« Tariq Ramadan, quelles que soient les critiques que nous puissions lui faire, fait partie de l’anti-racisme politique, pour son combat contre l’islamophobie et la Palestine […] [Tariq Ramadan est] un intellectuel musulman auquel s’identifie une grande partie des classes populaires non-blanches » Houria Bouteldja, porte-parole du PIR

« La seule haine que nous avons c’est la haine de l’injustice, c’est la haine de l’impunité policière. Je ne laisserai plus rien passer, je deviendrai comme un poison, je serai derrière eux, quel que soit le prix à payer. » Amal Bentounsi, porte parole d’Urgence Notre Police Assassine

« Madame la juge, vous aimez citer le code pénal par ci et là, à mon tour de citer un article du nôtre, article 25, chapitre le combat continue : vous me trouverez en face de ceux qui pissent sur la justice. » Sihame Assbague, auto-porte-parole du swag

Série de propos tenus lors du « Procès de l’antiracisme politique », mauvais spectacle de stand up en forme d’éloge de la forme tribunal, à la Bourse du Travail de Saint-Denis le 25 mai 2016

« Nous allons continuer à distiller des idées progressistes, à travailler aux marges et dans les interstices, envahir le langage courant, imposer nos thèmes et nos concepts dans le débat universitaire et public. » Françoise Vergès et Gerty Dambury, Halte à la misogynie raciste !, 12 juin 2015

Un petit cénacle racialiste en pleine ascension sociale et politique cherche à imposer une hégémonie politique et culturelle, et à coloniser les représentations par un discours fondé sur la notion de « race », à travers l’assignation de tous, dans le présent, le passé et le futur, à des catégories qui varient au gré des accommodements en cours, toujours guidé par la soif de pouvoir. Toujours fondées sur le revival de la « race », qu’on reconstruit politiquement plus que socialement grâce à ses avatars « racisés », « racisation », « blancs », « non-blancs », ces catégories infâmes sont des outils idéaux pour faire oublier ce qu’on fait au nom de ce qu’on prétend être, culpabiliser, faire la leçon et s’imposer par le chantage à la légitimité victimaire et identitaire en exigeant d’être vus comme l’incarnation de la banlieue, du Sud, du prolétariat, des quartiers, des victimes des violences policières, etc. selon les lieux, et les publics. Après l’échec évident de la « Marche de la dignité » en octobre dernier, qui est loin d’avoir rallié « les jeunes des quartiers populaires » ou « les prolétaires de banlieue », après le repli sur la défense du religieux et la dénonciation de « l’islamophobie », c’est maintenant au cœur du mouvement social qu’ils cherchent à normaliser leur présence et même, comme ils l’énoncent ouvertement, à prendre le « leadership » de la contestation. Cette fois, l’opération prend place dans le moment le plus public, rejoignable et conflictuel du mouvement en cours : la manifestation, via la proposition de la constitution d’un cortège lors de celle du 14 juin, et c’est autour de la très consensuelle question des « violences policières » que la proposition se formule. Par un texte assez creux, un certain nombre de signataires dont la plupart sont universitaires, habitués des plateaux télé et racialistes, appellent à « un cortège en commun pour dire Stop aux violences et à l’impunité policière. »

D’abord, ce sont les signataires de cette initiative aux allures de radicalité qui doivent nous poser question : outre divers acteurs très institutionnels avec lesquels on aimerait ne pas partager de cortège, qu’il soit de tête ou de queue, on se retrouve en bonne compagnie avec le Parti des Indigènes de la République et ses compagnons de route, les sociologues officiels Nacira Guénif et Eric Fassin, Majid Messaoudène, élu front de gauche à la mairie de Saint Denis, la MAFED, qui regroupe, depuis que le PIR l’a constituée lors de ses dix ans pour organiser la Marche de la Dignité1, tout ce que le petit milieu racialiste compte d’égéries « racisées » et éventuellement islamistes, la Brigade Anti- Négrophobie et le Dip Social Club, qui suivent et relaient toutes les initiatives de ce petit monde. On doit aussi supporter des entrepreneurs de banlieue qui réclament leur part du gateau, les Pas Sans Nous, et le FUIQP dont le chef de file Saïd Bouamama, en plus d’être racialiste, collabore régulièrement avec le confusionniste actif philo-négationniste Michel Collon. Tous parlent de « race » à longueur de temps et prônent un interclassisme ségrégationniste qui sépare « blancs » et « non-blancs », à travers des pratiques scandaleuses et inacceptables comme par exemple l’organisation en non-mixité « raciale » (pour leur « camps d’été décolonial » par exemple).

Et, tant qu’on y est, pourquoi pas Eric Hazan, qui voudrait que tout le monde aime un peu certains flics, éditeur du pamphlet antisémite et philo-négationniste de Houria Bouteldja ?

Pour mémoire, même si tout le monde semble convenir du caractère infâme des positions du PIR, il faut peut- être rappeler son antisémitisme, sa misogynie, sa haine des homosexuels et du métissage, son racisme structurant, qui, si on s’y penche avec un peu de conséquence, devraient empêcher non seulement sa fréquentation, mais aussi celle de ses amis et alliés, même par pétition interposée. La moue dégoûtée que beaucoup prennent tout en signant et en côtoyant semble une réaction bien légère, si l’on prend au sérieux la nature des problèmes en question…

D’autre part, alors que la violence exercée par la police est structurelle, on peut se demander ce qu’on a à gagner à séparer des pratiques policières « violentes » d’autres, « normales », qui ne le seraient pas, comme le fait la notion de « violences policières » auxquelles il s’agirait de s’opposer. Cela a-t-il vraiment un sens d’exiger que cette police qui serait la « nôtre » cesse d’« assassiner » ? Ce dont on peut être sûr, c’est que lutter pour la punition de la police n’est en aucun cas une manière de lutter contre sa force réelle et effective ni de s’organiser contre la répression qui consolide le monde de la loi travail, et plus largement contre le rôle et la fonction de la police qui est au service du même État que la justice qu’on invoque ?

S’organiser en tant que victime, peut aussi poser question, surtout quand, en fait, il s’agit plutôt de se présenter comme victime potentielle, ou qu’on est en fait « famille de victime », catégorie la plus dépolitisée qui soit, dont la valorisation fait écho à un maoïsme français éculé, datant de l’époque où certains, sur la route de la « vérité » et de la « justice », ont aussi cherché des relais de légitimité normative et familialiste.

Enfin dénoncer « l’impunité policière », c’est toujours s’inscrire dans un champ absolument judiciariste et punitif qui impliquerait que la justice réelle, convoquée par la notion « d’impunité », soit l’horizon indépassable, et se retrouver à se plaindre radicalement du fait qu’elle fonctionne décidément mal en exigeant que les coupables soient punis plus sévèrement. Que gagne-t-on à constater que la justice ne punit pas sa police, et à revendiquer plus de punition et plus de prison ? Ne s’éloigne t-on pas ainsi absolument de la perspective de « l’impunité » pour les luttes et leurs participants ?

Des conférences de presse contre l’État d’Urgence, à Nuit Debout, en passant par des pétitions dans les journaux (avec la prétention à déterminer qui serait « casseur » ou « émeutier »), des colloques comme « paroles non-blanches » dans le bâtiment occupé de la fac de Saint-Denis, la propagande de Lundi matin, pléthore de réunions publiques, meetings, interviews et autres interventions télévisuelles, pastiches ratés de procès stupides, etc., les racialistes militent pour infuser la contestation avec leur lecture en terme de « race », donc raciste, et militent toujours aussi pour eux-mêmes, afin de prendre le pouvoir dans les luttes et de s’en servir pour acquérir du pouvoir, au-delà.

Nous sommes déjà nombreux à refuser ces catégories qui contredisent toute perspective émancipatrice et révolutionnaire, à penser que lutter contre la police, en tant que telle, ce n’est pas déplorer qu’elle ne soit pas punie, à refuser ce paternalisme qui consiste à favoriser l’organisation en tant que « famille de victime » ou sous des formes communautaures et identitaires en allant jusqu’à vanter la soumission religieuse des autres, bref à refuser de se soumettre au chantage de ces quelques bourgeois « racisés » qui voudraient se faire passer pour « les jeunes des quartiers populaires » alors qu’ils en ont très visiblement passé l’âge.

Nous ne les avons pas attendu d’ailleurs pour refuser le racisme, pour nous battre ensemble, immigrés ou pas, sans ou avec papiers, chômeurs, précaires ou salarisés, en tentant de dépasser ces catégories, seul moyen de se retrouver pour en finir avec ce monde, son capitalisme et sa police.

En cortège et ailleurs, refusons de marcher derrière les racialistes !

Poursuivons la mobilisation, les luttes contre la loi travail, bientôt contre l’été et son odeur de fin de mouvement !

Quoiqu’il en soit, le mouvement n’a pas à être dirigé, et certainement pas par les porteurs de cette proposition.

Pour des perspectives révolutionnaires

Les chemins se séparent…

crossroads@riseup.net

1 – Pour des précisions, on pourra lire la Lettre ouverte à ceux qui pensent que participer à la Marche-de-la-dignité-contre-le-racisme- avec le-soutien-d’Angela-Davis n’est pas un problème consultable ici : http://paris-luttes.info/lettre-ouverte-a-ceux-qui-pensent-3934