Je suis retourné le lendemain à l’AG annoncée. De plusieurs centaines nous étions passés à quelques dizaines… ce qui, en militant non tombé de la dernière pluie, ne m’a pas étonné et même à l’inverse j’étais plutôt surpris que nous soyons encore si nombreux.
Les discussions ont malheureusement tournées autour du dépôt en préfecture de la déclaration pour faire nos AG tous les soirs sur la place. J’ai ressenti un certain malaise que je n’arrivais pas à m’expliquer. Ce n’est que plus tard, une fois posé chez moi que ça m’est venu. Il régnait une sorte de naïveté sur les débats. Comme si le fait que nous acceptions, pour commencer, à rentrer dans les clous nous protégerait de toute évacuation policière. Comme si le fait d’être propre et lisse suffirait à faire venir à nous les masses qui subissent le système. Comme si le gvt, les patrons, l’armée, la police, voyant les masses se soulever feraient leur mea-culpa et rendraient armes, pouvoir et moyen de productions à la glorieuse révolution partie de quelques place de France.

Si il est évident que la masse joue, ce n’est pas dans la victoire mais dans l’établissement d’un rapport de force. Un mot d’ailleurs aussi tabou hier soir que les mots lutte ou classes sociales.
Et j’ai repensé à cette chanson « Le triomphe de l’anarchie »… parce que si nous voulons bâtir un monde nouveau, nous ne pourrons faire l’économie de détruire celui qui existe aujourd’hui. Nous ne pourrons, même en en faisant un constat amère, éviter toute confrontation avec le pouvoir. Le pouvoir ne tombera pas tout seul. C’est à nous de le faire tomber. Mais il ne suffira pas de faire tomber des têtes comme nos terribles ancêtres, car pour une qui tombe il en repousse plusieurs autres, non, il nous faudra le saper à la base, une destruction minutieuse de l’ordre existant, pour ne pas nous laisser reprendre par les vieux réflexes acquis par des générations de travailleurs exploités. L’esclave ne se libère pas de ses chaînes en évinçant le patron. S’il continue à travailler dans les mêmes conditions de son propre fait il n’est pas plus libre qu’avant. Il lui faut repartir de zéro, rebâtir sur les ruines de la maison du maître. sinon la révolution ne sera qu’un petit tour de manège, certes agréable, mais qui le laissera sur la fin, tel un enfant pleurant toutes les larmes de son corps à la fin du tour de carrousel. Alors, oui certainement que je m’escrimerai encore quelques temps à aller voir ce qui se dit, ce qui se passe autour de ces nuits debout… car c’est peut-être ce qui s’est passé de plus intéressant depuis longtemps. Mais je crains que ça ne finisse en pétard mouillé au lieu d’une jolie explosion générale.

« Tu veux bâtir des cités idéales,
Détruis d’abord les monstruosités.
Gouvernements, casernes, cathédrales,
Qui sont pour nous autant d’absurdités.
Sans plus attendre, gagnons le communisme
Ne nous groupons que par affinités
Notre bonheur naîtra de l’altruisme
Que nos désirs soient des réalités »