Ballade pour un fidèle défunt
(Ballade pour un ophioglosse)

Nous répondons à cet « allez, faut y aller ! »
Même appel, même rage, et comparables guerres.
Communauté masquée durant cette veillée
Qui bercera nos sangs, et noircira l’enfer
D’une nuit mâtinée où s’étend ta dépouille.
Nous te rendons hommage, osant défier les ombres,
Spectres enragés, endiablés et incendiaires.
Grouillant telles lucioles vers des artères sombres
Nous ouvrirons la nuit de nos cinglantes pierres,
Et braverons la pluie pour que leurs armes rouillent.

Car, si l’on risque bien de vous causer du tort
C’est pour ne pas poursuivre sans honorer nos morts.

Vous meurtrirez nos chairs auparavant bleuies,
Traquant en nombre, esprits, corps nus et courses folles,
Vaine chasse aux sorcières, opposants, insoumis…
Et certes sans encombre, vous halerez gloriole,
Vous sortirez indemnes, blanchis ou arrogants
Face aux ossuaires, crus, par vous, si abondants.
Mais sachez le, armées, que chaque fin d’été,
Partout, refleurira l’hommage provocant
Au libre camarade, martyr ainsi tombé
Sans herbe sans couture, stolon bien confondant.

Car, s’il s’est jeté dehors le diable au corps,
C’est pour ne pas revivre sans honorer sa mort.

Puis, nous attiserons nos satanées lanternes
Pour orner son passage inouï vers l’autre monde,
Et de nos saisons claires toujours tenues en berne,
Émergeront deux milles dépouilles vagabondes,
 Aux dermes écorchés, les déçus, les damnés,
Affres, cris de Satan, surgis des saisons sombres,
Dignes danses macabres au bal des assassins.
Et sous nos pieds brulants, charbons pris des décombres,
Nous fêterons gaiement, nos trois nuits de Samain,
Nos rages expiées et, le feu de bel passé.

Car, si l’on erre en peine, ainsi jusqu’aux aurores,
C’est pour ne pas survivre sans honorer nos morts.