À quoi bon réussir à réunir tout le gratin de « gauche » comme de droite dans ses dîners, à quoi bon exercer en permanence des pressions sur la direction des médias, à quoi bon se féliciter que le gouvernement Valls et la présidence Hollande soient les plus sionistes que la France ait connus si la mission que lui confie l’État d’Israël est ainsi contournée : un petit reportage honnête sur la campagne BDS est passé dans le journal télévisé du soir d’une chaîne publique, en l’occurrence celui de France 2 présenté par David Pujadas ?

Comment expliquer cet échec du CRIF ? Il nous faut comprendre l’exaspération d’une profession, marquée par l’Affaire Enderlin, cette ignoble cabale [3] pour tenter de masquer la vérité du tir israélien qui a tué l’enfant palestinien Mohamed al Durah dans les bras de son père. Et peut-être aussi l’écho de Toulouse, quand le CRIF et la LICRA se font complices de fait des exactions contre le cinéma Utopia en raison d’une soirée de solidarité avec George I. Abdallah [4] . Les journalistes peuvent en avoir assez d’être globalement assimilés à quelques « people » médiatiques du type BHL ou Finkielkraut, celui-là même que la professeure d’anglais Wiam Berhouma a su déstabiliser en mettant en cause sa légitimité dans l’émission Des paroles et des Actes [5] , ce pourquoi le CRIF, encore lui, reproche là encore à David Pujadas de ne pas l’avoir interrompu suffisamment [6] !

Décidément, pour le CRIF, l’état d’urgence ne va pas assez loin dans la censure.
Rêvons que ce reportage sonne comme un réveil.

Le Bureau national de l’UJFP, le 15-02-2016

Gideon Levy réagit dans Haaretz :

Le plus célèbre chroniqueur du monde, qui reflète et façonne toujours l’ambiance à Washington, vient finalement de réaliser que la “solution deux États” est morte.

Le club vient de faire une recrue très en vue. Comme toujours avec les nouveaux, il se tient encore un peu à l’écart, hésitant, incertain, peut-être manquant de courage. Comme tous ceux qui sentent qu’on l’observe de près, il hésite encore à se déplacer vers le centre de cette piste de danse agitée, mais il est là. Laissez lui un peu de temps pour s’habituer. Bienvenue au club, Thomas L. Friedman.

[…] « L’évolution de Friedman est hésitante, bien entendu, pas assez tranchée compte tenu d’une réalité abrupte. Mais le cœur de son propos est aussi clair qu’il est possible de l’être : « Ils ont tous tué la “solution à deux États”. Que commence l’ère de la solution à un État ».

Friedman n’est qu’un journaliste. Pourtant, il est impossible d’ignorer ce moment fondateur, le moment où un de ceux qui ont toujours reflété l’ambiance à Washington et l’influencent, rejette l’idée qui l’a accompagné – et nous avec lui – pendant des années. Friedman l’a entendu dans les couloirs. Et s’il ne l’a pas entendu dans les couloirs on ne va plus y parler que de ça. Trop peu, trop tard – mais c’est encourageant. Le plus long bal masqué, cette “orgie à deux États”, est arrivée à son terme, du moins pour autant que Friedman soit concerné. Si l’Amérique écoute son commentateur le plus chevronné, alors il y a de l’espoir.

L’Europe, qui continue à réciter “deux États” dans un spasme post-mortem incontrôlé – parce que c’est pratique pour tout le monde – devra se trouver son propre Friedman pour émerger de son sommeil.

Seules l’Amérique et l’Europe peuvent secouer la beauté endormie – Israël – et lui révéler la nouvelle réalité, car Israël ne le fera jamais par ses propres moyens. Quiconque connaît Israël le sait.

Qu’est-ce qu’on fait après avoir enterré le mort ? Friedman n’en est pas encore à ce stade. Attendons encore un moment, et peut-être lui aussi arrivera-t-il à cette conclusion inévitable que la “solution à un État” existe depuis près de 50 ans, qu’elle existe pour continuer et que tout ce qui reste à faire est de combattre le régime d’apartheid que cet État a établi sur une partie de son territoire. “Des droits égaux pour tous”, tel doit être le nom du jeu à partir de maintenant – un homme, une voix, comme dans les luttes contre d’autres régimes maléfiques dans l’histoire.

Et comment arrive-t-on à réaliser cela ? La seule méthode non-violente qui s’offre à nous, ce sont les sanctions. Les carottes ont déjà toutes été dévorées par Israël, seul demeure le bâton. Il s’appelle BDS en anglais [et en français aussi – NDLR], ainsi que Friedman le sait.

Eh oui, cher Tom, ce n’est pas l’État dont nos grands-parents ont rêvé, loin de là. Maintenant, il faut le traiter en conséquence pour essayer de le remettre dans le droit chemin. »

http://www.pourlapalestine.be/israel-a-deja-devore-toutes-les-carottes-il-ne-reste-que-le-baton-qui-sappelle-bds-g-levy/

Même Schlomo Sand, pourtant hésitant, a fini par se rallier au boycott d’Israël :

Comment j’ai appris à aimer les sanctions

[…] « Quand je rencontre des collègues à l’étranger, on me demande souvent comment il se fait que les descendants des Juifs persécutés peuvent à leur tour se muer en de tels persécuteurs impitoyables. Je réponds que la persécution n’a jamais fourni une vaccination automatique contre l’arbitraire et le refus aveugle de considérer le sort d’autrui.

Toutefois, si l’installation des réfugiés chassés d’Europe peut être considérée comme l’une ou l’autre forme de justice historique mineure (après tout, la population locale ne devrait pas être tenue de payer ce que la civilisation chrétienne a infligé à nos parents et aux parents de nos parents), continuer à installer des fils de réfugiés alors qu’ils ont déjà acquis leur souveraineté est un mal dénué de la moindre justice.

Le plus gros de la société israélienne soutient les maux de l’occupation ou se montre apathique à leur propos. Certains pensent que c’est le prix qu’ils doivent payer pour la lente libération de la patrie imaginaire que la Bible leur a promise. D’autres tirent profit de son patrimoine immobilier et de subsides généreux ; pour la plupart, il est tout simplement confortable d’être inconscient de ce qui se passe autour de soi. […]

De même que je m’oppose à l’occupation et au refus des droits à autrui, je déteste également la terreur et je m’en détourne. Pour cette raison, j’en suis malheureusement venu à une conclusion que j’avais refusé précédemment de faire ou d’exprimer en public. Je ne puis plus continuer à critiquer l’application de pressions [extérieures] sur le gouvernement israélien.

Pendant des années, je me suis opposé aux boycotts et aux sanctions, mais je suis de plus en plus convaincu que, de même que les sanctions avaient fonctionné lorsqu’elles avaient été appliquées à l’Afrique du Sud et à l’Iran, elles pourraient tout aussi bien fonctionner si elles étaient appliquées à Israël. »[…]

 

http://www.pourlapalestine.be/comment-jai-appris-a-aimer-les-sanctions-shlomo-sand/