Cher(e) collègue,

Ce n’est pas trop dans mes habitudes de me saisir de mon clavier d’ordinateur pour adresser ce type de mail mais j’estime que cette fois il y a urgence !

Peut-être, t’es tu senti vaguement réconforté(e) à l’annonce de la signature des accords de l’UNEDIC en te disant :
« Ouf, le régime spécifique (Annexe 8 et 10) des intermittents est maintenu. C’est reparti jusqu’à la prochaine négociation. »
Quand tu as entendu parlé du fameux « plafond de cumul allocations/salaires établi à 5 400 et quelques euros », tu t’es dit « Oh la la, mais je ne gagne pas ça moi !! Heureusement, qu’il y a un plafond !!! » Nous sommes bien d’accord et le Comité de suivi [1]préconisait même un plafond plus bas, sachant que celui-ci ne concerne que très très peu d’entre nous.

Tu as eu vent de l’occupation du Carreau du Temple, de ceux qui protestaient contre la signature de ces accords (je passe sur la manière absolument scandaleuse) desquels il résulte une augmentation des cotisations pour nos employeurs et pour nous-mêmes (+2% environ) et une précarisation extrême des intérimaires…Tu t’es dit « C’est dégueulasse, c’est toujours les mêmes qui trinquent mais fallait s’y attendre ! » ET TU EN ES RESTÉ LA !

Seulement voilà, il est des aspects dont tu n’as peut-être pas encore connaissance et qui vont te faire frémir ! Je veux te parler notamment du « différé d’indemnisation » !

Projette-toi à cet instant critique, que nous connaissons tous, du renouvellement de tes droits.

Hypothèse : Tu es comédien(ne), tu as bien travaillé lors des 10 mois et demi qui te servent de période de référence. Tu as cumulé 650 heures pour un salaire de référence (la somme des salaires bruts que représente l’ensemble de tes cachets) de 14 200 euros bruts après abattement !

Jusqu’à présent, on t’annonçait que tu allais toucher une allocation journalière de X euros à compter de la date Y + 7 jours de carence. Et tu repartais avec ton capital de 243 jours d’indemnisation. Mais ça, c’était avant !

À partir du 1er juillet, si cet accord est agréé par le gouvernement, aux 7 jours de carence, il te faudra ajouter 29 jours de différé d’indemnisation.

ATTENTION, ça ne veut pas dire que tu percevras tes indemnités à Y + 36 jours, ce qui serait déjà douloureux. Non, c’est plus retors que ça !
Imagine que ta date de réadmission soit le 1er janvier + 7 jours de carence et que ton allocation journalière soit de 63 euros. Dans le mois de janvier (31 jours), tu fais 100 heures = 13 jours travaillés (31-13 = 18 jours indemnisés). Tu percevrais aujourd’hui 11 jours allocations chômage (18-7 j de carence), soit 699 euros. Ce n’est plus vrai avec les nouvelles règles que prévoit l’accord ! Ces 11 jours font partie de tes 29 jours de différé d’indemnisation. Il t’en reste 18 à épuiser, d’ailleurs. Résultat : 0 euro en janvier !

Passons au mois de février (28 jours). Tu bosses 130 heures soit 16 jours travaillés. Tu percevrais aujourd’hui 12 jours d’allocations (28-16), soit 756 euros. Et bien non ! Tu n’as pas épuisé ton différé ! 18 (solde janvier) -12 jours de différé => il te reste 6 jours. Donc 0 euro en février !

Arrive mars : Tu fais 60 heures soit 7 jours travaillés. 24 jours à indemniser – 6 jours de différés = 18 jours x 60 euros = 1 134 euros d’allocation pour mars. C’est pas mal pour 3 mois. Youpi ! Tu vas enfin les entamer, tes 243 jours d’indemnisation…

Mais, pendant tout ce temps, tu as « glissé » et, lorsqu’il s’agira de ton prochain recalcul à épuisement de tes 243 jours et qu’on remontera 10 mois et demi en arrière, il y a de grandes chances qu’une grande partie -voire la totalité- des 290 heures effectuées sur ces 3 mois, passent…à la trappe !

ÉNERVANT NON ?…

Donc je résume à partir de ces hypothèses et de ces chiffres pris à titre d’exemple, mais assez proches, je pense, de la réalité.

Par rapport à la situation actuelle :
À une date de réadmission au 1er janvier, au 31 mars tu n’auras perçu que 1 134 euros d’allocation chômage au lieu de 2 961 euros.

Au 31 mars, il te restera certes 225 jours d’indemnisation au lieu 196, mais tu auras « glissé » avec, pour résultat, la perte de tout ou partie des 290 heures de cachets.

Dans l’hypothèse où tu ne travaillerais pas du tout en janvier ni février, tu ne percevras que 23 jours d’allocation pour ces 2 mois (soit 1450 euros environ).

La tentation sera forte d’anticiper ton recalcul, afin d’éviter de perdre des heures, ce qui équivaudra à renoncer à un nombre de jours d’allocation encore plus important qu’auparavant.

Enfin, si tu penses échapper à ce « différé d’indemnisation » parce que tu fais péniblement tes 507 heures, sache tout de même que, à partir du moment où tu atteindras 12 000 euros brut en salaire de référence , tu hériteras de près 25 jours de différé…

Enfin -et pour finir-, tu apprendras avec joie que, si tu perçois de très gros cachets et que pour moins de 600 heures, ton salaire de référence avoisine les 50 000 euros bruts, tu es le grand gagnant de ces accords puisque ton différé d’indemnisation passe de 161 jours à…54 jours ! BINGO ! Logique non ?…

Sur ce je te laisse pas trop abasourdi(e), je l’espère, mais bel et bien scandalisé(e) !

JCH

Notes :

[1] Pour une réforme juste et équitable, comité de suivi de la réforme de l’assurance chômage des intermittents

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