Comme nous l’écrivions dans la tribune de Libération le 23 octobre 2013, nous assistons à une évolution inquiétante des relations entre la société française et les sciences et techniques. Des minorités constituées autour d’un rejet de celles-ci tentent d’imposer peu à peu leur loi et d’interdire progressivement tout débat sérieux et toute expression publique des scientifiques qui ne partagent pas leurs opinions. L’impossibilité de tenir un débat public libre sur le site de stockage des déchets du Cigéo (site souterrain de stockage des déchets hautement radioactifs proposé par l’Andra) est l’exemple le plus récent de cette atmosphère et de ces pratiques d’intimidation, qui spéculent sur la faiblesse des pouvoirs publics et des élus. Or c’est bien la science et la technologie qui, à travers la mise au point de nouveaux procédés et dispositifs, sont de nature à améliorer les conditions de vie des hommes et de protéger l’environnement

Dans le cas de CIGEO, l’Andra prévois justement d’insérer dans le territoire 100 000 m3 de déchets radioactifs concentrant 99% de la radioactivité, ce qui est en terme de sacrifice un gage de fierté nationale. Car ce qu’il faut ajouter, et les gens ne le savent malheureusement pas, c’est que le CIGEO s’accompagnera d’un ensemble d’infrastructures logistiques annexes au complexe electro-nucléaire (transport, stockage, centre d’archivage, armement). Ce qui constitue pour une région désertée comme la Meuse, une formidable opportunité de développement.

La France est dans une situation difficile du fait de sa perte de compétitivité au niveau européen comme mondial. Comment imaginer que nous puissions remonter la pente sans innover  ? Comment innover si la liberté de créer est constamment remise en cause et si la méfiance envers les chercheurs et les inventeurs est généralisée, alors que l’on pourrait, au contraire, s’attendre à voir encourager nos champions  ? Nous appelons donc solennellement les médias et les femmes et hommes politiques à exiger que les débats publics vraiment ouverts et contradictoires puissent avoir lieu sans être entravés par des minorités bruyantes et, parfois provocantes, voire violentes. Il est indispensable que les scientifiques et ingénieurs puissent s’exprimer et être écoutés dans leur rôle d’expertise. L’existence même de la démocratie est menacée si elle n’est plus capable d’entendre des expertises…

Robert Badinter, ancien garde des Sceaux, ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de la Recherche et de la Technologie, ancien ministre de la Recherche et de l’Industrie, ancien ministre de l’Éducation nationale Alain Juppé, ancien Premier ministre Michel Rocard, ancien Premier ministre

* texte détourné de la tribune de Libération le 23 octobre 2013, intitulé « la France a besoin de scientifiques techniciens ».

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