RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 158 / décembre 2016

Le bulletin no 159, janvier 2017 du petit journal mobile recto-verso A4 du réseau Résistons ensemble contre les violences policières et sécuritaires est sorti. Pour lire l’intégralité et télécharger ce bulletin mis en page au format pdf : http://resistons.lautre.net/spip.php?article569

La ligne rouge
Ça y est : « l’état d’urgence » a été prolongé pour la cinquième fois, il durera jusqu’au 15 juillet. Durci par le Parlement il y a un an, il permet assignations à résidence, perquisitions administratives, interdictions de cortèges, contrôles d’identité, fouilles de bagages et de véhicules, fermetures de lieux de réunion…
Et l’adoption de cette prolongation s’est passée dans l’unité nationale, droite et gauche bisounours. Le Front de gauche et quelques écolos ont voté contre, Mélenchon « pense » (!) qu’il ne l’aurait pas votée mais aucune des organisations de ces opposants n’a organisé la moindre mobilisation. À leur manière, ils avalent la pilule.
La prolongation au-delà des élections, permettra au nouveau pouvoir, qu’il soit de droite ou d’extrême droite, de s’installer d’emblée dans le fauteuil dictatorial préchauffé ainsi par la « gôche ».
On comprend alors la discrétion étonnante des différents candidats à la présidence sur la « sécurité ». On fait de la surenchère sur le nombre de policiers à engager, les places de prisons à construire, sans en faire l’axe d’un programme. Comme si pour tous les candidats, de quelque bord qu’ils soient, l’essentiel consistait à bétonner le chemin creusé en tenant la « ligne rouge » de l’« état d’urgence ». Toute cette agitation électorale démocratique n’étant qu’un écran de fumée pour cacher la prochaine étape, l’entrée dans une nouvelle ère : par le levier de l’« état d’urgence », arriver à un « État de haute sécurité », à un État d’« impunité zéro » permanent qui permettrait de réussir à mettre en place des « réformes sociales » au seul bénéfice des riches, dévastatrices pour les pauvres.
Exagération ? Ben, voyons. De l’aveu même de la police, l’« état d’urgence » n’a servi à rien contre le terrorisme ; en tous cas, il n’a pas pu et ne pourra pas empêcher les attentats terroristes djihadistes. En revanche il permet déjà et permettra encore d’intimider les militants, d’interdire des manifs (comme le 13 décembre à côté de Lyon où un maire a fait, sous prétexte d’« état d’urgence », interdire un rassemblement d’agents travaillant dans les maternelles appelé par la CGT), de frapper, blesser, enfermer tous ceux qui n’acceptent pas cette union nationale de fait. Les blessés depuis la lutte contre la loi El Khomry se comptent par dizaines, s’ajoutant aux morts entre les mains des « forces de l’ordre » ; les procès réprimant habitants des quartiers populaires, militants, ouvriers, jeunes, paysans se comptent par centaines. Et les fichiers s’empilent les uns à la suite des autres (tout dernièrement le fichier des gardés à vue).
Mais la rue, pour le moment, reste silencieuse. Comme si les centaines des milliers de personnes qui y étaient quotidiennement il y a quelques mois étaient tétanisées. Alors que, toujours au nom de l’antiterrorisme, les militaires en armes se pavanent sous nos yeux, aux côtés d’une police « nationale » et municipale, de contrôleurs et de milices des transports eux aussi surarmés. Les prisons n’ont jamais été aussi pleines, les migrants, les Rroms sont expulsés, triés, déportés à l’aveugle et les pauvres qu’ils soient français ou pas s’enfoncent dans la misère.
Une résistance visible vient cependant du côté de ceux qui ont subi les violences policières et gendarmesques, la mobilisation autour des procès des frères Traoré et des flics qui ont mutilé en 2008 à Montreuil ont été l’occasion d’entendre s’élever des voix fortes et fermes. Ce sont elles qu’il faut nourrir, amplifier et unifier… En veillant à ne pas les laisser étouffer par les magouilles électorales, d’où qu’elles viennent.

> chronique de l’arbitraire

Marche commémorative pour Babacar Gueye
400 personnes le 3/12 à Rennes autour de la sœur et des amis de Babacar Gueye, jeune sénégalais abattu de 5 balles par la police alors qu’il était en souffrance psychologique (voir RE 158). Des militants parisiens, des familles et soutiens d’autres victimes de crimes policiers (Ramata Dieng, Amal Bentounsi, Abdoulaye Camara et Assa Traoré, Collectif Houcine Bourras) sont venus en car de Paris. Le cortège a dû suivre le parcours absurde imposé par la préfecture avec contournement du centre-ville et des cordons de CRS à chaque carrefour déployés à l’avance en dissuasion, car au même moment et à côté, avait lieu une manifestation de policiers en colère
Des prises de paroles ont dénoncé les violences, le racisme et la psychophobie (oppression envers les personnes en état de souffrance psychologique) de la police. Awa a évoqué son calvaire pour récupérer son titre de séjour, expiré alors qu’elle était au Sénégal pour enterrer son frère (quelques jours après la marche, la préfecture lui a envoyé son nouveau titre de séjour). Le Collectif de soutien entend bien faire éclater la vérité pour rendre justice à Babacar. Plus jamais ça !

Les Traoré debout
14/12 : procès de Bagui et Ysoufou, frères d’Adama Traoré, incarcérés depuis 3 semaines et accusés d’outrage, menaces et violence sur 8 gendarmes et flics municipaux de Beaumont-sur-Oise lors du conseil municipal du 17/11, où la maire voulait obtenir le financement par la commune de sa plainte contre Assa Traoré… Salle remplie, famille soudée et soutiens nombreux, quelques journalistes. Les frères se défendent comme ils peuvent. Leurs avocats, bousculant la bienséance des tribunaux, dénoncent une enquête « pourrie » à charge et bâclée, fondée sur les seules déclarations des forces de l’ordre, contradictoires et modifiées au fil des dépositions. Le 17/11, avant de se faire gazer à bout portant, Bagui aurait insulté et frappé quasi tous les plaignants… L’acharnement contre les Traoré et le caractère politique du procès sont évidents mais écartés par la juge et le procureur, qui pourtant exigent de tous les témoins de la défense des explications sur leur présence au rassemblement du 17/11. Finalement Ysoufou, désormais sans boulot, est libéré (3 mois de sursis) et Bagui prend 8 mois fermes et 2 ans d’interdiction de Beaumont. Il a fait appel depuis. La lutte continue.

Procès de Bobigny
Communiqué du « Collectif 8 juillet – Montreuil » (extraits). «… La condamnation des 3 policiers qui nous ont tiré dessus, blessés et mutilés admet que la violence intervenue le soir du 8 juillet 2009 n’était pas une bavure mais un cas typique de violence en réunion par des policiers armés de Flashball… Les mensonges policiers et les expertises bidonnées, mais aussi la vérité de l’action banale de la police, sont apparus aux yeux de tous… »
Texte intégral : https://collectif8juillet.wordpress.com/2016/12/16/violence-en-reunion-par-des-policiers-armes-de-flashball-les-juges-confirment/

Tir « non réglementaire » et « illégitime »
Laurent, syndicaliste, a perdu un œil lors de la manif du 15/09 contre la Loi Travail (RE n° 156) à cause d’un tir de grenade de désencerclement (GMD), jugé « non réglementaire ». CRS non habilité, règles d’emploi non respectées et tir « illégitime » (car aucun attroupement « hostile » à ce moment-là) : le Parquet demande donc sa mise en examen et retient une qualification criminelle des faits, passibles de la Cour d’Assises.

Dernière minute : un homme tué par un tir policier à Auxerre
La nuit du 6 Janvier : des flics sont intervenus au domicile d’un homme qu’ils ont trouvé hurlant et saccageant son intérieur. Ils réagissent par un tir de flash ball, un jet de grenade lacrymo et un plaquage au sol. Ils auraient alors réalisé que l’homme était en train de mourir d’un arrêt cardiaque. Enquête en cours. À suivre.

Violence policière désinhibée
Le 16/12, un policier marseillais était condamné à 12 ans de réclusion criminelle pour le meurtre en février 2013 d’un lycéen de 19 ans, Yassine Aibeche, avec son arme de service en dehors de ses heures de travail (voir RE 117). La peine est bien différente de celle prononcée dans les rares procès de policiers poursuivis pour homicide pendant leur service.
Autre lieu, autre temps. Le 14 août dernier un agent en service se rend chez son beau-frère pour régler ses comptes personnels. Ses collègues dans la voiture sérigraphiée assistent au tabassage en règle le sourire en coin, sans bouger le petit doigt. Résultat : la victime, avec une épaule démise nécessitant une opération, écope de 96 jours d’ITT. De 2013 à 2016 on voit combien la donne a changé.

Christine R. est sortie de prison !
Maintenue en prison depuis novembre 2012 alors qu’elle n’y était entrée que pour 3 mois ! Elle y est restée à cause de ses altercations avec des surveillantes et sa détermination à dénoncer les conditions de détention. Le 20 décembre sa demande de libération conditionnelle a été acceptée par le JAP : elle est donc libre (avec cependant obligation de soin et de suivi…)! RE qui l’a suivie et soutenue depuis le numéro 120, se réjouit de cette excellente nouvelle ! Pour lire ses lettres, chroniques internes des conditions d’enfermement en France : https://enfinpisserdanslherbe.noblogs.org. Bon vent Christine !

« À Toulouse comme ailleurs cassez Dublin »
Les suites de l’évacuation du camp de Calais sont toujours aussi désastreuses. Les mineurs qui n’ont pas été acceptés ont quitté les CAOMI (où aucune aide réelle ne leur a été donnée pour construire leur avenir ou faire valoir leurs droits), certains ont exprimé leur révolte en manifestant comme à Batz-les-bains (44) ou par une grève de la faim comme à Réaville (82). Du côté des adultes, la situation n’est pas meilleure. Le gouvernement leur avait promis qu’ils pourraient déposer une demande d’asile en France (suspendant ainsi une mesure de Dublin III qui prévoit que les migrants peuvent demander l’asile uniquement dans leur pays d’arrivée, où ont été relevées leurs empreintes digitales, pays qui, comme la Grèce offrent des conditions d’accueil et d’intégration déplorables). C’est cette promesse qui avait joué dans la décision de nombreux migrants de monter dans les bus. Mais certaines préfectures ne respectent pas cet engagement comme celle de Haute Garonne devant laquelle 150 personnes ont crié leur colère le 22 décembre dernier. À Albi (81) un autre rassemblement a eu lieu pour protester contre d’autres types d’entraves à l’accès au droit d’asile pour les migrants.

> sur le vif

Le 6/01/2017 est née Brittany
« Sa mère Ada, Ivoirienne, de 34 ans est sans papier et voulait rejoindre Paris. Nous avons voyagé ensemble. Ada a été hébergée par des militantes d’un collectif parisien. Le matin je l’ai accompagnée voir l’assistante sociale de l’hôpital qui lui a expliqué qu’elle ne pouvait rien faire pour elle avant qu’elle n’accouche et nous a suggéré d’appeler le 115. On a ensuite essayé au centre de la Porte de la Chapelle. Ils se sont contentés d’appeler le 115 et lui ont trouvé un logement dans un hôtel à la Fourche. L’« accueil » et la « mise à l’abri » ont consisté, pour cette femme presque au terme de sa grossesse, en une toute petite chambre et rien d’autre, pas même des draps. Sans la solidarité militante des collectifs marseillais et parisien, on peut se demander comment Ada aurait survécu ses deux premières semaines en France, juste avant d’accoucher ».

> agir

Procès en appel du policier qui a blessé Geoffrey
lycéen de 16 ans mutilé au visage par un LBD40 le14 octobre 2010, lors du « mouvement des retraites » et d’abord accusé de violences Geoffrey a été relaxé et le policier est condamné. Maintenant le policier fait appel. RDV les 9/10/11 janvier 2017, 13h30, Cour d’Appel de Paris, 8èmeChambre. Solidarité ! Contact : geoffreyassembleedesblesses@gmail.com

Soirée de soutien aux personnes victimes de la répression et des violences policières
Vendredi 13 janvier 2017 à 19h30 à La Maison de l’Arbre / La Parole Errante 9 rue François Debergue Montreuil (93) Métro Croix de Chavaux. https://paris.demosphere.eu/rv/52166

Week-end « vérité et justice pour Adama Traoré »
Le 20 janvier à St Etienne : projection du documentaire de Sabrina Cheebi « les coups de leurs privilèges » et discussion avec la famille Traoré et la réalisatrice / Soirée « Dj’s Soul, Hip-Hop » de soutien. Le 21 Janvier à Grenoble : à partir de 16h ateliers d’écriture, film, repas, témoignages et concert. Le 22 Janvier à Lyon : manifestation à 14h (Place Jean Macé).

Soutien à l’Attieke expulsable
L’Attieke, centre social auto-organisé à St Denis, qui héberge 40 personnes, est désormais expulsable au mépris de toute trêve hivernale. Un rassemblement a été organisé le 21/12 et une soirée-réveillon le 31/12. L’Attieke réclame l’ouverture d’un lieu équivalent par la mairie ou la préfecture. La lutte se poursuit, pour se renseigner, aider : collectifattieke.wordpress.com

Solidarité avec Lluc
Ce qu’on lui reproche : avoir filmé ce qui se passait avec son portable, après une manif contre la loi Travail, le 15/4, à Paris. Accusé de « rébellion » après s’être fait tabasser par les flics. Fracture du nez et du pouce, hématomes, 60 heures de GAV, Lluc a été condamné à 12 mois avec sursis et 11 000 euros d’amende en juillet. Le procès en appel aura lieu le 9 février prochain où son comité de soutien appelle à venir nombreux.

Solidarité avec les immigrés !
Dans la nuit du 15 au 16/12, un incendie criminel a éclaté au Foyer de Travailleurs Migrants de la rue Nationale à Boulogne-Billancourt à 4 h. Un homme de 36 ans est mort en se défenestrant, un autre est toujours dans le coma, et plusieurs ont été grièvement blessés. Un acte raciste et xénophobe probable. Les habitants sont en grève depuis 7 mois contre leur gestionnaire, Coallia qui a fermé la cuisine collective indispensable qui fonctionnait depuis 40 ans. D’autre part, la spéculation immobilière veut les chasser du quartier qui se gentrifie depuis le départ des usines Renault. Manifestation de solidarité mardi 10 janvier rassemblement à partir de 17H au foyer, 27 rue Nationale, départ 18H .https://paris.demosphere.eu/rv/52105