Le débat s’annonçait facile pour Jean-Marie Colombani. Bien que l’entrée fût libre, le public semblait relativement passif et composé essentiellement de lecteurs, en l’occurrence peu critique, du Monde ou de l’une de ses publications.

Pourtant, dès la première question, le feu est mis aux poudres. Un groupe créé pour la circonstance, « Des Ours Autonomes », entend bien cassé le visage impassible du directeur du journal de référence français. Peine perdue.
La petite dizaine de pétards « mitraillettes » (le son rappelant le bruit de l’arme) et fumigènes ne firent qu’arrachés quelques cris aux âmes sensibles. Jean-Marie Colombani et Bruno Parmentier, administrateur de la Société des lecteurs du Monde et animateur du débat, laissent passer la crise. La fumée se dissipe. Les agitateurs aussi. L’incident est à peine évoqué, sauf pour remercier aux gens d’être resté.

Le Monde reste dans l’ombre

L’ambiance redevient vite studieuse, presque solennelle. Jean-Marie Colombani, lancé dans un marathon communicationnel partout en France, semble rôdé. Pour lui, il suffit de préciser que les initiateurs du scandale Le Monde ont été « soit publiés soit édités par des marchands d’armes qui convoitent Le Monde S.A ».

Une défense simple, voire simpliste, répétée à chaque mise en cause. Le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, « La face cachée du Monde », ainsi que le numéro de L’Express qui en fit la promotion sont restés sous la table, à l’ombre. Pas d’explication de texte. Juste quelques accusations de « calomnies », J-M Colombani use même du mot « ignominie », pour seuls commentaires sur le livre à l’origine de sa tournée.

L’affiche était alléchante et promettait une réflexion sur le « Pouvoir et le contre pouvoir de la presse en général et du Monde en particulier ». Au lieu de cela, Jean-Marie Colombani joue « au chat et à la souris », avec lui dans le rôle du félin. Il détourne les questions qu’il prend quatre par quatre pour mieux embrouiller un auditoire savamment placé, les trois premiers rangs étant réservés aux membres de la Société des lecteurs du Monde. « De véritables employeurs » qu’il ne se prive pas de flatter, leur épargnant la lumière sur son salaire pourtant demander explicitement par un intervenant. Un discours de chef d’entreprise parlant de « consommateurs » et non de lecteurs, regrettant que ces derniers « ne soient pas tous des acheteurs » car cela assurerait « encore une plus grande indépendance » à son média « qui a toujours été un élément de modernisation de la société française ».

Le débat de fond n’a pas eu lieu. D’unique il n’y eu que le décor ; à l’effigie du groupe de presse de l’écran géant au T-shirt des hôtesses. L’auditoire applaudit (rassasié ?). Jean-Marie Colombani mange au restaurant du L.U avant de s’en aller portable collé à l’oreille. Autonomes et aphones, les ours le regardent passer.