Visiblement, on serait bien en peine de trouver satisfaction dans
l’attitude des instances syndicales confédérales, face à l’opération
généralisée de démolition des services publics. Après l’éducation l’année dernière, l’explosion de la précarité à la Poste sans autres réponse que des mouvements en ordre dispersé, c’est EDF-GDF que le gouvernement tente de liquider, en tentant de briser toute résistance efficace, c’est-à-dire celle qui s’attaque au portefeuille des actionnaires et des patrons.

Ce gouvernement de combat au service des intérêts du patronat s’attaque à un gros morceau : celui d’un des derniers bastions syndicaux, avec un poids incontournable de la CGT, une base encore très combative.

Cette base n’a pas hésité, comme nous l’avons vu dans la lettre d’avril,
à se donner les moyens de la construction d’une mobilisation, face à une relative mollesse des fédérations syndicales au regard de l’enjeu
historique : la privatisation de l’énergie. Elle n’a pas hésité, à
recourir à l’action directe, qui plus est d’une manière intelligente en
ce sens qu’elle portait un vrai projet de classe : coupure chez les
patrons et politiciens, sur les sites industriels, remise de compte aux
familles démunies, passage d’usagers au tarif de nuit.

La fédération CGT a d’ailleurs suivi sa base, de même que FO et SUD, dans un premier temps, au moins en terme de discours, mais sans se donner les moyens d’une grève totale, et surtout – dimension confédérale oblige- d’un élargissement interprofessionnel, à minima dans les services publics. Les réactions gouvernementales, qu’il s’agisse de répression ou de démagogie, à ces actions, ont montré à quel point leur généralisation faisait peur à l’Etat, mais également au patronat.

On a ainsi vu un Seillières étaler son arrogance de classe, en nous
expliquant ce qu’une grève devrait être et ne pas être, en nous parlant
de cette légalité bourgeoise, ce leurre qu’il bafoue en plus jour après
jour. On n’a jamais vu autant de ministres réactionnaires nous faire de
grand discours sur le service public. Nul doute qu’ils puissent être aux
abois face au «mauvais » exemple que pourraient donner les agent-e-s
d’EDF aux autres salarié-e-s.

Quant à nous, anarcho-syndicalistes, cet exemple, encore trop rare, ne
saurait que nous réjouir : un retour à l’action directe et à la lutte de
classe, plutôt que l’illusion de la pétition aux politiciens qui de toute
façon, à droite, sont bien décidés à faire passer le projet, et à gauche,
l’ont mis en place à l’échelle européenne en entérinant le traité de Nice
qui prévoyait la privatisation du secteur de l’énergie.

Mais, au moment où nous écrivons ces lignes, il semble que la direction fédérale CGT, poussée par la confédération, soit sur le point de lâcher sa base : elle ne parle déjà plus de retrait du changement de statut mais de maintien des parts étatiques dans une société par action. Inféodation aux logiques politiques : ne pas aller trop loin pour laisser les partis se présenter comme « seule alternative » et « voie de recours » crédible, une fois les syndicats mis à genoux ?

Effets « collatéraux » d’un accord en sous main pour conserver le CE et
sa manne financière, en terme de permanents et de ressources, contre une participation à la liquidation d’EDF-GDF comme service public ?
Incapacité à prendre la mesure de l’enjeu historique qui risque de
devenir un Waterloo pour le mouvement syndical, avec son lot d’amertume et de désyndicalisation ? Défaitisme par avance ?

Sans doute un peu de tout ça.

Mais une chose est sure, c’est que la bureaucratie CGT fait une grossière erreur en mettant en avant sa conservation plutôt que la défense des intérêts des travailleurs-euses.

D’une part parce que c’est tout le syndicalisme qui risque d’en pâtir :
accumuler défaite sur défaite (retraite, sécu, service publics) mine la
crédibilité du projet syndicaliste auprès de nombreux-ses salarié-e-s.
D’autre part parce que, sans s’en apercevoir, elle y joue sa peau (mais
ça, à la rigueur, nous n’en avons que faire) : une fois le syndicalisme
combatif liquidé, quel intérêt pour le patronat d’entretenir les coûteux
rouages de la cogestion syndicale ?

Mais surtout et enfin parce que ne pas donner un coup d’arrêt à cette
logique de casse sociale, c’est donner les coudées franches à l’Etat et
aux patrons pour continuer sur leur lancée. Et pourtant, les pistes
existent. Une mobilisation interpro, un mouvement d’ampleur est plus que jamais à l’ordre du jour : la poste, l’éducation, la santé, EDF, la SNCF, tous sont sous le coup d’une privatisation en cours ou en voie de mise en place. A côté de cela, le privé voit les mauvais coups pleuvoir : des délocalisations (STM à Rennes, par exemple, sous les matraques et les gaz des CRS et des vigiles), des plans sociaux.
Alors, quant est-ce qu’on s’y met, tous et toutes ensemble, pour leur
dire stop, en les prenant au seul endroit où ça les touche : le
portefeuille et la bonne marche d’une économie qui nous broie ? On peut effectivement attendre longtemps que les bureaucraties confédérales prennent la mesure des enjeux. Alors ?

Alors :

– poser la question de la démocratie syndicale qui accentue cette
déconnection entre base et instances !

– constituer et coordonner des équipes syndicales actives pour taper du
point sur la table dans les fédérations et les confédérations.

– s’organiser entre syndicalistes de classe.

– se donner, en cas de blocage, nos propres moyens d’une mobilisation
interpro et intersyndicale, sans esprit de chapelle, en constituant des
collectifs intersyndicaux et interpros sur ces questions, pour échanger
l’information et se coordonner à la base.

– demander des comptes aux mandaté-e-s, comme commencent à le faire un certain nombre de section syndicales CGT-EDF-GDF, pour que les décisions de congrès et la volonté des salarié-es soient respectées, dans l’intérêt des travailleur-ses.

Et gare à la revanche, quant nous nous y mettrons toutes et tous ENSEMBLE plutôt qu’en nous faisant tondre un-e par un-e

Sam

Lettre des militant-e-s syndicalistes libertaires
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Ce texte est extrait de la Lettre des militant-e-s syndicalistes
libertaires du mois de juillet 2004

Cette lettre est un outil d’échange d’informations et de réflexions qui
s’adresse à tous les militant(e)s syndicalistes, anarcho-syndicalistes ou syndicalistes révolutionnaires, anarchistes ou « sympathisants »
libertaires. Les militants qui animent cette Lettre entendent agir dans
une logique pluraliste et dans le respect intégral des choix
organisationnels de chacun. Autrement dit, la Lettre des militant(e)s
syndicalistes libertaires s’interdit toute exclusive ainsi que tout
prosélytisme en faveur de telle ou telle organisation syndicale en
particulier. Elle peut ainsi constituer un Lien solide entre des
camarades / sympathisants libertaires, impliqués dans diverses
organisations syndicales : CFDT, CGT, CGT-FO, CNT, Confédération Paysanne, FEN, FSU, PAS, SUD SOLIDAIRES, UNEF, syndicats de chômeurs etc.

Son but est :

1) La circulation d’informations utiles à nos activités syndicales
respectives

2) La diffusion des idées, critiques et propositions anarchistes dans les
milieux militants syndicalistes,

3) Organiser des échanges de pratiques et permettre de coordonner
l’action des militant(e)s syndicalistes libertaires durant les luttes et
mouvements sociaux.

http://perso.wanadoo.fr/lettre-msl/
lettremsl(a)wanadoo.fr