De l’habitat durable à la transition, les biennales s’enchaînent pour affûter une politique et ses outils excluant les plus modestes de la ville et bientôt de son agglomération.

Durant la semaine du 9 au 12 mars aura lieu à Grenoble la première Biennale des Villes en transition, intégrant dans son programme le Festival de Géopolitique sur le Pouvoir des Villes.

Le premier est un événement de la Ville de Grenoble, le second organisé par Grenoble École de Management. Depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois, plusieurs organisations discutent en interne de la position à prendre et de la stratégie à adopter vis-à-vis de cet événement. Nous pensons quant à nous que pour faire avancer nos revendications, les idées qui maintiennent un statu quo insupportable et invivable doivent être refusées et combattues.

La transition de notre ville, de notre agglomération et du département, nous la voyons et la subissons depuis des décennies. Depuis deux ans et demi ce phénomène s’amplifie et se prolonge sous couvert de participation en trompe l’œil.

Il y avait des petits commerces, des artisan·e·s, des ouvrier·e·s, des employé·e·s, des ingénieur·e·s, des chercheur·e·s, des créateur·trice·s, et des marchés où s’étalait tout ce dont nous avions besoin, à tous les prix. Aujourd’hui, il y a des banques, des agences immobilières, des compagnies d’assurance, des hôtels, des franchises – fussent-elles vertes ou au naturel, des ingénieur·e·s, des chercheur·e·s, des patron·ne·s. La création balisée et dédiée à l’innovation et à la croissance – verte ou non. Cette ville est devenue la pouponnière de l’économie du savoir et du tourisme au détriment de la production, des producteur·trice·s, des ouvrier·e·s, des employé·e·s des technicien·ne·s, bref au détriment des plus modestes.

Cette transition s’accélère tous les jours plus, capitaliste et libérale, méprisante vis à vis des personnes de condition modeste et des personnes pauvres. C’est ainsi qu’au regard des partenaires impliqués dans la Biennale des Villes en Transition et dans le Festival de Géopolitique sur le Pouvoir des Villes (entre autres Axyntis, leader de la chimie fine, Mazars, cabinet d’audit dans la finance, Suez, POMA-téléphériques, la Chambre de Commerces et d’Industrie France International, Science Po, la Marine Nationale, la BNP, Area, Vicat, Eiffage, Enerlis, le groupe La Poste, le groupe EDF, etc., etc.), nous devinons la nature de la transition qu’il s’agirait d’approfondir aujourd’hui :

– la transition, ce serait de continuer ou de permettre les expulsions de logements, de squats, de camps ;
– la transition, ce serait de maintenir des loyers dans le parc social si hauts qu’environ 60 % des demandeur-se-s de logements ne peuvent y accéder, et qu’environ 20 % n’ont même pas les ressources suffisantes pour pouvoir prétendre demander un logement très social ;
– la transition, ce serait la destruction dans le parc social des logements à loyers très modérés au profit de l’augmentation des loyers des logements restants ;
– la transition, c’est faire croire qu’encadrer des loyers déjà trop hauts est une solution pour que les plus pauvres d’entre nous puissent accéder à un logement ;
– la transition, ce serait la vente régulière des bâtiments publics au profit de projets « innovants » de logements privatifs aux loyers invraisemblables ;
– la transition, ce serait faire des économies d’énergie un prétexte à l’augmentation des loyers et des charges ;
– la transition, ce serait la casse des quartiers et leur gentrification à coup d’éco-quartiers, tout en promettant aux personnes déplacées de revenir dans le quartier « si elles ont les revenus adéquats » ;
– la transition, ce serait laisser faire le jeu du marché de l’immobilier en maintenant des bâtiments et logements vides, entraînant une offre de logements trop basse, donc une hausse constante du prix des loyers ;
– la transition, ce serait de refuser d’appliquer la loi de réquisition des bâtiments vides, et ainsi faire le jeu de la spéculation foncière et immobilière ;
– la transition, ce serait de laisser à la rue toutes les personnes qui n’ont pas un statut leur permettant d’avoir un revenu ;
– la transition, ce serait d’augmenter le prix de la cantine scolaire au motif d’y intégrer des produits bios ;
– la transition, ce serait confier à Vinci la gestion de l’éclairage urbain, contre l’avis des salariés de GEG ;
– la transition, ce serait priver les pauvres de l’accès au savoir en fermant des bibliothèques dans les quartiers ;
– la transition, ce serait d’augmenter le prix des transports en commun au lieu de les rendre gratuits, comme le voudrait une politique réellement écologiste ;
– la transition, ce serait de désigner les voitures pauvres comme responsables de la pollution atmosphérique au profit de la libre circulation des voitures des riches ;
– la transition, ce serait donner l’illusion de l’horizontalité dans la prise de décision, par de longues séances de « co-construction » et de « participation concertée » alors que les projets urbains sont déjà établis ;
– la transition, ce serait de vouloir faire du « vivre ensemble » à coups de contrats précaires et de s’étonner lorsque ça ne fonctionne pas ;
– etc…

Cette transition, nous l’expérimentons déjà à coups d’arrêtés et de choix budgétaires. Elle se veut écologique, sociale et démocratique alors que son partenariat avec des entreprises comme Eiffage, Area ou Vicat n’annonce que ruines pour la planète, destruction du code du travail et des libertés syndicales, exploitation sans fin. Nous considérons que les pouvoirs publics nous livrent au sein des villes au pouvoir économique, en utilisant le concept de transition comme outil idéologique d’accompagnement, d’approfondissement et de durabilité du tout-capitalisme.

Face à cela, nous affirmons de nouveau notre droit fondamental à la ville qui est de pouvoir habiter où nous le voulons, dans un logement digne, décent, adapté, abordable, et exigeons pour ce faire :
– la fin immédiate de toutes les expulsions domiciliaires sans relogement ;
– l’ouverture immédiate et la pérennisation de places d’hébergement pour toutes les personnes sans toit ;
– la réquisition et la mise à disposition des terrains, des logements et des bâtiments vides rendus habitables ;
– la baisse des loyers et des charges énergétiques ;
– la constitution d’un parc de logements très sociaux accessibles aux personnes ayant les revenus les plus modestes ;
– l’application du DALO et de toutes les lois concernant la continuité et l’inconditionnalité de l’hébergement et de l’action sociale.

Face cette biennale clairement orientée en faveur de la gentrification des villes et des intérêts des spéculateur·trice·s, nous organisons quatre jours de mobilisation générale en faveur du droit au logement pour toutes et tous.

L’assemblée des locataires, mal logé·e·s et sans logement