Les brutes sauvages sur l’île inconnue (où je viens de passer un mois et que je quitte désespérée ce matin, j’écris de l’aéroport), se sont déchaînées cette nuit. Parce que l’on aurait retrouvé les corps des trois jeunes assassinés. Ici, selon qu’on est de gauche ou de droite, on les appelle « colons » ou « enfants innocents ». Il faut sans doute accepter le fait que des milliers d’enfants et de jeunes « innocents » ont payé et continueront à payer pour les uns la politique coloniale de leur Etat et pour les autres le prix de la lutte de libération. Je parle au conditionnel, car pour des raisons de « sécurité et de renseignement » on ne sait absolument rien de l’avancée des recherches et des informations détenues, la presse ressassant avec délectation qu’elle sait mais ne peut pas dire… Donc niveau d’information réelle concrète zéro. Ils disent qu’ils ont les identités de deux hommes, dont ils montrent les photos, et ont déjà détruit les maisons familiales. Quelle certitude ?

Imaginerait-on en France, pays démocratique, que l’arrestation d’un criminel se traduise immédiatement par le dynamitage officiel et légal de la maison de ses parents, de sa femme et de ses enfants ? Barbarie.

Au début, les premiers jours du kidnapping, on sentait le malaise et la hargne dans les médias, et chez les experts. Entendu plusieurs fois, à la télé et aussi dans une conversation d’autobus entre deux jeunes soldats : « ce doit être une opération très bien étudiée, de façon très complexe et élaborée, montée depuis des mois, ou rien n’a été laissé au hasard… ». Derrière ce discours, l’incrédulité et la colère coloniale : « quoi ? Ils osent et ils y arrivent ? Ces riens du tout osent s’en prendre à nos enfants ? »

A la fin : hier soir à la télé, les mêmes experts confirmaient que bien que du Hamas, les deux hommes auraient agi seuls et sans aide. A l’évidence le Hamas, comme tout autre groupe politique palestinien, n’aurait que faire de prisonniers morts, les prisonniers israéliens n’ayant de valeur que d’échange contre leurs propres prisonniers (6000 !), comme dans l’affaire Shalit. D’ailleurs dans la première série de mesures punitives ils ont tenu à récupérer en priorité tous les prisonniers relâchés dans l’échange. Près de 500 arrestations, 10 morts, maisons dévastées, familles terrorisées par des invasions nocturnes foyer après foyer. Bien sûr Gaza bombardée, comment imaginer que le défoulement ne se fasse pas sur la prisonnière offerte aux coups sans défense.

Gaza la martyre désignée a recommencé à payer cette nuit le culot de deux hommes qui ont osé s’attaquer au colon. Mais une nouvelle série de punitions est prévue qui se discutait très sérieusement hier soir. Il faut rassurer ce peuple israélien, et aussi le nourrir. Continuer à alimenter la peur et la haine, la haine et la peur et surtout la déconnexion totale de tout lien entre ce que produit de souffrance l’occupation coloniale et de réaction, violente ou non, de résistance dans la population opprimée . Nous sommes là et nous veillons sur vous, il faudra payer de temps en temps par la mort de quelques-uns d’entre nous, mais notre vengeance sera féroce n’en doutez pas… Et nous resterons là les plus forts.

N’est-ce pas merveilleux, ont souligné tous les proches des familles de colons touchées par le deuil hier, cette union de tous les Israéliens laïques et religieux, autour de ces trois enfants ? C’est si rare dans notre pays…

J’ai l’impression d’avoir reculé dans le temps et de me retrouver sur une plantation du Sud des Etats Unis, en Haute-Volta française ou en Afrique du Sud afrikaner. La loi du plus fort a cela de pervers qu’elle transforme en abrutis ceux qui la pratiquent, ceux qui la subissent aussi.

Hier soir encore sur FB une amie de Ramallah écrivait : « que Dieu nous protège cette nuit ! »

En écoutant les experts se succéder pour envisager quelles punitions infliger de façon à « transformer cet échec en quelque chose qui nous serve », je pleurais de honte et de désespoir devant l’agonie de ce qui a été une culture, celle dans laquelle j’ai été élevée. On m’a appris à la maison que j’étais juive et que je « devais donc lutter contre l’injustice et le racisme, contre l’oppression du plus faible, contre le tous contre un, que nous faisions partie du peuple du livre, c’est à dire celui qui avait donné la loi, ces dix commandements que j’ai portés en médaille toute mon enfance, et j’étais sensible au prénom de mon père Moïse, celui qui qui a transmis cette loi. » 
Aujourd’hui les jeunes arborent le signe des paras israéliens !!

Tu ne tueras point…

http://www.ujfp.org/spip.php?article3294