepter un autre rapport à la violence que le nôtre. Et ce même si toutes les incarnations de tout ce que l’on déteste (banques, commissariats, agences d’intérim, etc.) se comptent par centaines sur notre chemin et ne demandent que des coups de masse. Si on écrit ce texte, c’est pour essayer d’accorder nos violons sur la question de la casse, en amont, car il sera compliqué de le faire dans le cortège. Quel meilleur spectacle pour les flics que de nous voir nous embrouiller autour d’un.e camarade en K-way noir en train de défoncer un abribus ?

« Un black bloc qui ne casse rien, c’est plus vraiment un black bloc ! ». Et justement, si. Un cortège massif, imposant, sûr de lui, ça fait toujours son effet. Cela montrerait aussi qu’on est capables de respecter les souhaits de celles et ceux qui en appellent à notre solidarité, sans imposer à tou.te.s nos formes de révolte qui nous semblent, à nous, légitimes et nécessaires. Les black blocs outre-Rhin qu’on admire pour leur efficacité savent aussi, dans certaines circonstances, sortir sans rien casser, laissant les flics médusés devant l’absence de baston. Au printemps dernier, on a montré qu’on savait matérialiser les rapports de force dans la rue, notamment par la casse. Depuis, de nouveaux liens, de nouveaux groupes, de nouveaux lieux sont apparus. La séquence actuelle est différente, on aura d’autres occasions d’exprimer notre rage. On a d’autres choses à saboter que les efforts des gens qui, des deux côtés du périph, essayent de construire cette jonction tant attendue.

Rendez-vous le 19 mars, sous les masques.

Des ex et futurs membres du cortège de tête