Avant l’arrestation

Ce n’est pas un secret qu’à un moment donné, j’ai décidé de « disparaître » parce que je craignais que la police prépare mon arrestation. J’ai parlé de mes théories et raisons dans le texte S’échapper au contrôle de l’état (pas traduit) publié sur différents sites web du mouvement anarchiste. Le choix que j’ai pris m’a permis de vivre pendant des longues mois en cachette et plutôt heureux. Je bougeais librement et je mangeais bien. Le monde entier était ma maison et j’y trouvais un refuge pour une vie culturelle et sociale. La sécurité affective et matérielle me donnait l’énergie pour continuer la lutte émancipatrice. Je savais quels risques y sont liés, mais je n’ai jamais songé à arrêter. Et je n’y songe pas là non plus. Se libérer de la dictature des états et du capitalisme est un but tellement attirant, qu’il m’est impossible d’en détourner mon attention. Même quand on me menace avec un doigt, une matraque, une prison… Le fait d’être anarchiste implique pour moi d’accepter ces menaces comme une conséquence du désir de liberté que j’exprime, comme un phénomène lié au quotidien d’une personne qui se rebelle. Un phénomène que je ne peux pas éviter, mais auquel je peux résister. Et je le fais et ferai encore.

Circonstances de l’arrestation

La police m’a arrêté à Most, la ville ou je suis né et ou j’ai vécu pendant longtemps. Il y a une partie de ma famille et beaucoup de mes ami.es. Ensemble, on y faisait fonctionner un espace collectif Aténeo et on y a organisé un grand nombre d’actions liées au mouvement anarchiste. Bref, je suis assez connu dans cette ville parmi les habitant.es, les flics et les bureaucrates.

Certaines personnes vont penser que c’était « idiot » de décider d’aller dans cette ville au moment où un mandat d’arrêt européen me concernant a été délivré. Même si les personnes les plus proches le pensaient, je ne le leur reprocherais pas. Illes regardent la situation d’un autre point de vue. J’entends que certain.es ne comprennent pas les idées et les actes d’une personne qui a vécu un long moment en clandestinité. L’existence d’une personne en cavale implique une séparation des personnes proches avec lesquelles ille était en contact souvent et étroitement. C’est une des choses des plus difficiles à laquelle il faut s’adapter. Comparé à ça, la recherche des moyens, de la nourriture, des cachettes ou le fait de s’assurer de la sécurité sont des taches assez faciles. Il y a deux façons de réagir à la séparation. On peut soit l’accepter passivement et s’exposer à une souffrance et une frustration infinie, soit on peut essayer de vaincre la séparation par des contacts occasionnels qui par contre agrandissent le risque d’être arrêté. J’ai choisi, d’une manière « instinctive », la deuxième option. Je connaissais la menace et je savais ce que je pouvais perdre. Mais je savais aussi que dans l’isolement je peux perdre une valeur qui est très importante pour moi – les contacts avec les gens auxquels je tiens et qui tiennent à moi. C’est pour cette raison que j’ai décidé de venir à Most en connaissance des risques.

Tout aurait pu se passer sans problème et j’aurais vite regagné un endroit plus safe. Ce n’était pas une tache difficile, je m’y suis bien préparé. Mais tout le monde sait que la vie est des fois traversée par des événements inattendus qu’un.e individu.e ne peut pas anticiper et qu’ille n’a pas le pouvoir de changer. C’est ce qui s’est passé dans mon cas. En conséquence, je n’ai pas réussi à contacter du monde et en plus, j’ai été arrêté. Je ne vais pas m’étaler sur les raisons et la manière exacte dont ça s’est passé. Peut-être une autre fois.

Décision de la police

Peu de temps après mon arrestation, on m’a transmis une décision de la mise en place des poursuites judiciaires. J’ai décidé d’utiliser mon droit de silence. L’enquête est menée par l’organe de police spécialisé en crime organisé (UOOZ). Illes m’accusent d’avoir fondé, soutenu et diffusé un mouvement visant l’oppression des droits et des libertés de l’homme. D’après UOOZ, j’ai créé le Réseau des cellules révolutionnaires (SRB), j’ai participé aux certaines actions de SRB, écrit certains communiqués de SRB et publié tous les communiqués sur le site du collectif Asociace Alerta. Ensuite, illes disent que j’ai commis un délit de dégradation du bien d’un tiers quatre fois. Deux fois pendant un incendie volontaire d’un véhicule de police, une fois dans un incendie volontaire de porte d’un magasin et une fois en faisant deux tags sur le mur de la prison de Prague-Ruzyne. Et enfin, UOOZ dit aussi que j’ai commis du chantage envers le gérant du restaurant Rizkarna.
J’ai tout étudié attentivement pour comprendre sur quoi UOOZ a basé ses convictions que j’ai commis ces actes. Franchement, ça m’a rassuré parce que les « preuves » présentées, ce sont des spéculations et des « pistes » qui en vrai ne prouvent pas ma participation à ces actes.

Défense

Il est connu que je ne trouve pas le système judiciaire sympathique. Je le considère être une partie des outils répressifs du capitalisme auquel je m’oppose. Pourtant, j’ai décidé d’essayer de me défendre au tribunal étant donné la faiblesse des « preuves » que UOOZ propose contre moi. Je me rends compte que ce choix implique de lutter sur le terrain d’ennemi avec des moyens restreints qu’illes me réservent. Je n’ai pas des attentes exagérées ni les illusions que le tribunal est une institution indépendante qui pourrait servir à la lutte émancipatrice.
Je vais me défendre au tribunal mais je continue à affirmer que la lutte anarchiste doit avant tout prendre sa source dans la logique subversive des actions directes et ne pas compter sur les outils institutionnels de l’état ni les formes d’action indirectes (négociées par les représentant.es). Ce que je dis et fais depuis des années laisse clairement deviner quelles formes de lutte je considère comme prioritaires. Je vais continuer à agir de cette manière et je le demande aux autres personnes solidaires avec moi.

Toujours dangereux et armé

Pendant la période ou je me cachais, la police et les media m’ont présenté comme dangereux et armé. Je l’ai confirmé dans le texte Lukas Borl dans le viseur de la police (pas traduit). Après l’arrestation, la police m’a confisqué un spray au poivre, un poing en métal, un pistolet à gaz avec deux chargeurs et 23 cartouches (ces armes sont accessibles légalement et sans port d’armes en Rép. tchèque). Et maintenant illes me maintiennent en prison. Malgré cela, je continue à affirmer que je suis dangereux et armé. Dangereux (pour le capitalisme) parce que même derrière les barreaux je refuse de m ‘adapter aux conditions d’exploitation et j’incite d’autres personnes à s’y opposer (se révolter). Je suis toujours armé parce que mon désir de solidarité ne m’a pas pu être confisqué et mis dans le protocole comme une chose importante pour la procédure pénale. La solidarité et l’insoumission sont des armes que j’ai toujours bien en main. Et je suis prêt à les utiliser. Je le faisais, je le fais et je le ferai.

Terrain de lutte

En tant qu’anarchiste, j’ai toujours été conscient de l’éventualité de se faire arrêter. C’est de cette façon que tout régime réprime celleux qui s’opposent à lui. Là, je suis en détention provisoire, mais je ne le considère pas comme une fin d’un chemin d’anarchiste. La prison est seulement une des phases que un.e révolutionnaire peut (on pas) traverser. Ce n’est pas une fin. C’est juste un changement de circonstances du terrain sur lequel je vais maintenant entrer en luttes nouvelles contre les auteur.es de l’oppression. Je suis content que je peux toujours continuer ces luttes avec d’autres anarchistes. Avec celleux qui comprennent que la lutte collective est la seule issue du capitalisme.

Actions de solidarité

Chaque personne qui ressent un besoin de me soutenir peut choisir d’un grand nombre de possibilités. Les moyens et le timing est le choix de chacun.e. Je ne vais pas dire à personne quoi faire ou comment. Mais clairement, je ne souhaite que personne prenne distance, pour moi et sans mon accord, des actions directes réalisées en solidarité avec moi. Si je ne serai pas d’accord avec une action, je vais exprimer ma critique seul quand je le trouverai important.
Un petit conseil pour celleux qui ont des doutes concernant les actions que j’apprécierais : Informez-vous de mon passé, vous allez comprendre quelles sont mes positions idéologiques. Si vous pouvez lire mes positions, vos doutes seront dissipées par rapport aux actions que j’apprécierais ou pas. Il n’y a rien à attendre.
Pas de paix sociale avec celleux qui nous exploitent et tyrannisent. La lutte continue !

Avec les salutations anarchistes de la prison, votre frère, ami, camarade

Lukas Borl – 11.9.2016, Litomerice

Adresse en prison :
Lukas Borl 1.3.1982
Vazebni veznice Litomerice
Veitova 1
412 81 Litomerice
République tchèque

Traduit de : https://antifenix.noblogs.org