Depuis juillet, environ 300 rroms, dont au moins 120 enfants vivaient sur un terrain à Carquefou, la plupart des enfants étaient scolarisés. Le terrain appartient à Nantes Métropole qui a rapidement lancé une procédure d’expulsion qui a été non contradictoire (c’est à dire réalisée comme si l’huissier n’avait pu trouver personne sur le terrain !) et a abouti à un avis d’expulsion immédiate. Malgré les demandes de la maire de Carquefou, le préfet n’avait pas, jusqu’à début mars, donné les moyens de réaliser cette expulsion. Cependant, durant tous ces mois, la mairie n’a fait aucun effort pour fournir aux rroms l’eau, l’électricité, les installations sanitaires ou la collecte des ordures, laissant ainsi ces centaines de personnes vivre dans des conditions dangereuses et précaires. En février, Mme la maire s’acharne encore un peu plus en lançant une pétition pour l’expulsion du campement, pétition qui récoltera quelques 900 signatures et dont les commentaires révèlent et diffusent une haine anti-rroms virulente.

Mercredi 2 mars dans la matinée le campement a été expulsé. La gendarmerie est intervenue en masse. Aussitôt, rroms (y compris les enfants) et gadje* venus en soutien se sont postés sur la route à l’entrée du terrain avec une banderole bilingue expliquant « On va rester ici car nous n’avons nulle part où aller », les gens chantent, les médias arrivent.
Progressivement, les gardes mobiles encerclent puis compriment et repoussent la foule. La banderole est confisquée. Les médias sont tenus le plus possible à distance du campement. L’opération est violente, nous sommes poussés fortement et de nombreux cris s’élèvent, notamment pour évoquer le sort fait aux enfants et bébés qui se trouvent d’ailleurs dangereusement bousculés. Les GM nous compriment pour que l’on rentre dans le campement et donnent quelques coups. De nombreuses personnes chutent dans l’opération, une femme âgée fait un malaise, les pompiers interviennent. Pas trop de blessures mais un choc et un désespoir palpable, plusieurs jeunes et moins jeunes pleurent ou continuent de contester. La police discute avec les rroms, elles/ils ont jusqu’à midi pour préparer leurs bagages et libérer le terrain. Rapidement, les structures autoconstruites, espaces servant habituellement d’église, de lieu de réunion ou encore de salon ou de cuisine sont détruites. Puis, les caravanes sont tractées quelques 500 m plus loin, sur une route en pleine zone industrielle plutôt que de les stationner en sécurité, ordre des flics. Habituellement, pendant ce genre d’expulsion, de nombreux rroms se retrouvent sans abris car beaucoup n’ont pas de voiture ou de véhicule en bon état pour tracter leur caravanes souvent mal en point elles aussi. Mercredi, comme nous étions quelques un-e-s à être venu-e-s avec de quoi tracter, le déménagement a pu se faire dans les temps. Nous pensons aussi que notre présence (et celle de caméras) a permis de limiter les violences.
En soirée, un convoi se prépare pour partir s’installer sur un nouveau terrain. La longue ribambelle de caravanes sans éclairage stoppe d’abord à St Herblain pour investir un petit terrain mais la police arrive bien vite mettant une voiture en travers de la route pour nous empêcher de passer. On discute longuement avec elle, des élus et le préfet sont contactés. À un moment, l’indignation montant, un policier sort même son arme, nous menaçant  ! Les « négociations » se poursuivent pendant des heures, il fait froid, il est tard, les quelques enfants qui sont encore là finissent par s’endormir. Il est plus d’une heure du matin quand le convoi repart enfin, escorté par la police, pour s’installer sur un terrain à Indre, au moins pour une nuit…
Notre soutien n’a pas été inutile, il est indispensable, il doit prendre de l’ampleur et devenir systématique !

La trêve hivernale n’est même pas terminée et, une fois de plus, les rroms sont expulsés de leur campement et jetés sur les routes sans aucune solution de relogement durable, alors que c’est illégal. Le gouvernement passe outre ses devoirs, comme le constate chaque année le conseil de l’Europe, l’accusant également d’avoir une politique anti-rroms et propageant l’antitziganisme. Les enfants et adolescent-e-s n’ont même pas pu finir leur année scolaire. Évidement, aucun nouveau terrain ne leur est proposé et, quand ils trouvent un endroit abandonné à investir, la police s’interpose violemment. Quand, finalement, une occupation est constatée, les rroms sont quasi séquestrés sur le terrain, les institutions mettant en place des dispositifs empêchant toute allée et venue de véhicules. Ce dispositif militaire oblige les gens des terrains à « déménager » en quelques heures quand ils/elles auraient voulu le faire dans de meilleures conditions au cours des semaines précédentes. Ce dispositif entraine la spoliation et la destruction des biens et habitations. Les procédures d’expulsions sont, la plupart du temps, expéditives. Il est rare que des équipements sanitaires soient mis en place pour améliorer les conditions de vie des rroms, qui sont ensuite taxés d’être sales, de représenter un danger d’insalubrité pour la commune.

Qu’est-ce-qu’est le racisme anti-rromanisme de l’état français?
ou comment se construit la suprématie blanche?

L’antiromanisme est avant tout un racisme institutionnel et doit être combattu comme tel, au même titre que les autres. En effet, l’état français, multiplie les discours racistes afin d’attiser la haine envers les communautés rromanis et, par-là même, diviser les populations et empêcher la rencontre et la solidarité. Comme nous pouvons le constater à Nantes, tout est mis en œuvre pour que la population rromani soit réduite et maintenue dans la pauvreté ; entre autre en acculant les rrom-ni-s à l’isolement géographique dans des zones non ou peu peuplées et en organisant des expulsions à répétition. On peut vraiment parler de tactique d’appauvrissement volontaire de la part des pouvoirs publics. De plus, en empêchant une scolarisation normale, la cohésion et l’ascension sociale sont rendues très difficiles, voir impossibles. Et quand un-e rrom-ni réussit à déjouer tous ces pièges de mise au ban, en réussissant un parcours scolaire, une formation professionnelle aboutissant malgré les discriminations, à un emploi, là encore, leurs réussites sont considérées comme suspectes et toujours méprisées. Voilà comment l’on construit la suprématie d’une population sur une autre, c’est bien en privilégiant la première et en écrasant l’autre. Ces méthodes ne sont pas nouvelles. Rappelons nous qu’à la fin des années trente ces actes fascisants avaient déjà cours en fRance et ont abouti à la mort lente par la faim et l’épuisement par le travail forcé de la population des tziganes et des gens du voyage, ainsi que des autres populations dites « asociales » qui finirent dans des camps de concentrations et d’extermination nazis.
Est-ce l’avenir qu’on nous promet encore aujourd’hui ?!
Nous ne pouvons rester sans réaction face à ces manigances et laisser arriver tranquillement, en rangs bottés, de telles atrocités. Nous savons trop bien que, si l’histoire n’est pas remise en question, elle est amenée à se répéter. Rappelons que Indre est une commune où une milice anti-rroms s’était constituée il y a quelques mois. La menace contre les rrom-ni-s de la métropole dans les semaines à venir est donc réelle.

Collectif anti-autoritaire nantais de soutien aux rrom-ni-s

N’hésitez pas à rejoindre ou contacter notre collectif : caansr@riseup.net

* gadje : pluriel de gadjo (masculin singulier) et de gadji (féminin singulier) : qui signifie « non-tzigane ». Pour mettre en lumière une différence de traitement.