Je suis marcheur

Numéro 1 des flics de Loire-Inférieure, Jean-Christophe Bertrand, directeur départemental de la police, est l’homme qui a dit  : « ceux qui prennent le risque de s’en prendre aux forces de l’ordre s’exposent eux aussi à des dommages corporels ». Traduction : « Ceux qui prennent le risque de manifester dans la rue prennent le risque d’y laisser un œil ». Il parlait des mutilés du 22 février 2014, éborgnés par des tirs tendus de super flash ball alors qu’ils participaient, ni cagoulés, ni armés, ni violents (les témoignages et vidéos en attestent) à une manifestation contre le projet d’aéroport à NDL. On aurait pu croire que le même homme aurait dit à propos des assassinés de Charlie Hebdo un truc du genre : « ceux qui prennent le risque de s’en prendre aux islamistes s’exposent à des violences, on les avait prévenus ». Par exemple.

Eh bien pas du tout. Entretemps, il a été illuminé par la grâce, charlisé comme tout le monde. Et le voilà samedi à Nantes en tête de cortège, défendant la liberté d’expression. Mieux : en fin de manifestation, s’apercevant que le parcours avait été prévu un peu juste et que les derniers n’étaient pas encore partis quand les premiers arrivaient, il a lui-même décidé d’un « rallongi » à l’improviste, comme ça, à la rangeo levée. Le cortège a donc emprunté un itinéraire qui n’a pas été déclaré officiellement à la préfecture, bafouant ainsi la loi !

Le doute n’est plus permis : en battant le pavé, il a aussi parcouru un grand trajet personnel et spirituel. À la prochaine manif, lui qui vitupérait contre les vilains organisateurs refusant de déclarer leur parcours (une tradition nantaise depuis les années cinquante, voir « Rien à déclarer », Lulu n°84, mai 2014), pas de problème, il ne dira rien. Ou alors juste, fort de son expérience toute fraîche : « Je vous ai compris ».