Nous rencontrons un groupe de sept ou huit jeunes. Ils sont méfiants au premier abord, (« vous êtes qui ? Des journalistes ? ») mais la barrière tombe vite quand nous leur disons que nous avons participé à la marche blanche, quand on parle du collectif « Urgence notre police assassine », et que nous leur distribuons des autocollants « Justice pour Lahoucine » (Lahoucine tué de 5 balles par la police dans le Pas-de-Calais).

Nous apprenons alors que parmi la vingtaine de jeunes arrêtés, certains sont déjà passés en comparution immédiate, que l’un a pris 7 mois fermes, l’autre 6 mois et un troisième est là qui a pris plus de 200 heures de TIG.

Tous décrivent des provocations des policiers : insultes, gestes insultants et puis cette présence massive de forces de police avant même que quoique ce soit ne se produise dans le quartier. Ils disent que la police a tiré des balles en caoutchouc et tabassé « même des pères de famille » qui, simplement, passaient par là : les flics ont prétendu que c’était le couvre-feu et que tout le monde devait rentrer chez soi. Ce qu’on nous racontera plusieurs fois est la mésaventure de ce chauffeur de bus qui a eu la malchance de croiser la police alors qu’il récupérait sa fille chez la nourrice après son travail : il a été tabassé et emmené en garde à vue.

D’autres jeunes arrivent les uns après les autres et ce sont de nouveaux récits, comme déversés en flot continu, de provocations et de violences policières. Certains de ces récits datent de plus ou moins longtemps, retraçant un lourd passé policier dans ce quartier : l’un raconte qu’un jour il a insulté un policier : le lendemain ils sont venus à 4 , l’ont attrapé et « tabassé à fond ». un autre, âgé d’une quarantaine d’années, dit que sa sœur voulait être juge pour enfants, qu’elle a fait 8 ans de droit puis qu’on lui a refusé le poste qu’elle méritait au motif que ses frères ont été délinquants (lui dit : « j’ai fait des petites conneries dans ma jeunesse, mais j’ai payé ») . Donc la sœur est partie travailler à Doha. Il conclut : « il n’y a pas de place pour nous les arabes ici en France ». et les histoires de cette sorte se suivent et se ressemblent.

Nous sommes là depuis une demi-heure quand l’hélico se pointe à l’horizon. Un jeune dit « vous allez voir, il va venir juste au-dessus de nous, faire demi-tour et repasser » et c’est exactement ce qu’il se passe. Ce qui a le don d’énerver les jeunes qui y voient évidemment une provocation. Nous apprenons que certains d’entre eux ont pu voir le blessé qui a le fémur cassé et disent que sa version des faits diffère notablement de celle de la police.

Nous distribuons quelques « kit de survie face à la police et à la justice » et nous expliquons que nous militons avec le réseau « Urgence notre police assassine » et qu’un réseau des familles ayant eu des proches tués par la police s’est constitué en France. Un jeune demande « mais pourquoi vous faites ça, vous êtes payés ? ». On explique qu’on fait ça parce qu’on trouve la situation dans laquelle se trouvent les quartiers populaires injuste. Quand nous quittons le groupe ils nous disent « bon courage ! »

Quelques minutes plus tard, à la sortie de l’autoroute, on croise 17 cars de CRS : direction La Bourgogne. Les jeunes avaient bien dit « provocation »…
Alors, inexcusable et incompréhensible ?? Vraiment ??

Le C.R.I.M.E et Les Mauvais Jours Finiront

(1) Article de Nord Éclair, 4/06/2015.