Il faut dire que Bouclay n’est pas vraiment un journaliste, mais plutôt un propagandiste d’extrême droite (il avait fait scandale avec un « reportage » sur le camp de Bouguenais qui reprenait tous les clichés racistes anti-Roms, déjà pour Valeurs actuelles). Invité régulièrement sur Radio Courtoisie, il est surtout un habitué d’une webtélé d’extrême droite, TV Libertés : il est d’ailleurs revenu sur son expérience sur la zad sur cette antenne, et fut présenté à cette occasion comme leur « spécialiste de l’infiltration et des reportages de terrain »…

Initialement intitulé « Notre Antenne », le projet d’une chaîne de télévision nationaliste et identitaire sur internet est lancé publiquement en septembre 2012 par Philippe Milliau, un ancien du Grece et responsable du Bloc identitaire (jusqu’à son éviction en mars 2012 pour s’être opposé à Philippe Vardon), et Gilles Arnaud, ex-Front national, désormais au Parti de la France de Carl Lang. On trouve d’ailleurs associé au projet un certain nombre d’anciens cadres importants du FN dans les années 1990 comme Yvan Blot, Jean-Yves Le Gallou ou Roger Holeindre. L’idée est de lutter contre « le multiculturalisme douteux », et « l’idéologie subversive et antinationale » des médias de masse qui font des Français des « proies consentantes des lobbies les plus hostiles à la France », suivez mon regard… On fait appel aux personnalités les plus racistes pour soutenir le projet : Jean Raspail, Renaud Camus (le promoteur de la fumeuse théorie du « grand remplacement »), Pierre Descaves (ancien de l’OAS et du FN), Robert Ménard et bien d’autres ; on fait surtout un appel au don, pour réunir 1,5 millions d’euros pour lancer la chaîne. Au final, le projet change de nom et devient en octobre 2013 TV Libertés, « la télévision de la droite de conviction ».

En plus des deux fondateurs, on retrouve à la tête de TV Libertés Martial Bild (ancien membre du bureau politique du FN qu’il quitte en 2008 pour le PDF) qui débauche des animateurs de Radio Courtoisie pour préparer les émissions. D’autres, comme l’éditeur Philippe Randa ou Caroline Parmentier (du journal national-catholique Présent), sont bien connus à l’extrême droite. Aussi pourrait-on s’étonner de la présence parmi les intervenants réguliers sur TV Libertés de Nicolas Gardères, un avocat qui affirmait en mars dernier avoir repris sa carte à Europe Écologie Les Verts et qui se prétend de gauche. Pluralisme ? Pas sûr : avocat de Serge Ayoub dans l’affaire de la dissolution de troisième Voie suite à l’assassinat du jeune antifasciste Clément Méric par l’un de ses militants, Nicolas Gardères a aussi écrit la postface du bouquin de « Batskin » sur le sujet, ce qui va bien au-delà de son rôle de défenseur. Bien sûr, tout comme il avait défendu Dieudonné, c’est au nom de « la liberté d’expression », qui décidément a bon dos. Il a également assuré la défense de Riposte laïque, dont le président Pierre Cassen (qu’il trouve « sincère ») est d’ailleurs parrain de TV Libertés, comme quoi le hasard fait bien les choses.

Arnaud Soyez fait lui office de directeur technique : étudiant à Assas dans les années 1970-1980, il participe au journal satirique Jalons (à la rubrique « Nazisme et dialogue », ça ne s’invente pas). On le retrouve plus tard au Front national comme directeur administratif et financier du journal officiel du FN (Agir pour faire Front – Français d’abord !), puis comme délégué national à la propagande. Sur le plan électoral, il est tête de liste dans le Nord aux municipales 2001, et entre au bureau politique la même année. Enfin, on le retrouve responsable de la cellule “atelier multimédia” pour la campagne présidentielle 2002. Il a d’ailleurs fait une interview de Jean-Marie Le Pen à son domicile en mai dernier pour TV LIbertés, accompagné de la jeune présentatrice de la chaîne, Élise Blaise, auparavant sur la chaîne Équidia, avant de tourner casaque[1]. Aujourd’hui, à côté de son engagement à TV Libertés, Soyez travaille comme directeur artistique à In Lux, une agence de communication spécialisée dans le luxe, après avoir travaillé pendant 4 ans chez Yves Saint-Laurent (le France qui se lève tôt, quoi !).

Enfin, Marie-France Marceau est chargée de recueillir les dons gérés par ne Association de Soutien au Nouvel Audiovisuel (ASNA) qui loue les locaux pour les studios situés 15bis rue Danton au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). L’antenne a été ouverte le 30 janvier à 19h, et a su trouver son public (plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs) mais peine malgré tout à trouver un équilibre financier : avec un format et un habillage type TF1, le cœur de cible est plutôt âgé, pas forcément familier de la télévision sur internet…

Quoiqu’il en soit, il s’agit d’un projet très professionnel, avec une équipe salariée : c’est que Gilles Arnaud est du métier. Comme le précise le blog Droites extrêmes dans l’article qu’il consacre à Notre Antenne, il dirige une boîte de production audiovisuelle, Agence2presse, très active dans la mobilisation contre le mariage pour tous et surtout très proche de Voix de la Russie, qui relaie la propagande de Poutine en France. Et c’est justement à ces deux thèmes que TV Libertés consacre l’essentiel de son temps d’antenne, avec l’objectivité qu’on imagine…

Toutes les « têtes » de la Manif pour Tous (MPT) ont des tribunes régulières, et la manif du 5 octobre dernier a fait l’objet d’une couverture totale. Les intégristes ne sont pas oubliés : le 7 mars 2014, Martial Bild organisait un « débat » entre Alain Escada de Civitas et Farida Belghoul, qu’on retrouvait deux mois plus tard côte à côte à la même tribune pour fêter Jeanne d’Arc à Paris. TV Libertés accompagne régulièrement sa lettre d’information Esprit Libre de tract de la MPT ou pour soutenir les chrétiens d’Orient.

Pour ce qui est de la Russie, il était initialement prévu un partage des studios avec ProRussia.tv (dont la présentatrice n’est autre que la femme de Milliau). Cela ne s’est pas fait, officiellement pour se prémunir d’une ligne trop ouvertement pro-russe ; mais les partenariats avec l’outil de propagande de Poutine sont nombreux. Ainsi, on retrouve TV Libertés seule télé présente lors de la rencontre en septembre 2014 entre le président de le Douma Sergueï Narychkine (pourtant interdites de visa au titre des sanctions de l’Union européenne…) et le Dialogue Franco-russe, association présidée par Thierry Mariani qui avait pour l’occasion rassemblé des personnalités comme Nicolas Dupont-Aignan, Aymeric Chauprade (conseiller aux relations internationales de Marine Le Pen) ou le patron de Total Christophe de Margerie[2], tous habitués à cirer les bottes de Poutine. Par ailleurs, quand on voit que l’envoyé spécial de TV Libertés en Ukraine n’est autre… qu’un certain Pierre-Alexandre Bouclay, on imagine la qualité journalistique de ses reportages, s’ils sont à l’image de son pseudo-reportage sur la zad !

La Horde

Notes:

  1. OK, elle était facile, celle-là…
  2. à qui la Russie n’a pas porté chance, puisqu’il est mort quelques jours plus tard dans un accident d’avion sur l’aéroport de Moscou…