Infos luttes sociales

Bulletin n° 78 – Numéro spécial fin de grève à McDo Strasbourg-St. Denis

20/3/04

Comité de soutien aux salariés en lutte de McDo, Frog, Arcade, FNAC, Disney,
Virgin, Pizza Hut, etc.

Pour tout contact : CICP, 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris (en précisant
bien le nom du comité) – Chèques à l’ordre de ADC avec mention « soutien aux
grévistes de. », à adresser à ADC c/o Maison des associations 35-37 av. de la
Résistance, 93100 Montreuil.

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McDo

Contact e-mail : hamburgreve@no-log.org

Informations et documentations sur les deux grèves et les initiatives en
cours :

http://www.ac.eu.org/actu-docs/precarite/enlutte.htm

Après 363 jours de grève, un accord a mis fin le 9 mars au conflit du
McDonald’s de Strasbourg- St. Denis. Les grévistes ont obtenu :

Le départ du franchisé Hamid Tryieh – qui avait essayé de couler le
restaurant pour justifier l’élimination d’un groupe de salariés capables de
se défendre – et l’arrivée d’un nouveau franchisé, que les salariés
connaissaient déjà et qui semble correct.
La réintégration de Tino Fortunat, vice-directeur du restaurant – dont le
licenciement abusif avait déclenché la grève – dans un autre restaurant de
la même franchise pendant huit mois puis de nouveau à Strasbourg-St. Denis.
Le paiement des jours de grève à hauteur de 35%.
Des embauches supplémentaires dont le nombre reste indéterminé.
Concernant les conditions de reprise du travail : il n’y aura pas de
nouveaux manager et la progression interne devra être favorisée ; les
salariés ont encore leur mot à dire sur l’embauche de nouveaux salariés ;
les salariés ont toujours un droit de regard sur l’organisation des
plannings. La reprise devrait s’effectuer le 29 mars.

En revanche :

Les quelques avancées obtenues lors des négociations de l’été 2003 n’ont pas
été prises en compte.
En ce qui concerne les heures supplémentaires non payées, d’avant la grève,
les salariés envisagent de porter l’affaire devant les prud’hommes pour
obtenir leur paiement sur les cinq dernières années, si le problème ne peut
pas être réglé autrement.
Il n’y a aucune avancée sur la question des salaires.

Dans l’ensemble on peut considérer que les salariés ont gagné sur les
questions essentielles qui étaient l’objet de la grève.

Parallèlement aux tractations portant sur le conflit, cinq salariés (qui
avaient été licenciés en octobre 2001, ce qui avait déclenché la première
grève de 115 jours) ont négocié leur départ à des conditions relativement
bonnes, obtenant des indemnités de départ conséquentes. Cette négociation a
sans doute pesé dans l’issue favorable du conflit, vu l’abcès de fixation
que McDo avait fait sur leur cas (la plainte que McDo avait déposée contre
eux a été retirée). ; elle s’est déroulée au grand jour sous les yeux des
autres salariés et n’a donc pas affaibli la lutte, chose qu’on aurait pu
craindre si ça s’était passé autrement et avait été source de division. Nous
regrettons seulement que la CGT, qui fait silence sur ce point de la
négociation, soit culturellement incapable de comprendre que des salariés
qui quittent un boulot qui ne les satisfait pas ont parfaitement raison de
le faire, du moment que tout se passe au vu et au su de toutes les parties
concernées.

Le texte de l’accord n’est pas à ce jour en possession des salariés. Un
doute reste entier, vu que nous ne disposons pas pour l’instant d’
information précises à ce sujet : le texte signé est-il un protocole de fin
de grève en bonne et due forme ou bien un accord entre avocats, y a-t-il une
clause de confidentialité qui empêcherait les salariés d’avoir ce texte pour
en faire respecter les clauses ? A ce jour nous constatons que la CGT d’un
coté et les avocats de l’autre ont préféré se livrer à une conférence de
presse (et plus généralement réserver à des journalistes la primeur de leurs
informations) plutôt que d’informer et discuter directement avec l’ensemble
des salariés et avec ceux qui se sont engagés pendant des mois dans le
soutien à la grève sur le terrain. Nous ne pouvons que le regretter.

Le collectif de solidarité et plusieurs salariés ont profité de la dernière
réunion pour dresser un bilan rapide de la grève. Nous essayons d’en donner
ici quelques éléments.

A la question : le collectif aurait-il pu faire mieux pour soutenir les
grévistes, la réponse est indubitablement OUI.

Nous avons en effet été incapables de reproduire certaines des conditions
favorables qui avaient joué positivement dans la première grève. Tandis qu’
en 2001-2002 le collectif fonctionnait avec la participation de la CGT et
les initiatives juridiques restaient entièrement sous le contrôle des
grévistes, permettant à ceux qui se trouvaient sur le terrain d’avoir une
idée claire de l’ensemble des initiatives qui étaient prises par les uns et
les autres, cette fois il y a eu un manque de concertation évident entre la
CGT (qui a pris des initiatives de son coté), les avocats (qui ont conduit
leur stratégie juridique dans la plus grande opacité, en tenant compte que
de leur propre avis concernant l’évolution des rapports de force sur le
terrain) et les soutiens, qui ont fait ce qu’ils ont pu. Ce qui a eu pour
conséquence que les grévistes ont eu souvent le plus grand mal à concilier
des stratégies différentes. L’opacité des décisions a souvent été un
handicap pour tout le monde.
L’occupation du McDo, qui pouvait devenir un point de ralliement de toutes
les énergies disponibles pour offrir de la solidarité à la grève et
augmenter sa visibilité, a, au contraire, épuisé les meilleurs énergies des
grévistes, qui ont dû faire un effort considérable pour tenir l’occupation
et se sont trouvés souvent indisponibles pour animer des actions et des
occupations qui auraient bien davantage gêné leur employeur.
Les rapports avec les mouvements du printemps et de l’été dernier (contre la
casse des retraites, intermittents, etc.) ont été somme toute assez faibles
et occasionnels, donnant plus d’une fois l’impression que les grévistes de
McDo étaient des consommateurs de solidarité, peu capables d’en offrir en
retour. Ce qui est en partie faux, vu l’aide qu’ils ont apporté aux
grévistes de Frog et aux deux grèves de Pizza Hut. Ce qui démontre que la
convergence des luttes ne va vraiment pas de soi et qu’elle est le point d’
arrivée d’un processus parfois fort compliqué.
La faiblesse de la dynamique que nous avons constatée pendant une bonne
partie de la grève est due sûrement à l’éparpillement des initiatives dont
nous parlions plus haut : les occupations du siège à Guyancourt et d’un
centre de recrutement, les quelques blocages nocturnes de la centrale de
livraison de Fleury Mérogis – conduits essentiellement avec l’appui de la
CGT et des intermittents en lutte – ne pouvaient pas tenir lieu de
dynamique d’ensemble. Elles sont restées des actions efficaces et
spectaculaires, mais ponctuelles, et ont entretenu chez les grévistes l’
illusion que la victoire pouvait venir d’autres acteurs qu’eux-mêmes.
McDo a sans doute cru avoir fait un bon calcul en laissant pourrir la grève,
lorsque dans les derniers mois de l’année les actions de blocage ont
quasiment cessé. La reprise de ces blocages à partir de la mi-décembre par
les grévistes et le comité de soutien, et le réveil de la solidarité y
compris à l’étranger, ont visiblement modifié la donne, mais cela ne s’est
pas fait sans efforts et surtout sans que l’on puisse compter sur la
collaboration des autres parties censées apporter leur concours à la grève.
Les rentrées d’argent n’ont pas été à la hauteur des besoins ; cela est
imputable à la fois à la faiblesse de la dynamique de la grève, au fait que
la confédération CGT ne s’est pas assez engagée sur ce terrain, ce qui a
obligé plusieurs grévistes à chercher des petits boulots à coté pour
subvenir aux besoins les plus urgents, affaiblissant ultérieurement la
dynamique de la grève. Le collectif de solidarité, pour sa part, n’a pas
réussi dans ces conditions à développer des actions de financement
comparables à celle de la première grève, malgré l’énorme solidarité qui s’
est manifestée lors du mouvement contre la casse des retraites.

Mais quel a été le rôle du collectif de solidarité dans le soutien à cette
grève ?

Comme dans les grèves qui l’ont précédée (première grève McDo, Virgin, Fnac,
Arcade, Frog, etc.) nous avons essayé avec nos petits moyens de modifier les
rapports de forces sur le terrain. Nous avons parfois obtenu des bons
résultats, notamment quand les franchisés ont fait pression sur McDo pour
obtenir que les blocages cessent de les prendre pour cible (et que la maison
mère assume ses responsabilités), ou bien quand McDo, après avoir pensé que
les grévistes étaient épuisés, a du demander que nos actions sur ses restos
cessent comme préalable à la reprise des négociations.
Le collectif a souvent été perçu par le syndicat comme une épine dans le
pied. Mais cette épine a permis que les grévistes continuent à se sentir
soutenus dans des moments où leur syndicat aurait eu naturellement tendance
à les lâcher, comme cela s’est vérifié un nombre incalculable de fois dans d
‘autres grèves. Son action a aidé à la popularisation de la grève, à son
rayonnement, à soutenir le moral des grévistes (qui parfois en avaient bien
besoin). Il n’a jamais atteint l’ampleur de l’activité déployée par le
collectif qui s’était mis en place à la première grève, pour des raisons que
nous avons essayé de cerner plus haut. Il n’a pu donner à la dynamique de
grève la force qui lui a manqué parfois. En effet, il ne pouvait se
substituer à elle ; il ne pouvait que la soutenir et fonctionner comme
amplificateur, sauf quand il n’y avait pas grand-chose à amplifier.
Malgré toutes les faiblesses que nous reconnaissons franchement ici afin que
d’autres ne se découragent pas dans des situations similaires, signalons que
rien n’aurait été possible sans la ténacité des grévistes. Ils ont parfois
donné l’impression de ne pas avoir assez confiance en eux-mêmes et ont
cherché à se rassurer en s’adressant au grand frère syndical. Lequel n’est
aujourd’hui pas en mesure de permettre à une grève de gagner – et aurait
difficilement supporté l’existence d’un collectif hétéroclite et disparate
comme le nôtre s’il n’avait pas été conscient de ce fait. Ce qui n’empêche
que une juste méfiance vis-à-vis de certaines structures CGT s’est
développée et a fait son chemin.

Nous pensons que cette lutte aura nécessairement des répercussions sur l’
ensemble du monde du travail et en particulier dans les secteurs où le
travail précaire et la répression antisyndicale prétendent s’imposer comme
norme sociale.

Rappelons ici tous ceux qui, à un moment ou un autre de la grève, ont prêté
leur soutien, manifesté leur solidarité et permis que la lutte aboutisse :
les grévistes de Pizza Hut et de Frog, des enseignants et des intermittents
du spectacle en lutte, des militants de la CGT, FO, SUD, CNT, des
organisations politiques, des associations de chômeurs et précaires (et
notamment d’AC !), des non syndiqués et non encartés qui ont offert la force
de leur indignation face aux pratiques patronales, qui ont diffusé l’
information, qui ont manifesté. Que tous ceux qui ont pris part à ce combat,
tous ceux qui par leur soutien financier ont permis à cette lutte de durer
jusqu’à son terme, tous ceux qui ont manifesté leur solidarité par un
certain nombre d’actions en Italie, en Allemagne, en Colombie. sachent qu’
ils ont contribué à leur manière à cette victoire.