Le procès qui contient tout

« N’oubliez pas que l’accusé n’est pas Amine Bentounsi, lui, c’est la victime, l’accusé est le policier qui l’a tué en lui tirant une balle dans le dos. Si vous l’acquittez, vous donnez un permis de tuer à la police… » Ces fortes et justes paroles n’ont pas été prononcées par l’avocat d’Amine… mais par l’avocat général, le procureur de l’État à la Cour d’assises de Bobigny. On se frottait les yeux. Il y aurait donc une justice dans ce pays ? Le représentant de l’État serait-il en train d’appeler le jury populaire à faire un exemple, face aux assassinats policiers, meurtres par balles, par étranglement, aux 15 morts par an ?
Mais, la Cour d’assise de Bobigny n’a pas déraillé. Avec ses 5 jours de débats, ses experts, médecins, ses 5 témoins directs qui ont assisté à la scène et vu que le policier n’était pas en état de légitime défense, avec son « témoin » policier qui admet piteusement avoir menti pour dédouaner son collègue, ses écoutes téléphoniques de conversations entre flics qui puent le racisme et où l’on apprend que, pour le flic accusé, le racisme anti-arabe n’est qu’une « opinion » (!)… Ce sont 5 jours d’enfumage qui laissaient croire que finalement l’évidente vérité pourrait, pour une fois, triompher. Puis ça a été le réveil : le jury « populaire » (3 magistrats et 6 personnes du 93 tirés au sort) se range derrière le flic tueur, et, à l’image de la fascisation des esprits, prononce l’acquittement du flic. Des cris de colère, de douleur des familles des victimes. L’ordre « naturel » est rétabli.
Durant ce procès, on a senti cette société qui chavire. Quelques jours après, Taubira démissionne, mais avant de partir, le Parquet, sous son autorité, fait appel contre l’acquittement du flic tueur. Cela montre les tensions au sein de l’institution à un moment où des changements profonds s’opèrent. État d’urgence, nouvelles lois en préparation… L’appareil policier gagne en pouvoir au détriment de la magistrature. A la télé, un des chefs du syndicat SGP/ FO, témoin de moralité pour le tueur, (« il était un bon délégué syndical, un boute-en-train »…) se félicite de cette démission et réagit à cet appel en accusant l’ex ministre d’être contre la police. Quant à l’avocat des flics, il accuse des « groupuscules » de manipuler la justice. Conséquence de la politique sécuritaire de la gôche : on apprend que l’intention de vote FN chez les flics passe de 30 à 50%.
Jusqu’ici, les perquisitions aux portes cassées, les violences policières, les morts dans les commissariats, dans les fourgons, dans la rue, les violences de la justice… étaient ultra majoritairement « réservés » à ceux qui sont désignés comme arabes, noirs, musulmans et/ou pauvres des quartiers populaires. Avec l’état d’urgence permanent et les mesures liberticides qui en découlent, on aura tous droit au même traitement.
Quelques jours après la fin du procès, ont eu lieu les premières manifestations importantes à travers le pays contre le projet raciste de déchéance de la nationalité et contre l’état d’urgence. Mais la lutte contre les violences policières, en étaient quasiment absentes. Comme les violences policières l’étaient de la manif pour les Goodyear. C’est clair, dans l’esprit des manifestants ce sont des affaires différentes, séparées, de même, vu des quartiers, ce genre de manifestations paraissent lointaines, « pas pour nous ».
Pourtant, face à l’enfumage et les matraques du pouvoir et de ses larbins, cas unique en Europe, si l’on reste isolés, c’est foutu, ils nous auront, on va être tous être emportés par le vomi « sécuritaire ».

au sommaire

– Le procès qui contient tout

– [ C H R O N I Q U E D E L ‘ A R B I T R A I R E ]
Toute la vérité sur la mort de Tarek Belgacem
Etat des lieux du traitement de la mort de Wissam El Yamni
Vive la contagion des luttes
Déchéance, lois, état d’urgence… le tournant dictatorial est engagé
Réparation pour les « victimes collatérales » de l’assaut de Saint Denis
À Calais, le pire est à craindre

– [ A G I R ]
#NonAuPermisDeTuer
19 escargots en GAV
Nantes, deuxième semaine de résistances !
Toulouse, appel à 10 jours d’autodéfense populaire
Guide juridique spécial « état d’urgence »
La voix des sans-papiers n° 14 est parue !
L’appel des Goodyear
Un site si instructif que les patrons aimeraient bien le voir disparaître…