Rien de tout cela. Point de propagande révolutionnaire. Des gribouillis en rouge, totalement incompréhensibles pour le passant non averti. Un avertissement peut-être (certes, nous sommes loin des intimidations et menaces devenues habituelles, mais on ne peut pas toujours donner le meilleur de soi, non ?) pour celles et ceux qui allaient banqueter ici même cet après-midi ? Des règlements de compte des derniers rejetons de Mr. Marx à l’encontre de leurs semblables, petits-fistons de Mr. Blanqui ?

Ce dont nous pouvons être certains, c’est qu’il ne s’agit pas d’un acte révolutionnaire, de quelque côté qu’on le regarde. C’est de la politique, du même tonneau que celle des appelistes. De mon temps on disait que les révolutionnaires, lorsqu’ils ne sont pas d’accord, s’expliquent. Et on reprochait à certains de s’en prendre aux autres plutôt qu’à une banque, un lieu de culte, un commissariat ou une permanence de parti…

A dire vrai, bien sûr que cela me plut au premier abord, car je n’aime d’aucune manière ces politiciens-épiciers. Mais, pour tout dire, je n’aime aucun politicien. Ni Mr. Coupat et ses amis, qui ne sont pas des amis de la liberté, ni certains de leurs ennemis rouges, des ennemis de la liberté, ni, encore, certains des amis de ces ennemis, un temps anarchistes, mais ayant abandonné nos idées de par leurs attitudes autoritaires.

Hélas, Messieurs et Dames qui chuchotez dans vos coins : « Encore un coup de ces anarchistes-là », vous faites erreur ! Cette rue Piat a encore vu, en des temps pas si reculés, des anarchistes conspirer, des anarchistes agir, des anarchistes discuter avec des gens, des anarchistes propager nos idées par l’écrit. Des anarchistes qui s’en prennent à ce monde et à ses faux-critiques, tous ses faux-critiques, fussent-ils appelistes ou autonomes anti-appelistes. Mais pour qui la guerre contre les faux-critiques n’a pas effacé la guerre contre l’existant. Des anarchistes, nous disions, qui visent un peu plus haut que trois petits gribouillis faits juste sous l’œil des caméras de Mr. Lepine, qui visent un peu plus loin que quelques bassesses contre des amis de l’épicier en chef. Des anarchistes qui ont mieux à faire que de distribuer des jugements à droite et des baffes à gauche, des injonctions à prendre position dans une sale guéguerre de couloir déclarée par deux autoritaires et dans laquelle l’État prend les paris, toujours gagnant. Des anarchistes qui ont choisi leur camp il y a fort longtemps : contre toute autorité, fusse-t-elle peinte de rouge ou de noir délavé.

Pour finir, Messieurs et Dames, bien loin de me dissocier de ce haut fait d’arme, je tiens à ne pas me voir rangé parmi les amis de ces taggueurs-là, bien qu’on ne puisse certainement pas me ranger parmi les amis d’aucun épicier. Qu’on me range, si on y tient tant, parmi ceux qui aujourd’hui encore attaquent l’État et ses relais. Parce que l’agitation révolutionnaire que je vois encore dans les rues, petite mais présente, les feux de révolte que je vois brûler par-ci par-là, me réchauffent le cœur aujourd’hui comme hier. Cela même si les choix individuels font que, pendant que d’aucuns continuent à se jeter dans la guerre sociale, d’autres s’enfoncent dans les guerres de couloirs – choisissant les camarades qui vont avec. On en a pris acte.

Avec tout mon amour pour les marmites bien remplies, avec toute ma haine envers tous les politiciens, même ratés, je vous embrasse.

Fait à Villa Faucher, Paris Belleville, le jour du 02 octobre 2016,

Emile Henry, anarchiste