Ces « considérations sur le viol et le patriarcat » s’attaquent de front à différentes questions comme celles de la sexualité, du corps, du consentement, des limites qu’on réussit à fixer ou pas, de l’État, de la domination masculine, de la construction sociale des femmes, de comment s’organiser contre les violences sexuelles, etc.
Elles sont suivies d’une bibliographie et d’un texte sur la masturbation et la pornographie.

Extraits :

L’année dernière, on a commencé un cycle de réflexion autour du genre et du patriarcat. « On », des filles, des garçons, avec la volonté d’approfondir des réflexions, plutôt en mixité, en examinant au cas par cas les envies et besoins de chacun.e.
Dans mon cas, ce cycle venait répondre à plusieurs besoins. D’abord, celui de régler des comptes « personnels », des blessures, des souffrances, infligées par le système patriarcal, mais aussi par l’ensemble des normes imposées par le capitalisme et la morale. Une tentative de reprendre pied dans mon corps et mon esprit mutilés par ce monde. Ensuite, il s’agissait à mes yeux d’élaborer une perspective de lutte autour d’enjeux trop souvent considérés comme secondaires.
J’ai trop entendu de personnes défendre une soi disant priorité entre la vraie lutte et la question anti sexiste par exemple, comme si ces choses n’étaient pas liées, ou encore l’idée que toutes ces questions seront miraculeusement résolues après l’insurrection. Pour d’autres, ces enjeux semblent trop abstraits, en opposition aux choses qu’on peut attaquer et détruire physiquement. La question est évidemment plus dérangeante, étant donné qu’il s’agit de rapports présents partout, tout le temps, et que nul ne peut, honnêtement, prétendre y échapper.

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Si je ressens le besoin d’approfondir et de consacrer ce texte plus particulièrement au viol féminin, ce n’est pas seulement parce que je l’ai vécu, ou que, partant de ma condition de « femme » socialement assignée, j’ai une certaine appréciation personnelle du sujet. C’est principalement parce que je suis atterrée de voir à quel point cette question est facile à jeter aux oubliettes. Je refuse de la considérer comme un des aléas de ce monde mortifère. J’exècre cette atmosphère pourrie de fatalisme qui plane sur la question.

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Pour commencer, démontons quelques évidences. Il existe beaucoup plus de formes de violences sexuelles que l’image commune que l’on a du viol dans une ruelle sombre par un ou des inconnus.
En réalité, les relations sans consentement font partie intégrante de notre quotidien. Avec ou sans alcool, avec ou sans coups, avec ou sans chantage affectif, au sein de notre famille, dans notre bande de potes, dans le secret de nos relations. Je connais très peu de filles qui n’aient pas une histoire glauque de ce genre à raconter. Certaines en parlent presque en riant, parce qu’il est plus facile de garder un souvenir de fête alcoolisée que de se dire que l’on s’est fait violer. Au-delà de ça, les violences sexistes sont omniprésentes. Se faire siffler dans la rue, tripoter dans le métro, traiter de salope si l’on ose riposter, être obligées de dire qu’on a un mec pour faire cesser les avances, en clair de s’affirmer déjà propriété de quelqu’un…
La sexualité des femmes qui m’entourent depuis que la discussion s’est ouverte est parsemée de baisers, d’attouchements, de caresses, de pénétrations non-désirés, qu’elles se sentaient incapables de refuser. Incapables, ou illégitimes. Salopes, allumeuses, bourrées, indécises, faibles. Parce que nous sommes rongées par cette idée que nous sommes à notre place, celle de donner du plaisir, et peut-être par chance d’en prendre de temps à autre, sans qu’on n’ait compris pourquoi cette fois-là c’était différent. Nous sommes tellement habituées à cette idée de devoir convenir, au risque de nous retrouver seules, que nous nous ôtons le droit de poser des limites. Et ce même dans l’intimité. Il est extrêmement difficile pour beaucoup de femmes de dire non ou de faire des reproches à quelqu’un qu’elles aiment, de prendre position sur des faits quotidiens qui finissent par devenir invisibles.
De leur côté, et c’est tout aussi dramatique, les garçons se font à cette absence de limites, à ces silences qui veulent dire oui selon leurs envies, sans même envisager qu’un « oui » prononcé peut être forcé, ou surfait. Habitués à prendre en conquérants et maîtres un territoire où ils rejouent à chaque fois leurs privilèges.

C’est évidemment une oppression partagée. Nous sommes tou.te.s enfermé.e.s dans des normes qui étouffent ce qu’il y’a de plus unique en chacun.e de nous, et brouillent toutes les possibilités de rencontres autres que celles que cette société hiérarchisée nous impose.

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L’intégralité du texte se trouve sur infokiosques.net.