Parce que nous ne considérons pas chacune des luttes comme séparées, malgré leur distance dans le temps et dans l’espace, mais au contraire comme toutes liées dans un élan contre toutes les oppressions qui cherche ses dénominateurs communs. Proposer d’aller vers une analyse globale, c’est proposer d’adopter une posture révolutionnaire, au sens de toujours chercher à aller de l’avant et offensivement pour la destruction des appareils de domination dont essentiellement les rouages de l’Etat et du Capital. Pour cela, il n’y a pas à fouiller dans des concepts théoriques ou des bouquins d’analyse abstraite mais dans les données des rapports de force et de leur évolution, afin d’en trouver les forces et faiblesses de connexion, pour mieux appréhender les combats futurs. Proposer d’aller vers une analyse décoloniale, car les logiques néo-coloniales ne se sont pas éteintes et même l’impérialisme occidentale s’est rarement aussi bien porté, ce jusque dans les têtes de beaucoup qui se disent militants. Parler « du » mouvement social comme celui même qui relie toutes les luttes et qu’il faut être capable de construire pour le percevoir. Dès lors, quel lien y a-t-il entre la révolte dite « anti-CPE » de 2006 en France avec les sommets altermondialistes ? L’EZLN avec la révolte des quartiers populaires dans le monde occidental ? Les tactiques « Black Bloc » avec les mouvements sociaux de grève ? Nous partons du postulat que seule la « base » qui se réapproprie ses moyens de lutte est porteuse de radicalité et de rupture dans tout combat politique d’émancipation sociale.

 

1- Au cœur même du monde occidental, les tremblements porteurs de vacillement définitif émergeront de ses périphéries. L’onde de choc sera nécessairement terrible.

En France, c’est un tort pour les moralistes républicains de croire que les banlieues sont « délaissées ». Elles ne sont aucunement négligées, subissant même au contraire une attention très bien étudiée de la part de l’Etat bourgeois français. Gestion coloniale et techniques contre-insurrectionnelles permanentes, pratiques de guerre d’occupation, terreur policière, assassinats appelées avec le cynisme propre aux dominants de « bavures ». L’insurrection populaire des ghettos de novembre-décembre 2005 en a fait trembler plus d’un. L’Etat et le patronat, bien sûr, mais aussi l’ensemble des classes moyennes jusque dans l’extrême-gauche institutionnelle. Le matraquage des grands médias au service du Capital et propriétés des marchands d’armes sont parvenus à imposer dans les esprits effrayés la nécessité de mesures de guerre ouverte : couvre-feu, état d’urgence, question d’intervention militaire, raids policiers appuyés par hélicoptères tournant au-dessus des tours de la misère en les aspergeant des projecteurs. Répression coloniale, répression sociale. Quelques mois plus tard, lorsque le mouvement social éclate contre l’offensive patronale et sa loi « CPE », personne ne fait le lien avec la pègre banlieusarde qui vient pourtant en « hordes de casseurs » provoquer l’émeute avec les nôtres. La bêtise pédante des réformateurs professionnels de la gauche-pisse se fera une joie de seconder la police dans son travail de neutralisation des « éléments incontrôlables », relayant leur discours davantage encore que ne l’auraient espéré les patrons et l’Etat, des vrais casseurs, les casseurs de vie, les casseurs d’avenir et de futur, les casseurs de dignité. Plus de quatre mois de mouvement social dur. Quand sociaux-démocrates et gauchistes républicains de salon fêtent en chœur au final la « victoire contre le CPE », ils chantent la victoire de l’ordre, ils dansent sur la répression définitive et tout azimut des révoltés et des révolutionnaires, sur l’empêchement accompli de tout basculement dans l’inconnu, sur l’étouffement des grèves sauvages et des syndiqués « incontrôlables », sur la censure des nombreux appels à continuer la résistance. Pourritures, votre tour viendra. Du 6 au 9 mai 2007, au sacre présidentiel de Sarkozy, ils se sont tous cachés chez eux quand la rue flambait. Indigènes et autonomes, jeunes et moins jeunes révoltés, ont pris sauvagement la rue à la nuit tombante, dans toutes les grandes villes de France, pour attaquer les préfectures, dépaver la chaussée et charger la police. Automne 2007, le mouvement social se relève à nouveau, pendant plusieurs mois les radicaux mènent la danse dans les universités, les lycéens moins castrés que leurs aînés quant au respect des institutions vont de l’avant pour bloquer les rouages de l’économie, les sièges patronaux sont occupés, et à nouveau la rue flambe à de nombreux endroits. Au plus fort du mouvement, les quartiers populaires crament à nouveau. Deux assassinats de plus au tableau de chasse policier, deux semaines d’affrontements généralisés. Au même moment, les 9/10e des raffineries sont bloqués par des piquets de grève en France, soutenus par des blocages et grèves sauvages dans les raffineries belges solidaires. L’essence est le nerf de la guerre. Patronat et sociale-démocratie paniquent. Répression féroce. Les routiers bloquent les autoroutes, les étudiants et lycéens bloquent les voies ferrées. Les marins-pêcheurs bloquent les ports et défendent leurs piquets de grève à coups de pavés et de barres de fer. Pays paralysé. L’Etat rempli les prisons, les centrales syndicales répriment l’aspect sauvage et offensif des grèves, le patronat en ressort anxieux mais d’autant plus vorace. Printemps 2009, lycées et universités battent le pavé puis les lancent. Malgré la combativité, et par l’absence de jonction avec les travailleurs, la privatisation de l’éducation a vaincu. Automne 2010, soubresaut ultime du mouvement social pour la défense des retraites et de la sécurité sociale. Autonomes et indigènes affrontent ensemble la police, essentiellement à Lyon où l’hétérogénéité émeutière suscite la nécessité pour l’Etat de déployer le GIGN et les hélicoptères pour réprimer les batailles de rue. Les grèves et le mouvement furent durs, la répression et la détermination patronale le furent davantage. Depuis, rien. Digestion difficile de la défaite. Nous sommes bientôt maintenant à l’automne 2014 et les seuls qui créent de l’agitation sont les fascistes. Depuis quatre ans, grincements de dents et résignation. Depuis deux ans, les groupuscules fascistes qui montrent les crocs dans tout le pays, appuyés par des manifestations réactionnaires de masse. Depuis deux ans, le Parti Socialiste au pouvoir. Les raclures sociales-démocrates rassurent le patronat de la bonne marche de l’offensive globale en règle du Capital en ces années 2010. Une partie de la bourgeoisie s’est déguisée avec des perruques roses pour venir à la rescousse de leurs alliés à perruques bleues et remplit sa fonction de neutralisation du mouvement social. Et le fait bien. Nous n’en resterons pas là. Au cœur même du monde occidental, les tremblements porteurs de vacillement définitif émergeront de leurs périphéries. Les insurrection des quartiers populaires restent les plus virulentes : novembre-décembre 2005 en France, août 2011 en Angleterre. Nous n’en resterons pas là.

 

2- Les années 2010 voient la montée du fascisme partout en Europe, que ce soit par les grands partis d’extrême-droite qui deviennent au plus mal la troisième force politique nationale selon les pays, ou bien par la nébuleuse des groupuscules néo-nazis et nationaux-socialistes qui se développent sur tous les terrains, s’implantent localement, se structurent et s’imposent dans la vie de tous les jours. Sièges fascistes type Casa Pound qui pullulent dans les métropoles italiennes dont les quartiers bruns ne sont plus un secret. Milices fascistes en pantalon gris-kaki et T-shirt noir d’Aube Dorée en Grèce qui sillonnent marchés et rues pour ratonner, agresser, tuer. Patrouilles sécuritaires des Jeunesses Identitaires dans les métros de plusieurs villes françaises. La prise du pouvoir d’Etat par différentes tendances néo-fascistes et néo-nazies en Ukraine avec les premiers massacres et lois antisémites. Attentats fascistes dans les pays nordiques, assassinats ciblés en Allemagne comme partout ailleurs. Ce ne sont là que la face la plus visible de la menace fasciste en Europe, dont l’influence et l’implantation sont bien plus avancées qu’on n’oserait le croire. Appuyés par les diktats d’austérité qui paupérisent l’ensemble des classes moyennes occidentales, jouissant d’une impunité juridique quasi officielle, d’un soutien de moins en moins ombreux de la part des Etats et de leurs polices médiatiques, partenaires de la stratégie globale de l’Europe-Forteresse et de sa machine de mort Frontex, ils s’incrustent dans les rassemblements de la triste farce des « indignés » qui cherchent leur ennemi. Ils profitent du vaste tremplin de l’idéologie conspirationniste et complotiste largement antisémite mais très populaire, jouent la carte nationale-sociale intelligemment, s’affichent toujours plus ouvertement et en terrain conquis. Et nombre d’entre nous font la sinistre erreur de les sous-estimer, de les considérer avec un dédain injustifié voire une nonchalance stupide et dangereuse.
Durant le printemps 2013, la France aura connu un printemps réactionnaire téléguidé par les franges fascistes les plus radicales, ils sont parvenus à prendre la rue, à la tenir des semaines durant, à engager avec eux toute la classe dominante de la petite-bourgeoisie à la haute-aristocratie survivante qui les ont applaudis dans des émeutes d’extrême-droite qui ne semblent pas inquiéter grand monde. Leurs actions, tant commandos que massives, s’illustrent de l’attaque incendiaire de camps Rroms aux agressions mortelles de couples homosexuels, de manifestations monstres aux cris de « mort aux juifs » en dénaturant à leur compte le terme de sionisme, etc. Etc.
Pour l’heure, les peuples occidentaux du début du XXIe siècle ne semblent pas prendre le chemin d’une autocritique radicale et globale de l’asservissement de la planète à leur compte, de siècles de guerres impérialistes et de massacres colonialistes au nom de leur confort et prétendue supériorité raciale. Il semble au contraire que le vacillement du capitalisme mondialisé émergera moins de troubles sociaux de son cœur UE-USA que de l’effet boomerang inéluctable des zones mondiales gigantesques que sa férocité a plongé dans la réalité de Tiers-Monde. Le tremblement émergera d’épicentres multiples dont l’Afrique, l’Amérique du Sud et l’Asie seront les plus violents. Les révolutions des peuples d’Afrique du Nord nous l’attestent. Egypte, Libye, Tunisie, Turquie, Syrie, Bahrein, ont connu plusieurs révolutions successives où les nouveaux maîtres autoproclamés à chaque nouvelle prise de la rue ont une durée de vie aussi éphémère que le temps nécessaire à la fabrication de nouveaux cocktails Molotov destinés à les faire tomber, encore et encore. Désormais, l’affrontement est quotidien. Les Etats occidentaux prennent des dispositions.
Simultanément, les grandes villes du Chili et du Brésil connaissent des émeutes sociales et populaires à grande échelle en continu depuis quelques années, souvent à partir des luttes pour une éducation libre et gratuite. A l’autre bout du monde -pour l’épicentre occidental-, les travailleurs de Chine, Corée du Sud, Thaïlande et d’Inde font autant valser la police au rythme incendiaire des Molotov, et rythme toujours plus effréné. Le temps des émeutes. Comme jamais le monde n’en avait connu jusqu’alors. Les peuples occidentaux sauront-ils désaxer leur ethnocentrisme assassin et accepter d’assumer le rôle historique qu’ils se sont choisis jusque-là ? C’est la question qu’ouvre notre millénaire. Avec celle de la capacité de l’humain à la reconnaissance mutuelle des multiples mondes. Car les révolutions qui surgissent depuis quelques années ne sont pas celles de l’après-guerre. Pas de parti avant-gardiste, pas d’icônes ni d’idoles, pas de prise de pouvoir d’Etat, ce sont des foules anonymes qui s’éveillent en peuples singuliers et hétérogènes, qui se réapproprient le pouvoir en le dispersant. Émeutes de l’autonomie des hommes. Qui font naître par là même un monde de l’après-capitalisme, riche de plusieurs mondes, de plusieurs calendriers, de plusieurs géographies, aux épicentres infinis dont les ondes ne le sont pas moins. Richesse humaine de la conflictualité, de la violence émancipatrice. Cette rage dans l’ère présage les prémisses d’un premier prologue. Un âge d’or riches en mondes et riches en vie. Et cela ne se fera pas sans désordre, sans chaos, sans échange d’armes. 

 

3- Le mouvement social global « altermondialiste » a lui-même émergé d’épicentres non occidentaux. Si Seattle en 1999 fut le premier coup d’éclat recensé dans la conscience occidentale, c’est bien parce qu’il a eu lieu aux États-Unis justement. En réalité, l’offensive sociale et populaire « globale », c’est-à-dire radicalement anticapitaliste et à portée internationale, a commencé le 1er janvier 1994 avec l’insurrection zapatiste et le premier mouvement social d’ampleur qui s’en est inspiré a eu lieu en Argentine durant l’insurrection de 2001. De Gênes en juillet 2001 à Strasbourg en avril 2009, les grands affrontements à portée « altermondialiste », limités dans le temps et dans l’espace, dans la dynamique nouvelle des contres-sommets, est la manière occidentale pour se réapproprier ces nouvelles perspectives de lutte qui viennent d’ailleurs. Le réseau radical informel « No Border » est né durant la même période, considéré réseau terroriste par les Etats occidentaux, ce qui est logique. Car c’est le premier mouvement radical au cœur de l’Empire occidental qui s’attaque directement à sa colonne vertébrale de domination coloniale et impérialiste du monde de manière globale et internationale. Contre l’Europe-Forteresse. Être radical ne signifie pas alors être « extrême », car la seule situation « extrémiste » est celle des impacts du capitalisme mondialisé, mais prendre et comprendre les choses à leurs racines, pour les combattre de manière frontale. Si la tactique des autonomes, qu’ils soient communistes libertaires ou autre, se confirme en celle des Blacks Blocs, l’adoption de plus en plus influente de ces tactiques n’est en rien une caractéristique occidentale. Les raisons d’adopter cette tactique sont les mêmes de Berlin au Caire, de Santiago à Oakland, de Rome à Rio de Janeiro, similaires aux combattants de l’EZLN bien que celle-ci est la seule à se distinguer en tant que telle, c’est-à-dire en tant qu’armée populaire. Armée des sans-visages, fraternité des combattants sans chefs, autonomie locale d’initiative, solidarité inconditionnelle, mixité sociale et hétérogénéité de fait, la tactique Black Bloc constitue la force révolutionnaire privilégiée contre la domination capitaliste, ce en tout point du globe.

 

4- Ce que l’on appelle aujourd’hui l’austérité ne représente pas des mesures « exceptionnelles » nous permettant de retrouver à terme l’euphorie consommatoire vers une nouvelle classe moyenne généralisée, mais la prolétarisation globale de la société en vue d’une réduction à l’esclavage des plus grosses franges de la population européenne au service de la nouvelle bourgeoisie occidentale mondialisée. Les peuples européens, après des centaines d’années d’impérialisme à outrance, illustrées de pillage des ressources et de sur-exploitations des travailleurs locaux, de toute l’Afrique et des deux Amériques, se voient à leur tour victimes des intérêts stricts de la bourgeoisie. Et s’en indignent. Alors que ces peuples européens acceptaient et jouissaient jusque là du confort de classe moyenne dont les conditions de vie se sont effectivement élevées, construites sur cet impérialisme colonial et maintenu par le néo-colonialisme au sein même de l’Europe-Forteresse. A présent, la classe moyenne européenne se retrouve confrontée à la réalité de classes en découvrant à nouveau sa vulnérabilité de salariés exploités, réalité et vulnérabilité dont elle se croyait épargnée, oubliant même d’où viennent les acquis sociaux que l’on a tellement de mal à défendre. Nos renoncements font nos défaites…
L’automne 2012, de septembre à fin novembre, fut marqué par une grande agitation sociale en Europe occidentale :
-25 septembre, Madrid. Plus de 60 000 personnes « assiègent » le Parlement, maintenues puis repoussées dans la panique générale par quelques centaines de flics à peine. A quoi ripostèrent quelques dizaines de camarades, d’abord en bloc d’attaque frontal puis par des affrontements sporadiques dans de nombreuses ruelles alentours.
-26 septembre, Grèce. Première journée de grève générale depuis le soir quasi-insurrectionnel du 12 février. A Athènes, plus de 100 000 personnes convergent à nouveau sur le Parlement, camarades et combattants sont rapidement débordés et acculés, avant d’être traqués et tabassés en plusieurs points de la ville.
-26, 27 et 29 septembre, Madrid. 30 à 60 000 personnes convergent à nouveau sur le Parlement, repoussées par quelques centaines de flics. Traques dans toutes les rues alentours, et fouille-traque dans chaque commerce et hall d’immeuble où se sont réfugiés les gens.
-26 septembre, Lisbonne. Plusieurs centaines de milliers de personnes convergent sur le Parlement, les quelques milliers qui resteront seront repoussés par quelques centaines de flics.
-29 septembre, Lisbonne. A nouveau, plusieurs centaines de milliers de personnes convergent sur le Parlement, dans la même idée de « siège pacifique ».
-5 octobre, dans toutes les grandes villes d’Italie, répression féroce de plusieurs dizaines de milliers d’étudiants et lycéens qui prennent la rue. L’Etat ne peut se permettre un mouvement de jeunesse contre l’austérité au cœur de l’Europe.
-9 octobre, Athènes. Lors de la venue de la chancelière Merkel, malgré un couvre-feu et une zone interdite à toute circulation et tout rassemblement étendue à tout l’hypercentre, et le déploiement de 10 000 hommes dont 7000 policiers antiémeute et 1000 soldats de l’unité spéciale anti-terroriste, plusieurs dizaines de milliers de personnes convergent sur le Parlement. Répression. Un régiment des forces spéciales de l’armée, dont des parachutistes, défilent contre la venue de Merkel et déclarent publiquement vouloir « sauver la Grèce », soutenus par les fascistes d’Aube Dorée.
-soir du 16 octobre, Lisbonne. Jusqu’à 10 000 personnes « assiègent » pacifiquement le Parlement. Les quelques milliers qui resteront seront repoussés au milieu de la nuit.
-17 octobre, journée de grève générale en Espagne. Plusieurs centaines de milliers de personnes rien qu’à Barcelone et Madrid.
-18 octobre, journée de grève générale en Grèce. Plusieurs dizaines de milliers de personnes convergent sur le Parlement à Athènes. Affrontements durs entre anarchistes et police. Répression féroce, assaut général sur le quartier d’Exarchia, appuyé par des groupes fascistes. Nombreux blessés, 3 graves, un mort.
-20 octobre, Rome. 100 000 personnes défilent contre l’austérité.
-20 octobre, Londres. 150 000 personnes défilent contre l’austérité.
-7 novembre, Athènes. 200 000 personnes convergent sur le Parlement, des groupes anarchistes attaquent les positions policières avant de refluer laborieusement sous une riposte répressive implacable.
-14 novembre, première grande prémisse historique globale pour le tournant de la « crise » actuelle : grève générale en Europe. Grève largement suivie en Espagne et au Portugal, avec jusqu’à 2 millions de personnes dans les rues en Espagne et plus de 1 million au Portugal. En Italie et en Grèce, la grève est moins suivie, plus de 500 000 personnes défilent dans la rue en Italie et plusieurs dizaines de milliers en Grèce. La répression est effroyable dans chaque pays. La bourgeoisie a donné le feu vert à toutes les polices qui ont réprimé avec une logique et implacable efficacité.

5- L’été 2012 fut marqué en Europe par les grèves dures dans les Asturies, au Nord de l’Espagne. Elles dureront plusieurs semaines. Blocage total des activités minières, défendu par des piquets de grève établis en véritables structures d’autodéfense. Initiative offensive par blocage total des flux de marchandise et de communication, c’est-à-dire blocage des autoroutes, réseaux ferroviaires et ponts alimentant le pouls organique du Capital et ses voies de profit. Création de caisses de grève et coordination de tous les villages vers une solidarité matérielle et financière pour tenir dans la durée. Communiqués vidéos et autre vers les autres secteurs de travail pour appeler à la convergence des luttes. Les attaques policières répétées contre les villages, les blocages et les piquets de grève furent repoussées plusieurs semaines durant par des méthodes de guérilla autonome renforcée par la solidarité pratique des habitants et des familles. Des hommes, des femmes, simples, anonymes, qui défendent leur pain, leurs lieux de vie et de travail, pour leurs proches et leurs enfants, ne comptant que sur eux-mêmes, que sur leur propre capacité à résister et à organiser eux-mêmes la résistance, sont parvenus à repousser les assauts policiers successifs. Les travailleurs de chaque mine se sont organisés en plusieurs groupes de combat et de défense, afin de sécuriser les lieux de grève et d’anticiper les avancées des forces répressives. Coordonnés, ces groupes utilisaient le terrain montagneux à leur avantage, se positionnant dans les collines surplombant les routes d’accès et les points de blocage afin d’attaquer latéralement ou frontalement les forces policières. Cette grève dura des semaines, et les accrochages particulièrement violents lors des déploiements de milliers de policiers contre les villages, points de blocage et piquets de grève miniers furent totalement assumés par les travailleurs et habitants de la région qui réussirent longuement à tenir le terrain. Les régions de Castille-et-Leon et d’Aragon finirent par rejoindre la grève « des Asturies ». D’où l’initiative de la « grande marche noire » où trois colonnes regroupant quelques 400 mineurs grévistes marchèrent sur Madrid, renforçant une solidarité populaire toujours plus vaste et déterminée de village en village. Durant toute la durée de la marche qui dura du 22 juin au 11 juillet, les combats dans les collines et les villages se multiplièrent et s’intensifièrent, les forces policières déployant toujours plus de troupes. L’Etat ne pouvait se permettre de laisser une convergence sociale se créer et se solidifier autour de l’image sympathique de la « gueule noire » du fond des mines et encore moins un soutien populaire affiché aux méthodes de guérilla. Les premières heures de la matinée du 11 juillet à Madrid font partie de ces moments insurrectionnels où l’histoire frémit de la levée spontanée des masses, de cette solidarité de classe parfois soudainement si évidente et criante, que ni les 400 marcheurs ont espéré ni l’Etat a anticipé. L’arrivée des colonnes de grévistes harassés est accueillie et acclamée par plusieurs dizaines de milliers de personnes qui descendent spontanément dans la rue dans une véritable marée humaine de solidarité. Cela a duré toute la journée. La jonction est faite et, mineurs en tête, la masse converge de manière colorée et festive sur le Ministère de l’Industrie. Nombre de familles, lycéens, étudiants, salariés, fonctionnaires, enfants, précaires, ont rejoints les cortèges. Face à la solidarité populaire dont la consistance se renforce dans la détermination et la convergence, l’Etat déploie un dispositif de défense préventif. La foule avance. Les lignes policières font barrage, et tirent dans le tas. Pour l’heure des balles de caoutchouc gros calibre suffisent. Nombreux blessés dans la foule, débandade. Les lignes policières tirent des dizaines de salves d’affilée avant de charger dans le dos les gens qui fuient. Répression d’Etat précise et efficace. Ce ne sera que plus tard dans la soirée que des manifestants se formèrent en groupes et se défendirent, et plusieurs quartiers de la ville brûlèrent sous des barricades enflammées. Les soirs suivants, des tensions très fortes persistent dans les rues de Madrid, des conseils municipaux sont investis et d’importantes manifestations spontanées se multiplient pendant plus d’une semaine, avec le point d’apothéose du 19 juillet où jusqu’à 500 000 personnes descendirent dans la rue au cri de « grève générale »; mais globalement les manifestants subissent très vite une stricte temporalité de répression. La bataille des Asturies durera encore quelques semaines dans de violents affrontements, essentiellement dans des villages tels Cinera ou Leon décrétés « entrés en insurrection » par l’Etat, avant de succomber à l’épuisement.

 

6- En France, de nombreuses initiatives intéressantes se créent, notamment le CREA à Toulouse, à savoir la Campagne de Réquisition, d’Entraide et d’Autogestion qui fonde sa force sur une mixité sociale et populaire afin d’opérer à des réquisitions de logements vacants, vides et d’y installer collectivement de nombreuses familles à la rue. Malgré une répression féroce, le mot d’ordre se maintient : tout le pouvoir au peuple. Et pourtant, en ce début de XXI siècle où l’humain subit cette ère inédite de mondialisation forcée, envers et contre les peuples, il semble, encore une fois, que la brèche de basculement dans l’inconnu post-capitaliste émergera moins de l’épicentre occidental auto-proclamé que de ses périphéries. La cristallisation de la formidable résistance du peuple Palestinien reflète le choix que l’humain aura à faire de lui-même dans une époque « d’inter-connexion » encore jamais égalée : le peuple Palestinien vaincra avec la défaite définitive de la monstruosité des ères coloniales et de dominations sans merci. Et le peuple Palestinien vaincra avec la solidarité internationale des peuples qui se lèveront pour faire chanceler définitivement l’Axe dominateur de l’impérialisme occidental assassin.

Depuis tout récemment, en outre, l’homme est officiellement embarqué dans une « dette écologique » qu’il ne pourra jamais « rembourser », et la fin du capitalisme mondialisé et de son axe impérial occidental, devient une nécessité de survie pour l’humain comme pour toutes les espèces vivantes. Admettre que notre réalité est celle d’un monde, de deux classe et d’une guerre, c’est déjà chercher la face cachée de la Lune de notre Histoire. C’est déjà faire sécession avec leur monde de calcul pour une nouvelle réalité faite de pluralités et de solidarités. C’est déjà voir au-delà du capitalisme.

Se résigner, c’est mourir. Lutter, c’est vivre.

 

-Réseaux Communistes Libertaires Autonomes (CLA)