L’iGAV a pour but de recueillir toutes les informations possibles et imaginables concernant votre passage en garde à vue. Notamment :

 vos préférences alimentaires (et donc, potentiellement, vos pratiques religieuses) ;
 votre état de santé (informations données par vous-même, votre médecin de GAV ou encore votre entourage) ;
 l’identité de votre avocat.e, du ou de votre médecin, mais aussi des personnes que vous avez demandé à faire prévenir ;
 la liste de vos effets personnels ;
 les parades d’identification que vous tenteriez éventuellement ;
 les droits que vous acceptez ou refusez ;
 et bien plus encore (voir en bas de l’article pour la liste complète).

Même si la GAV reste sans suite, les données seront enregistrées et centralisées sur les plateformes CHEOPS-NG (fichiers de police) et WEBSSO-PROXIMA (fichiers de gendarmerie), et consultables par les états-majors de police et de gendarmerie, incluant la préfecture et les brigades de renseignements et d’investigation judiciaire (procureur), le défenseur des droits et le contrôleur général des privations de liberté, et ce pour une durée d’un an. Passé ce délai, ce fichier restera consultable (neuf ans) par les états-majors, l’IGGN, l’IGPN et le défenseur des droits, tandis que les auteur.es du fichier et ses diverses consultations ne seront enregistrées que pour une durées de cinq ans [1].

Nouvelle offensive de l’exécutif

La raison invoquée, à savoir « faciliter la conduite et la gestion du déroulement des gardes à vue » s’avère plutôt être le vernis foireux d’une stratégie de fichage massive à l’anglo-saxonne, qui s’inscrit dans une ligne politique sécuritaire et liberticide de plus en plus décomplexée.

Dans un souci de « démocratie », les rapports de parlementaires et de la CNIL dénonçaient la main-mise de l’exécutif sur l’établissement et les modifications du cadre légal des fichiers de police, et tiraient la sonnette d’alarme contre leur multiplication, leur inutilité, les faibles garanties de contrôle et l’absence de base juridique pour 25% d’entre eux. Sous le terme pompeux de « dilatation des finalités » sont pointées les dérives d’usage liées à ces fichiers, à l’exemple du FNAEG (Fichier National Automatisé Des Empreintes Génétique), initialement prévu pour recenser les personnes ayant commis des infractions sexuelles, qui a été successivement étendu. En 2003 il intégrait jusqu’aux suspect.es de quelques 137 infractions (exceptées les infractions financières…).

Le STIC (aujourd’hui TAJ [2]), créé dans l’objectif de « faciliter la recherche d’auteurs d’infractions » recensait en réalité une multitude d’informations erronées : 83% des fiches comportent des erreurs et plus de 93% des acquitté.e.s restent fiché.e.s. Ce fichier, largement consulté, est désormais utilisé dans des processus de naturalisation ou l’accès à certaines professions réglementées.

Big Brother

L’iGav n’arrive pas seul, il est suivi deux jours plus tard d’un autre décret portant sur la création nouveau fichier administratif, le TES [3] dit « des gens honnêtes », qui fusionne les données de la carte nationale d’identité et du passeport, et passe de 15 millions d’informations biométriques à 60 millions : et si la finalité de l’« authentification » est chuchotée, c’est bien parce que son usage à des fins d’identification se profile en sous-main [4].

La multiplicité des fichiers déjà existants et leurs modifications substantielles au cours du temps permettent d’affirmer que les finalités de ces fichiers sont posées par les pratiques même des flics et des gendarmes, sans qu’aucun organe de contrôle conséquent ne puisse garantir nos libertés. L’interminable prolongation de l’état d’urgence révèle bien l’utilité de sa nature répressive, expressément tournée vers un ennemi intérieur ciblé : racisé.e.s, migrant.e.s, opposant.e.s et militant.e.s.

Pour autant, ces décrets se proposent d’inscrire durablement la logique sécuritaire du fichage dans notre quotidien. Or, l’accumulation de données sensibles, majoritairement erronées, par un corps d’État jonché de racistes et de réactionnaires, aujourd’hui dans la rue pour dénoncer les lacunes d’une justice qu’ils voudraient à la hauteur de leur haine, mériterait une réflexion / réaction collective.

Liste exhaustive des données collectées dans le cadre de l’iGAV

– Nom, prénom, alias
– Date, lieu de naissance, nationalité
– domicile
– photo
– antécédents judiciaires justifiants des mesures de sûreté particulières
– éléments relatifs à la santé
– identité du médecin
– date et heure de l’examen médical
– avis du médecin sur compatibilité . incompatibilité de l’état de santé avec mesures
-suivi d’un traitement médical
– éléments relatifs au droits
– droits demandés ou refusés
– date et heure de l’avis de l’avocat
– identité de l’avocat
– dates, heures et durée du ou des entretiens avec l’avocat
– avis demandés, dates, et heures des avis effectués
– Identité de l’interprète
– Date et heure de la présence de l’interprète
– Identité des personnes prévenues
– proche
– curateur
– tuteur
– employeur
– Date et avis des personnes consulaires si pers placée en GAV nat. étrang.
– Effets personnels
– mesures de sûreté pratiquées sur
– raison de la GAV / circonstances de l’interpellation
– date et heure début GAV
– date et heure prolongation GAV (avec ou sans présentation magistrat)
– date et heure fin de GAV
– Numéro de procédure
– Cadre d’enquête
– Dates et heure
– auditions
– confrontations
– perquisitions
– parades identifications
– date et heure fouilles intégrales de l’OPJ
– Date et heure investigations corporelles réalisées à la demande de l’OPJ
– Date et heure des repos et des repas
– Contre-indications alimentaires
– Surveillance particulière dont fait l’objet la personne (fichier S, écoute ?)
– identité des magistrats intervenus dans la GAV
– Suites de la GAV

Sources

Décret TES
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033318345&categorieLien=id

Décret iGAV
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033313304&idJO=JORFCONT000033312664

Avis de la CNIL
https://www.cnil.fr/fr/controle-des-fichiers-dantecedents-conclusions-et-propositions-de-la-cnil

Rapport parlementaire « Les fichiers de police »
http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i1548.asp

http://www.koubi.fr/spip.php?article990#nh1

http://www.guidedumanifestant.org/fiche/le-stic-le-fnaeg

https://theconversation.com/le-mega-fichier-de-la-discorde-69107

Notes

[1] Oui, on se fout bien de notre gueule

[2] Traitement d’Antécédents Judiciaires.

[3] Titres Electroniques Sécurisés.

[4] Voir article 4 du Décret TES, n° 2016-1460, premier lien