Communiqué sur la tragédie d’Odessa – Syndicat des travailleu-r-ses autonomes

Un compte-rendu et une analyse des combats qui ont eu lieu plus tôt dans la semaine à Odessa entre des groupes rivaux de nationalistes ukrainiens et pro-russes et au cours desquels plus de 40 personnes ont trouvé la mort, par le groupe de Kiev de l’organisation anarchiste Syndicat des Travailleu-r-ses Autonomes (Autonomous Workers’ Union).

 

Plus de 40 personnes ont été tué-e-s et près de 200 blessé-e-s dans le combat tragique entre des combattants de la droite à Odessa, le 2 mai : des hooligans et l’auto-défense EuroMaidan d’un côté ; les staliniens, les paramilitaires pro-russes et les forces de police de l’autre.

Cela a commencé par une mobilisation belliqueuse, faite de gens qui portaient le « ruban de Saint-George » et des brassards rouges (les mêmes que l’on a pu voir sur quelques officiers de police), brandissant des clubs de golf et des armes à feu et s’approchant de la marche « pour une Ukraine unie » organisée par des hooligans de droite et rejointe par une large foule de civils. Alors que les combats commençaient entre les deux camps, la police anti-émeute a assuré la couverture des agresseurs et a collaboré avec eux. Il est à noter que dans les jours précédents les manifestant-e-s AntiMaidan ont régulièrement défilé dans le centre d’Odessa sans jamais rencontrer de contre-actions physique de leurs opposant-e-s ou de la police.

La foule de civils « pro-ukrainienne » ne s’est pas dispersée après les tirs ; enragé-e-s, ils ont commencé à contre-attaquer. Alors que les combats devenaient vraiment violents, quelques-un.e.s des combattants pro-russes ont entamé une retraite vers le centre commercial Afina, lequel était bloqué par la police. La foule, emmenée par les hooligans, a suivé l’autre partie des agresseurs et a mis à sac le camp AntiMaidan, situé près de la maison des syndicats. Les manifestant-e-s AntiMaidan ont alors fui vers ce même bâtiment et ont barricadé les entrées. Il faut noter que Alexei Albu, leader de l’organisation stalinienne Borotba, a personnellement incité les manifestant-e-s à entrer à l’intérieur du bâtiment, bien qu’il ne l’ait pas fait lui-même. Nous voyons là une preuve suffisante pour n’importe quelle organisation de gauche ou anarchiste dans ce monde de couper tout lien avec cette organisation, qu’il soit financier ou même simplement informationnel. En leur envoyant de l’argent, vous financeriez la guerre civile ; en diffusant leurs communiqués et en les soutenant, vous contribuez à leur propagande belliqueuse.

Les violences ont continué, alors que la foule EuroMaidan encerclaient la maison des syndicats et que les combattant-e-s de deux bords se tiraient dessus et se lançaient des cocktails Molotov depuis et vers les toits du batiment. A l’heure qu’il est, il n’est pas encore établi quel facteur a été déterminant dans la propagation de l’incendie qui a brûlé des gens et en a asphyxié d’autres.

Nous sommes certain-e-s que toute la tragédie repose dans la violence des hooligans de droite. Cependant, il est clair que cette violence était planifiée et attendue. Ceux qui doivent aussi être tenus pour responsables sont les instigateurs pro-russes et la police locale qui les soutenait.

Les membres du Syndicat des Travailleu-r-ses Autonomes apportent ici leur plus sincères condoléances aux victimes. Nous nous sentons la proie des intérêts des forces qui essaient constamment de propager une guerre civile en Ukraine. Malheureusement, une partie importante de la classe des travailleu-r-ses est désorientée et ne sert que de pantins aveugles aux mains de ces forces, donnant jusqu’à leur vie pour des choses et des idées stupides et insignifiantes. L’effet immédiat de cette escalade de la violence dans ce conflit tragiquement inutile est la division de la classes des travailleu-r-ses en Ukraine. Pendant que certain-e-s travailleu-r-ses menaçent d’une grève politique pour soutenir les AntiMaidan, plusieurs membres de la (pro-Maidan) Confédération des Syndicats Libres sont capturé-e-s par les forces AntiMaidan. Au lieu de tenir une position commune contre les politiques néolibérales du gouvernement, les prolétaires sont occupé-e-s à se battre entre elleux pour les intérêts de diverses cliques bourgeoises.

Le résultat final de telles politiques sera sans doute une guerre civile en Ukraine, ce qui serait la catastrophe ultime pour la classe des travailleu-r-ses. Nous ne sommes pas pacifistes et nous serons aux côtés de la classe des travailleu-r-ses dès qu’elle se battera contre la bourgeoisie, peu importe la forme que prendra ce combat – mais ce n’est pas le cas en Ukraine actuellement. Le prolétariat, faible et désorienté, va être occupé à son auto-destruction ; les conséquences en seront la chute brutale des conditions de vie, la montée du chômage et des activités criminelles et la perte de nombreuses vies humaines. Toute perspective d’auto-organisation de la classe des travailleu-r-ses et de mobilisation vont être enterré-e-s pour un moment.

Nous pouvons voir que ce scénario est mis en avant par une alliance de différents groupes de droite, nazis, conservateurs et staliniens. Il est important de comprendre qu’AntiMaidan ne peut pas être considéré comme « une manifestation sociale de la classe des travailleu-r-ses » : les revendications principales de ce mouvement sont dictées dans de nombreuses villes par les plus réactionnaires des conservateurs cléricaux (abolition de la carte d’identité électroinque parce qu’elle comprend « le nombre de la Bête », interdictions des vaccinations, etc…) et n’ont que très peu à voir avec les intérêts des travailleu-r-ses.

D’un autre côté, nous sommes écoeuré-e-s par la réaction du public patriote et libéral qui prend plaisir aux morts d’Odessa. Peu importe combien ces personnes mortes pouvaient avoir tort, elles n’auraient jamais dû mourir dans ce massacre de brute1. S’associant à divers mouvements belliqueux de droite, les travailleu-r-ses ukrainien-ne-s glissent de plus en plus du socialisme vers la barbarie. L’antidote ne nous est pas inconnu : nous devrions réaliser nos propres intérêts de classe, nous organiser sur les lieux de travail et diriger notre rage non pas contre nous-mêmes ou les un-e-s les autres mais contre notre réel ennemi. Dans des jours comme celui-ci, la solidarité internationale des travailleu-r-ses signifie énormément. La classe mondiale des travailleu-r-ses est vouée à s’éliminer elle-même : soit dans le processus de la révolution sociale et la construction d’une société sans classe, soit dans la barbarie complète d’une guerre contre tou-te-s.

Ni dieu, ni maître, ni nations, ni frontières !

Syndicat des Travailleu-r-ses Autonomes – Kiev

Le 5 mai 2014

traduction : Gio (CGA)

1. Note de la traduction : Bien que la version anglaise dise « brutish accident » et non « massacre », j’ai choisi de traduire par massacre de brute, suite à la polémique autour de ce terme dans les commentaires publiés sur LibCom, qui semblent indiquer une erreur de traduction (que je ne peux pas confirmer, n’ayant aucune notion de russe ou d’ukrainien).