La première semaine d’occupation, nous l’avons vécu, pour beaucoup, comme exaltante et euphorique. Moments d’intenses brassages, où chacun-e donne le meilleur de soi-même. Si le concept d’urgence est un mot frelaté qui sert souvent à paralyser la pensée et justifier les pires manœuvres gouvernementales, ici, c’est sous l’angle du défi et du pari collectif que nous le vivons. Il y a quelque chose de beau à voir des corps entrer dans un mouvement commun, décider ensemble de prendre au sérieux le « c’est maintenant » lancé début juin par quelques ami-e-s dégoûté-e-s par le massacre de la foret, de ne pas transiger devant leur rage, et ensemble, accélérer.

Si la première semaine aura été la suite du pari un peu fou du 19 juin, la deuxième semaine a pris une tonalité plus grave. Avec le passage de l’huissier de l’ANDRA le 28 juin au matin, accompagné par ses chiens de gardes, pour déposer une ordonnance d’expulsion, la perspective de l’évacuation policière s’est emparée de la plupart des esprits. Si elle n’est pas arrivée lors de la semaine qui est passée, il y a de fortes chances pour qu’ils cherchent à nous virer avant le 9 & 10 juillet, quand tout le monde sera à Notre-Dame-des-Landres.

Nous aurions pu ainsi plonger dans la paranoïa de l’arrivée des forces de l’ordre, penser seulement barricade-autodéfense, sur-interpréter tous les signes : c’est ce que nos ennemis attendent. Nous avons pourtant décidé, à la fois de nous organiser conséquemment pour défendre le bois, résister et se replier ; mais aussi de lancer, dans la foulée de l’avis d’expulsion, un appel à une énorme manif’ de réoccupation le samedi qui suivrait une expulsion.

Nous aurions pu décider de penser seulement affrontement-caillassage, de nous préparer sereinement à la perspective d’une émeute forestière. Nous avons décidé de faire de l’autodéfense une question du mouvement dans son ensemble, et que chacun-e puisse trouver sa place pour faire face à la perspective de l’évacuation, habitant-e-s, assos, paysan-ne-s, etc. Là encore, il n’y aura pas d’un coté le barricadier cagoulé faisant face aux flics et l’associatif retranché derrière son bureau répondant aux médias : la réponse sera collective. Un texte, porté par de nombreuses composantes du mouvement, anticipe la stratégie politique de la dissociation en affirmant la nécessité de la diversité des pratiques et le refus de toute condamnation. Gageons que le petit jeu politicien du diviser-pour-mieux-gouverner devrait être plus difficile.

Nous aurions pu nous concentrer uniquement sur la solidité des chicanes, la fiabilité des talkies-walkies, au détriment de la construction et du lien. Mais tout au long de la semaine, à nouveau des dizaines de personnes sont passées et le week-end n’a pas fait exception à ce qui devient une habitude : le banquet dominical dans le bois. Samedi 2 juillet, dans le soir tombant, tous assemblés autour du grand préau, les sourires s’accrochaient à de nombreux visages inconnus et dans l’atmosphère flottait cette sensation, si douce, de tous les possibles contenus dans ces nouvelles rencontres. Le soir tombant, la « Salle à Mandres » s’est transformé en cinéma en plein air, puis en grande fête, et dans le ciel notre énergie collective dansait en gerbes d’étincelles, pluie de flammèches révoltées.

Ce que nous vivons dans cette forêt, c’est la possibilité d’un front qui s’agrandit, non seulement contre la poubelle atomique, mais contre le monde qui le porte dans une fuite en avant technicienne et politique qui et fabrique le désert. Nous disons que s’ils nous expulsent, nous reviendrons encore plus déterminé-e-s pour réoccuper. Nous disons aussi que nous ne lâcherons pas ce bois tant qu’ils n’auront pas enterré la poubelle atomique dans le cimetière de leurs délires de grandeurs les plus abominables. Nous ne rendrons pas la forêt tant qu’ils n’auront pas fermé les dernières centrales nucléaires et interrompu leurs projets mégalomanes. Bref : nos cabanes resteront dans les arbres tant que le dernier nucléocrate n’aura pas été pendu avec les tripes de l’ultime capitaliste.

Autant dire qu’on est là pour durer.

ON NE SORT PAS DU BOIS SANS SORTIE DU NUKE ! CONSTIPONS LE CAPITALISME ! ANDRA DEGAGE, RESISTANCE ET AFFOUAGES !

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Contact : sauvonslaforet@riseup.net / 07 58 65 48 89 Infos : vmc.camp

Prochains rendez-vous :

– Il y a de très fortes chances pour que l’expulsion survienne dans les jours à venir : plus on sera nombreux-euses sur place, plus on pourra résister. Suivez vmc.camp et venez dans le bois libéré !
– 9 & 10 juillet, week-end spécial « forêt » dans le bois de Mandres (http://vmc.camp/2016/07/03/9-10-juillet-forets-en-resistance/) / Bure lutte « invitée » au festival de l’ACIPA à Notre-Dame-des-Landes !
– 16 & 17 juillet, des méga rencontres antinucléaires se préparent pour faire converger à Bure toutes celles et ceux qui luttent contre l’infâme ordre atomique : sera-t-on encore dans le bois ? Devra-t-on le reprendre ? Le rendez-vous se précisera dans les jours à venir !
– S’ils expulsent on revient : le lendemain à 6h, blocage des travaux ; le samedi suivant manifestation de réoccupation (http://vmc.camp/2016/06/28/appel-a-manif-de-reoccupation/)