Date: le 23 mai 2004
Communiqué: 333

112e mort dans les Abou Ghraïb de Turquie!

Ali Şahin a été assassiné dans la prison de type F d’Edirne

L’isolement et la torture continuent de tuer dans les prisons de type F!

Dans le communiqué précédent (n° 332), nous avions annoncé le 111e décès.

Depuis, à peine 20 jours sont passés que nous apprenons un 112e décès.

Les prisons de type F continuent de tuer. Le gouvernement AKP tortionnaire et assassin continue sa répression à travers ces prisons de type F et nos morts le laissent de marbre.

En parfaits hypocrites, le pouvoir politique et les médias bourgeois condamnent à l’unisson les atrocités survenues à Abou Ghraïb tandis qu’ils ne soufflent le moindre mot à propos des prisons de type F.

Comme si les prisons de type F n’existaient pas dans ce pays. Comme si ces 112 personnes ne sont pas mortes dans des prisons de type F.

Comme si les cercueils ne continuaient pas de se bousculer aux portes des prisons de type F…

Le gouvernement AKP et de la presse bourgeoise mais aussi tous ceux qui s’indignent devant les tortures infligées dans la prison d’Abou Ghraïb en ignorant les 112 morts des prisons de type F font preuve d’une grande infâmie. Quels que soient leurs titres ou leurs fonctions, leur fausse compassion est repoussante.

C’est précisément contre cette duplicité et contre cette entreprise de récupération que nous résistons.

L’AKP condamne les tortures infligées à Abou Ghraïb et continue à assassiner dans ses prisons de type F.

Ali Şahin était captif depuis 2000. Il survécut au massacre du 19-22 décembre. Il fut blessé par balles durant l’opération de « retour à la vie ». Il n’avait alors que 22 ans et était un jeune homme en pleine forme. Ces balles tirées par l’oligarchie pour le « ramener à la vie » lui traversèrent le corps et le blessèrent gravement.

Il fut transféré vers la prison de type F de Tekirdag.

Le 1er mai 2002, il prit part à la 8e équipe de volontaires du jeûne de la mort. Mais au cours de son jeûne, il fit preuve de faiblesse et abandonna son jeûne de la mort.

Entre-temps, il fut transféré vers la prison de type F à Edirne. Là, sa santé se détériora davantage.

Sa famille demanda sa libération en se basant sur l’article 399 du Code de prodédure pénale (prévoyant la libération conditionnelle pour des raisons de santé). Mais ce ministre de la justice qui refuse même la mise en liberté à des prisonniers souffrant du syndrome de Wernicke-Korsakoff a naturellement refusé cette demande.

Le refus par les autorités de le soigner ou de le libérer est à l’origine de sa mort.

Quand Ali Şahin nous a quitté, il n’avait que 26 ans. Ali est né en 1978. Le ministre de l’AKP l’a sinistrement regardé mourir à petit feu. Car pour le ministre de la justice, ce n’est qu’un « terroriste » en moins. Il n’est pas étonnant qu’un énergumène du calibre de ministre de la justice Cemil Ciçek fasse des calculs aussi macabres.

Le ministre de la justice de la République de Turquie libère les assassins maffieux du réseau Susurluk comme Haluk Kırcı ou Alaattin Çakıcı, mais les révolutionnaires, il les assassine!

Rappelez-vous les efforts consentis par le ministre de la justice pour la remise en liberté du tueur fasciste Haluk Kırcı : « l’application de la peine a été mal calculée » avait-il déclaré sans honte. Il s’est investi personnellement pour la libération de Kirci et a pu finalement obtenir sa remise en liberté. Le procureur général de la cour de cassation avait contesté la remise en liberté de Haluk Kırcı mais avait tôt fait de le libérer avant d’attendre le résultat de cette interjection en appel.

Au moment où il s’est installé sur son fauteuil de ministre, Cemil Çiçek a directement annoncé la couleur en défendant le réseau Susurluk.

Il remplit sa mission de complice du réseau avec brio en libérant les fascistes et en assassinant les révolutionnaires.

Ceux qui se répandent en indignations concernant les atrocités de la prison d’Abou Ghraïb vont-ils continuer à imposer la censure sur les prisons de type F?

Vous n’allez probablement pas pouvoir lire ni entendre d’informations sur le décès d’Ali Şahin en prison de type F. Comme ce fut le cas pour les 111 morts précédents.

Chaque fois qu’ils recontrent Tayyip Erdogan, les journalistes le questionnent sur les tortures à Abou Ghraïb. Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils posent des questions sur les prisons de type F.

Ces journalistes qui relatent que l’épouse et la mère de Tayyip Erdogan ont pleuré face aux atrocités d’Abou Ghraïb ne s’intéresseront pas à savoir si elles ont pleuré sur les atrocités en prison de type F.

Les prisons de type F sont « CENSUREES »!

Nous nous adressons à tous les journalistes qui portent en eux la morale et qui respectent la dignité humaine : mettez un terme à cette censure!

Cessez de lécher les bottes au gouvernement AKP. Mettez un terme à la torture et à la complicité!

Ali Şahin n’observait pas le jeûne de la mort. Il ne s’est pas immolé par le feu. Son décès est la démonstration de la mentalité de ceux qui méprisent le genre humain.

Tant que le régime carcéral de type F continuera, les décès ne pourront s’arrêter.

Nous avons été témoins de toutes sortes de décès en prison de type F.

Certains prisonniers se sont suicidés parce qu’ils ont craqué dans les cellules de la mort.

Certains prisonniers sont morts lentement en se consumant jour après jour.

Certains prisonniers ont transformé leur cellule en bastion de résistance.

Certains prisonniers comme Ali Şahin ont perdu la vie en régime d’isolement, faute de soins médicaux…

Le bilan en prison de type F ne cesse de s’allourdir.

En l’espace de quatre ans, 112 funérailles ont eu lieu sous les yeux de tous et sous la censure en même temps.

Tous ceux qui ont contribué à entretenir cette censure ont une responsabilité irréparablement lourde.

L’AKP s’étouffera sous les ruines causées par ses propres massacres. A l’instar de tous les complices qui continuent à imposer la censure : ils finiront tous par donner des comptes au peuple.

DEVRİMCİ HALK KURTULUŞ CEPHESİ

(*) Susurluk : nom d’une petite ville de l’ouest de la Turquie où le 3 novembre 1996, un accident de voiture fatal avait révélé de manière fortuite les collusions qui existent entre la mafia fasciste (Loups Gris), les services secrets et les partis politiques. La « bande de Susurluk » est un réseau de contre-guérilla tentaculaire qui siège au sommet des structures de l’Etat. Cette bande constitue l’épine dorsale de ce que d’aucuns appellent « l’Etat des profondeurs».