Mes chers concitoyens,

Aujourd’hui, après quelques semaines de mandature à la tête du conseil régional et au service du public, je vous dois un aveu. Je vous ai menti, j’ai tenté de vous manipuler, et pire, je viens juste de commettre une escroquerie en usant et abusant des moyens mis à ma disposition par la collectivité. Depuis plusieurs semaines déjà, j’ai relayé et inventé de nombreux mensonges, de nombreuses rumeurs au sujet de la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes. Je savais ce que je faisais : en stigmatisant ce mouvement de résistence puissant et inspirant, j’ai juste voulu allumer un conflit, pour apparaître comme l’homme fort et volontaire à même de le prendre en charge. Tout entier guidé par mon ambition personnelle, j’aurais pu user de n’importe quel épouvantail pour me servir de cette vieille technique de la division – car au cours des multiples trahisons qui ont jalonné mon parcours (De Villiers, Balladur…), j’ai constaté à quel point l’opinion avait la mémoire courte ! Mon élection à la région m’a offert la légitimité et les moyens financiers pour dynamiser cette politique haineuse. Toutefois, face à un adversaire comme la ZAD, j’ai vite compris que je n’aurai pas les suffrages à propos desquels je fabulais dans mes discours. C’est pour cela que je me suis permis cette petite entourloupe : demander à mes supportaires et à mes employés de signer autant de fois qu’ils le souhaitaient, ce qu’ils n’ont pas manqué de faire. J’ai moi-même, emporté par le plaisir du jeu, inventé quelques poignées de signatures. J’ai choisi de divulguer ces informations aujourd’hui, car mon combat de salon contre la ZAD m’a incidemment amené à me pencher sur la nature véritable de mon prétendu ennemi.

Mon univers s’est alors éffondré.

J’ai compris que là où je m’appuyais sur le mensonge pour faire triompher ma solitude, d’autres cherchaient ensemble la vérité d’un monde à partager. J’ai vu se dresser face à moi le politique en acte, à même de détruire le spectacle de la politique. j’ai su que non loin de l’atmosphère anémiante de mes bureaux on pouvait vivre une vie simple et libre au grand air. Avant de rejoindre les zadistes cependant, je sais qu’il me faudra expier. Je me tiens pour cela à l’hotel de région, où vous pourrez disposer de moi.

Dans l’attente de ma pénitence, je vous prie de croire en l’assurance de mes sentiments les plus dépités.

Bruno (Camille) Retailleau