Des centaines de policiers ont défilé dans nos villes cet automne, le visage parfois masqué, sans être ni inquiétés ni dissuadés par les pouvoirs publics. Eux réclamaient des armes et plus d’occasions de s’en servir. Que pensez-vous qu’il advint à des citoyens qui se réunirent pacifiquement pour discuter d’un avenir fait de justice sociale ? Ils sont convoqués jeudi 17 novembre devant le tribunal de Guingamp. Explications.

Lundi 20 juin 2016. Le conflit contre la loi Travail s’éternise. À Lannion (22), il a donné naissance à une « Nuit Debout », qui se réunit quotidiennement devant l’hôtel de ville, depuis le 22 avril. Débats, échanges de journaux et de livres, projections et même festoù-noz se succèdent autour d’une tonnelle rouge, devenue le repaire de l’insurrection populaire.

Les élus de la majorité municipale PS-PCF, bien qu’invités, détournent les yeux du bouillonnement politique qui se forme sous leurs fenêtres. L’essoufflement n’arrivant pas, le maire Paul Le Bihan publie un arrêté municipal qui interdit tout rassemblement aux abords de la mairie, jusqu’au 5 juillet.

Deux jours auparavant, le soir d’une opération casseroles particulièrement suivie, la vitre de la porte d’entrée de la mairie a été brisée par un jet de galet. « Nuit Debout Lannion» condamne cet acte, causé par un individu qui ne participe pas au rassemblement. C’est cet incident qui donne un prétexte au maire.

Arrêté fragile

« Nuit Debout Lannion » vote la poursuite des rassemblements, même lieu, même heure. Les arguments de sécurité ne tiennent pas car la vitre est immédiatement et intégralement recouverte d’un film gris opaque, puis d’une plaque en bois. Une délégation rencontre le maire et son premier adjoint, sans obtenir l’annulation de l’arrêté. Un recours est donc envoyé le 22 juin au tribunal administratif de Rennes, qui en accuse réception six jours plus tard.

En ce début d’été, les rondes de la police sont de plus en plus fréquentes et les amendes tombent, tantôt pour « stationnement gênant », tantôt pour « bruit portant atteinte à la tranquillité » (en plein après-midi).

L’arrêté n’empêche pas les usagers, élus et personnels d’emprunter l’entrée principale de la mairie, comme le 27 juin, lors d’un conseil municipal haut en couleur. Des commémorations d’anciens combattants aux réceptions d’élèves chinois en passant par les mariages, les marches restent prisées. Des articles de presse en témoignent. 

Dans Le Télégramme, Paul Le Bihan confirme que c’est bien « Nuit Debout Lannion » qui est visée, évoquant un manque de respect, des « blocages » devant la mairie et des écritures à la craie qualifiées de « tags injurieux » qui « coûteraient près de 3.000 € ».

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« Répression pécuniaire »

C’est en septembre que « Nuit Debout Lannion » apprend que la mairie réclame environ 3.000 € de frais d’avocats, suite au recours contre l’arrêté d’interdiction, qui n’a pas encore été étudié.

Un mois plus tard, trois militants reçoivent une convocation au tribunal d’instance de Guingamp. Ils sont poursuivis pour non respect de l’interdiction de rassemblement, les 24 et 26 juin, ainsi que les 2, 3 et 4 juillet. Ils risquent chacun 1.500 € d’amende par infraction. L’affaire sera jugée jeudi 17 novembre, à 9 h.

Un rassemblement sera organisé pendant l’audience devant le tribunal, ainsi qu’une fête de soutien, vendredi 18 novembre, dès 17 h 30, à Loc Envel. Quant aux rassemblements devant la mairie, ils se perpétuent chaque jeudi soir.

Les publications de « Radio Debout Lannion » n’engagent aucunement le mouvement « Nuit Debout Lannion », qui publie ses communiqués sur sa propre page. Article initialement publié sur la page Facebook de « Radio Debout Lannion ».