Les temps changent. Chirac et ses prédécesseurs se déplaçaient avec quelques gardes du corps, Sarkozy avait besoin de dizaines de policiers pour mettre à distance les manifestants indésirables. Mais en réalité, c’est la gauche du mégalomane paranoïaque Manuel Valls qui a pulvérisé tous les records, en militarisant une ville entière pour venir y prononcer un simple discours. Si l’ensemble des hôtels du pays nantais étaient réservés, ce n’est finalement pas pour loger des policiers chargés d’expulser la ZAD, mais bien pour assurer la sécurité du premier ministre. Le déploiement policier a permis de se figurer ce à quoi pourrait ressembler Nantes en cas d’opération à Notre-Dame-des-Landes.

Contre Valls, ce n’est pas une ni deux manifestations qui ont eu lieu à Nantes, mais bien trois. Retour sur cette journée marathon :

10H, autour de 150 étudiant-e-s et lycéen-ne-s se retrouvent sur la Place du Bouffay. C’est calme. Une effigie de Manuel Valls, dressée sur un chariot apparaît. Un arrêté du « tribunal populaire de Nantes » est déclamé à deux voix, et réclame la peine maximale pour le ministre de la loi travail, du 49-3 et de la chasse aux migrants. Sentence immédiate. La figurine est enflammée, avant qu’une manifestation ne s’improvise dans le centre ville derrière une banderole « Valls n’a pas dit bonjour ». Petit cortège mais ambiance assez tonique. Inévitablement, des lignes policiers surgissent rapidement, alors que la manifestation s’oriente vers un hôtel de luxe. Demi tour au trot. La petite foule est insaisissable. L’étau se resserre sur le cours des 50 otages avec des dizaines de Gendarmes Mobiles qui courent de toutes leurs forces vers les manifestants. Des véhicules de police mènent une chasse au manifestants à coups d’accélérations et de freins à main. Dispersion éclair. Pas d’interpellation.

15H30, l’intersyndicale organise un rassemblement non loin de la Beaujoire où Valls doit prononcer son discours. La mobilisation est faible, engoncée dans un coin désert de la ville, et cerné de policiers. Quelques fumigènes, puis une opération « pas de costards sur les trottoirs » contre les conférenciers qui se rendent au discours mettent un peu d’énergie dans la fadeur de l’événement. Mais la vie n’est pas là. Tant pis, rendez-vous est donné le soir même en ville pour un pot de départ.

19H. 3ème tour, retour Place du Bouffay. Un centaine de personnes arrose le départ du ministre : « Valls, casse toi, et surtout revient pas ! » La nuit tombe. Un brasier est allumé sous haute surveillance. Quelques feux d’artifice sont tirés. Bonne ambiance. Le bruit court qu’un repas privé organisé par la société Eiffage a lieu dans le Château des Ducs. Manif sauvage. Des feux d’artifice sont envoyés dans les douves et au dessus de la cours du château. Arrivé à l’arrêt de tram Duchesse Anne, des dizaines de cars de CRS déboulent. Comme le matin, le cortège esquive le dispositif. Retour vers le centre. Les policiers, sans doute lassés d’attendre dans leurs camions depuis le matin lancent des charges hallucinantes dans l’hyper centre. On peut voir des colonnes de CRS courir à pleine vitesse sur 200 mètres en criant, devant des clients attablés aux terrasses. Mais les manifestants se sont déjà dispersés, et les centaines de policiers qui devaient étouffer toute manifestation pour la venue de leur chef sont renvoyés à leur grotesque inutilité. Par pure vengeance, les flics arrêtent un groupe de journalistes indépendants.

La venue de Valls n’a pas agrégé la foule des grands jours, et la Beaujoire transformée en bunker permettait difficilement d’aller perturber son discours. Mais cette journée aux trois manifs, après un précédent défilé nassé la veille, montre que la militarisation d’une ville ne suffit pas à étouffer la révolte, et qu’il n’est pas besoin d’être des milliers pour déjouer les pièges répressifs.