On est déjà quotidiennement aux prises, dans ce système, avec la loi et avec le travail, mais la « loi travail », c’en est trop !

Encore une nouvelle loi qui aggrave notre situation. Serait-ce l’occasion d’un nouveau mouvement qui pourrait porter un refus et une conflictualité dépassant le cadre de cette réforme et des négociations périphériques qui l’accompagnent ? Sans doute sommes-nous nombreux, prêts à en prendre le pari. Avec une bonne combinaison de chance et d’envie d’en découdre bien agencées, c’est possible, et il serait d’ailleurs grand temps. Du mouvement social, voilà un des ingrédients qui manquaient cruellement aux mornes dernières années. Toujours les innovations que la gestion capitaliste déploie sont en notre défaveur, ses impératifs sont ceux de sa reproduction et de sa survie : les « freins à l’embauche » sont les freins à l’intensification de l’exploitation en période de crise, et la « réduction de l’incertitude » est l’intensification du profit. Il semblerait que la répression généralisée et l’austérité soient devenues les seules promesses que le capitalisme compte tenir. Quant à nous, la seule chose que l’on puisse se promettre, c’est que, sans lutte, on ne gagnera rien. Par contre, une fois en lutte, on peut faire le pari que cela ne s’arrêtera pas. Voilà bien la seule vie qui vaille le coup !

Légalisez-moi tout ça !

L’assouplissement des règles de licenciement, et la diminution des indemnités prud’homales par la création d’un barème instaurant un plafond, mais pas de plancher (mais qui pourrait habiter une telle situation sans être pris de vertige ?) même en cas de licenciement reconnu comme abusif, permet une gestion fluide et sans risque des besoins en terme de main d’oeuvre : c’est un garantisme patronal où le prix à payer de la concurrence et du maintien des profits est toujours du côté des exploités.

Idem pour les trop-perçus de pôle-emploi (et d’ailleurs comment seraient-ils de « trop » ?) qui seraient retirés en amont sur les indemnités chômage : c’est en somme une inversion de la charge de la preuve ; avec cette mesure, pôle-emploi ne doit plus prouver qu’il aurait trop donné et si c’est accepté récupérer le fruit de ses erreurs, ce serait, avec la loi travail, aux chômeurs de faire les démarches, de batailler, et pour gagner quoi ? Au mieux ce à quoi ils ont droit. Ici aussi c’est un garantisme défavorable aux usagers, un garantisme de l’arbitraire, qui sert et conforte le pouvoir de l’institution.

Cette mesure est d’autant plus scandaleuse quand on sait qu’une part très importante des potentiels bénéficiaires du RSA et du chômage ne les touche pas, découragés par la morale travailliste, le dédale, à géométrie variable, des démarches à effectuer, ou les contrôles et le harcèlement administratif.

« Jusque-z-à-quand la sainte clique ? etc. »

La baisse de paiement des heures supplémentaires (au point de presque rendre le concept ridicule, le projet serait-il de le rendre caduque ?), sans compter celles qui massivement ne sont déjà pas payées, équivaut à travailler plus pour gagner pareil. Ce qui devient « supérieur », ce qui augmente, ce n’est plus le salaire, mais seulement le temps de travail, la soumission aux besoins du management, l’inféodation de la vie aux nécessités ou aux projections de l’économie à petites échelles, entre les mains des petits chefs.

« On ne dit plus : bonjour patron, mais… »

La mesure permettant que, d’un paiement à l’heure, le patron puisse décider de passer au « forfait jour » fait basculer symboliquement les salariés du côté de l’encadrement (après les injonctions concrètes à devenir massivement « auto-entrepreneurs » (sic), va-t-on devoir se prendre pour des « auto-cadres » ?). Toute une série de salariés vont se trouver soumis à cette modification du rapport travail-rémunération, et le temps de travail, désormais sans limites formelles, va donc s’accroître largement et arbitrairement. On passe alors à travailler plus pour gagner moins. En voilà du progrès social qui avance, et de mieux en mieux, chacun en conviendra !

#socialoperie

En somme c’est un glissement de plus en plus important pour que chacun soit, isolément, de la chair à patron, de la chair à insertion, en prenant appui sur la fiction libérale qui entend qu’on soit libre de louer sa force de travail. Le contrat de travail n’est plus alors une formalisation contractuelle entre un subordonné et un donneur d’ordre, mais se voit rabattu sur le modèle du deal entre égaux sur le libre marché de l’emploi : les garanties sont déjà découpées par branches, elles le deviendraient par entreprises, et les « accords » locaux primeraient sur la règle générale, y compris pour les congés. Déjà que pour ouvrir le droit de 5 semaines et demi il fallait travailler un an…

« Vacances vous avez dit vacances ? Comme c’est bizarre »

En somme, le projet général, l’esprit de la loi, si on veut, est de restreindre drastiquement les garanties statutaires sur lesquelles il serait possible de s’appuyer : chacun se retrouverait seul face à la force des patrons et de l’État.

Plus encore, avec la division par deux des indemnités en cas d’accident du travail, c’est une vrai prime à l’estropriation qui est proposée aux patrons et, si on met ça en relation avec la fin des congés automatiques en cas de décès d’un proche, la boucle est bouclée : plus de morts et moins de congés ! Tremblez fainéants ! Que les tire-au-flancs de l’emploi qui pensaient pouvoir en profiter pour aller aux enterrements se le tiennent pour dit !

#socialopards

Sur la forme, rien de tout à fait nouveau : d’une manière assez semblable à ce qui s’était passé par exemple lors de la «loi renseignement» l’année passé, une bonne partie des mesures de la «loi travail» ne font qu’avaliser, légaliser et donner un cadre formel à des pratiques ayant déjà assez largement cours, ici dans le salariat : heures supplémentaires non-payées, accroissement du temps de travail sans contrepartie, salaires à la baisse. Encore une fois la loi sanctionne et tente de figer un instantané du rapport de force, alors que nous traversons une période plutôt en défaveur des prolétaires. Période où on en viendrait presque à ne plus savoir très clairement ce que lutter veut dire pratiquement et ce qu’un mouvement social pourrait ouvrir comme possibles.

Un prévisionnel prolétarien innovant et synergique ? Obtenir le retrait de la loi mais ne pas s’arrêter là, lutter aujourd’hui, gagner en capacité à lutter plus tard, en terme de puissance de conflictualité et d’auto-organisation. Ne servons pas de main d’oeuvre aux syndicats et aux manœuvres politiques de leurs directions, ne soyons pas les gentils figurants d’une recomposition d’un fragment de la gauche qui cherche à se repositionner sur l’échiquier politique. A-t-on vraiment envie que la lutte débouche sur le renforcement des partis, que ce soit l’aile gauche du PS ou le parti de « la France insoumise », nous qui savons que les prolétaires doivent lutter contre le patriotisme, le communautarisme et les appartenances identitaires ? A-t-on vraiment envie de laisser le leadership discursif à ceux qui promeuvent un retour du service militaire pour que toute la jeunesse serve de police ?

#socialistes

Nous ne sommes pas de ceux qui se sont mis en situation d’être « trahis » par les socialistes, il n’en reste pas moins que notre franche et autonome capacité à se scandaliser fonctionne à plein : la déchéance de nationalité est une mesure aux accents largement pétainistes dans son essentialisation de ce qu’être français voudrait dire ou devrait impliquer, la constitutionnalisation de l’état d’urgence ne semblait qu’un fantasme fascisant de toute puissance policière. Socialiste l’a fait. Dans sa grande générosité il aura aussi fait bénéficier les migrants du traitement brutal réservé usuellement aux roms (la République aura pris la forme des flics, de leurs matraques, de leur lacrymogènes et de leurs chiens, des expulsions et destructions des habitats précaires, de l’éparpillements et des dispersions arbitraires, sans parler des ratonnades des « fiers d’être français »). Ces mesures de guerre de basse intensité aggravent la répression de tous et fonctionnent comme une menace, comme un avertissement à tout le monde. Gestionnaires vous êtes formidables… Prises entre l’indignation, et la gestion humanitaire et policière, les luttes à la hauteur de la situation n’ont pas eu lieu. Lutter aujourd’hui c’est aussi ne laisser personne seul aux mains de l’État, de sa police : personne ne doit être de la chair à répression ou à gestion.

Ni loi, ni travail

Se défendre, là, quand il s’agit de ses intérêts face au patron, et, partout, quand on refuse la situation qui nous est faite, est toujours tributaire du rapport de force, de la capacité à le faire exister et pencher du bon côté. Il va falloir se battre aujourd’hui, demain, et surtout hier (camarades, du passé de la lutte faisons table pleine !) pour reprendre de l’élan et porter de sérieux coups de boutoirs au bétonnage de ce système qui, non content de nous produire des vies de merde, entend en plus revenir sur les promesses, même formelles, d’accès au logement, à la nourriture, à des soins, aux loisirs, à un minimum de ce qui serait un certain confort. Si on veut prétendre au champagne il va falloir être prêt à faire du troc : molotov pour tous !

La crise du capitalisme n’est pas la nôtre, malgré l’état d’urgence et les militaires dans les rues, malgré le retour du religieux en politique dans ses options plus ou moins normalisées, il faut se battre, retrouver du commun, y compris sur des questions matérielles : il n’y a que la lutte qui permette de sortir des multiples impasses. Les moments de crise sont des moments de bouleversement important, pour le pire, ou pour le meilleur si quelque chose de la lutte vient se mêler à ce qui remue l’époque. Le pouvoir n’a que peu de marge de manœuvre, il est faible et c’est pour cela qu’il prend des mesures fortes, il compte également sur l’apathie, l’atomisation, la menace et le souvenir des défaites pour passer en force. Il est possible de se saisir de ce qui travaille une période d’instabilité pour provoquer des transformations favorables, pour commencer à mettre en échec les logiques mortifères du capital ou des porteurs d’arrières mondes. C’est d’ailleurs nécessaire, entre la montée de l’extrême droite et des promesses de paradis, au ciel ou à la campagne, il faut réagir et ouvrir des voies émancipatrices pour tous.

Prolétaires : travailleurs, chômeurs, précaires, sans-papiers, grévistes, scolarisés, lycéens, étudiants, cheminots, délinquants… organisons-nous ! La lutte est sur les rails, prenons – sans payer – le train en marche.

Contre la république, sa justice et son travail, à quand enfin la révolution… (Air connu)

Communistes tant qu’il le faudra