L’Âge des fossoyeurs

Au nom de la science, le Palais de la Découverte s’efforce de former les humains que la mafia nucléariste veut laisser à ce monde. Sa pédagogie voudrait formater des enfants qui joueraient au poker avec des cartes durcies au mercure radioactif sur un parquet du château de Versailles verni par le même procédé en avalant de la Vache-qui-rit ionisée.

Le Comité d’experts de l’exposition rassemble des membres du CEA, de l’IRSN, de l’ASN, un colonel du DICO (délégué à l’information des affaires nucléaires et à la communication de la Défense), d’EDF, de l’Académie des sciences, de l’Union des professeurs de physique et chimie par ailleurs directeur du département dudit Palais de la Découverte, etc. Mais c’est l’Andra (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) qui signe le copyright.

La transformation d’uranium en énergie repose sur une idée simple et violente. On peut accélérer le temps en agitant un minimum d’espace. L’industrie nucléaire n’utilise pas une denrée énergétique naturellement à sa disposition ; elle la fabrique en séparant les noyaux atomiques. C’est ainsi qu’elle intensifie la productivité des machines, la circulation des échanges et l’aménagement du monde et son emprise sur nos existences. Mais l’histoire ne peut pas abolir l’irréversibilité du processus de désintégration. Le fantasme purement économique de faire beaucoup de choses avec trois fois rien tombe dans la réalité de tout son poids, non sans que ses dégâts n’ouvrent de nouveaux marchés.

La schizophrénie nucléariste poursuit sa fuite en avant. Du côté rayonnant, la France, ce pays fier et sûr de lui qui prétend contrôler toute la chaîne nucléaire, des mines aux déchets en passant par les armes, construit les EPR qu’elle ne sait pas achever et relance sa technologie explosive au sodium du surgénérateur dont le brevet est français avec Astrid. Cependant l’ombre avance après Tchernobyl et Fukushima. La pourriture du royaume nucléocrate voit revenir les prurits de l’espace à la gueule du temps programmé. Les nucléocrates ne peuvent rien à la contamination, qu’il n’est possible que de déplacer et qui ne se nettoie pas. C’est pourquoi l’exposition explique, sur le ton du brouillage scientiste, que la radioactivité est naturellement partout et que donc, ainsi soit-il, autant en rajouter.

Ils expliquent donc comment on peut vivre en contexte morbide, c’est-à-dire survivre, donc se surveiller mourant un peu chaque jour. Il leur faut désormais raconter aussi qu’on tue les tumeurs grâce au Nuclear for Health sans se préoccuper de leurs origines. Pour effacer l’arrière-goût des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki ils racontaient que le Nuclear for Peace avait remédié à la guerre qu’on disait froide. Au Japon, à l’avant-garde du désastre depuis 2011, le négationnisme emprunte le vocabulaire d’un psychiatre comme Shinichi Niwa : « Il est très important, pour calmer la peur, d’être exposé aux radiations. »

L’effort pédagogique de l’Andra est évidemment lié à la décision politique de l’État français de vendre ses déchetteries à vocation mondiale, puisque au dépôt de La Hague est censée s’ajouter la poubelle en sous-sol de Bure, en Lorraine. Le démantèlement est un marché prometteur. Rappelons, par exemple, que l’Allemagne voisine, où 9 réacteurs tournent pour encore quelques années, s’apprête à devenir un gros pourvoyeur de déchets, que La Hague accueille des cargos poubelles du Japon et que les 58 réacteurs hexagonaux sont voués au démantèlement, non pas du fait d’une prise de conscience dont se targueront les écolocrates, mais à cause de leur péremption due à l’incapacité de n’importe quelle machinerie à échapper au processus de désintégration qu’elle contient.

Le déni de responsabilité porte la cause sur les phénomènes naturels. Il y aurait des erreurs non humaines, comme un tsunami… et des humains qui en subissent les effets. Et c’est comme tel que l’exposition s’adresse au visiteur en l’invitant à évaluer ses risques de morbidité radioactive en se mesurant sur un pèse-personne.
« Ô Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif » Chant I, L’Odyssée
Homère, mercredi 4 juin 2014

L’EXPO
Parce que comprendre le sujet des déchets radioactifs, c’est d’abord découvrir la radioactivité… Quel est le lien entre l’incroyable Hulk et l’imagerie médicale ? Entre le parquet du château de Versailles et les rayons du cosmos ? Naturelle ou recréée par l’homme, la radioactivité est omniprésente dans notre quotidien.
Venez visiter l’exposition au Palais de la découverte à Paris jusqu’au 8 juin 2014

Jouons ensemble !
1) Ton papa ou ta maman meurt d’une tumeur, que fais-tu ?
a) Je vais brûler un cierge.
b) Je remercie la radiothérapie qui lui a permis de survivre dix ans, après Tchernobyl.
2) Le tsunami a détruit les réacteurs de Fukushima, que fais-tu ?
a) Je me bouche le nez en prenant le premier train pour Osaka.
b) J’applique les consignes de sécurité et je me porte volontaire dans une équipe de décontamination pour sauver mon pays.
3) Le travail de tes parents vous oblige à rester habiter à côté de la centrale du Tricastin alors que des fuites ont été officiellement détectées dans les cuves, que fais-tu ?
a) Je fais jouer la concurrence pour m’acheter le compteur Geiger le moins cher du marché.
b) Je plombe mes compteurs pour faire baisser le stress familial.
Si tu as trois réponses a) tu n’as pas compris, l’Andra t’offre un billet gratuit pour revoir l’exposition ; si tu as trois réponses b) tu seras délégué dans les écoles pour les formations de sûreté post-accidentelle. Si tu réponds e), d) ou f) tu ne seras pas évalué.