Le 27 février 04, le tribunal de Pau, s’est prononcé pour l’extradition de Joxean Zurutuza, un ex-militant des comandos autonomos anticapitalistas (CAA), disparus depuis vingt ans.
Joxean a 43 ans. Il a été arrêté, sous mandat du juge LeVert, le 2 février 04 dans sa maison prés de Bayonne, en vertu d’un mandat international lancé par l’Espagne. Il est soupçonné d’avoir tué, le 26 mars 1982, le délégué de la Téléfonica et son garde du corps, à San Sébastian, action revendiquée par les CAA. Les accusations contre lui, sont basées sur les déclarations d’un ex des CAA, aujourd’hui mort qui a collaboré avec la police.
Joxean a 18 ans, comme beaucoup d’autres, il se retrouve exilé en France. En mai 1984, il fait partie d’un charter de réfugiés basques expulsés en Amérique latine.
A cette époque, comme pour les Italiens, la France refuse d’extrader des militants vers des pays qui pratiquent la torture et ne garantissent pas de procès où sont appliqués les droits de la défense.
Joxean obtient, par mariage, la nationalité française (aux alentours de 1988). Quelques temps plus tard, il s’installe, en toute légalité, au pays basque nord. Il monte une boite de distribution de produits alimentaires espagnols. Il fait des enfants. Sa vie est maintenant en France. Le temps passe…..
Puis en 2002 son entreprise est perquisitionnée soupçonnée de servir de logistique à ETA. Jusqu’où peut se loger la logique répressive ? Joxean est laissé en liberté… sous contrôle judiciaire. A ce moment là, du fait de sa nationalité française, on ne le juge pas extradable.
Puis le 2 février 2004, il est à 5 mois de sa prescription en Espagne. (Ce pays tient compte en matière de prescription, non pas de la date des faits, comme en France, mais des derniers actes de procédure. Dans cette affaire, Zurutuza a été déclaré en fuite le 16 juillet 1984.)
La justice vengeresse en fait sa proie, il est embastillé dans les geôles françaises. Le dangereux terroriste est enfermé, le bon citoyen peut dormir sur ses deux oreilles…
Oui mais… pour que justice soit faite, il faut un procès ! Grâce à Schengen et ses accords orientés, il pourrait avoir lieu en France. A part que les faits remontent à plus de 20 ans, ils sont donc prescrits ici. L’extrader ? Difficile….Il a la nationalité depuis au moins 1988.
Alors ? Le tribunal de Pau a estimé qu’au moment des faits, en mars 1982, il était espagnol. Et d’autre part, les juges n’ont pas retenu la prescription en estimant que « les autorités judiciaires espagnoles ont justifié certains faits susceptibles d’interrompre la prescription ». !!. ??.

Jusqu’où peut aller l’élasticité de la justice !
De quels enjeux Joxean se retrouve-t-il la marionnette ?
Pourquoi n’y a t il pas une levée de boucliers des éminents juristes devant de si grands écarts du Droit ?
Pourquoi le cas de Zurutuza n’est il pas associé à celui de Battisti ?
Pourquoi un tel acharnement contre des italiens, des basques…. Des personnes qui, un jour, ont résisté…?
Va-t-on juger des porteurs de valises ou des anti-franquistes ?

Peut-on juger des faits sans juger leurs époques ? En novembre 1975, Franco meurt dans son lit, sous le poids de 40 ans de dictature. Période d’ébullition sociale, les grèves suivent les grèves, les assemblées fleurissent, les partis les syndicats, jusque là interdits, refont surface, le pays revendique… Au pays basque, la lutte sociale se radicalise amenant une répression démesurée.
En mars 1976, massacre de Vitoria, fait par la police: alors que la ville est en grève depuis 3 mois, la police mitraille 5000 personnes réunis en assemblée générale, dans une église ( 5 morts, 200 blessés par balles). Fraga Iribarne est alors le vice-président chargé de l’intérieur et ministre du premier gouvernement de la monarchie formé par le franquiste Arias Navarro.
Zoom sur Fraga Iribarne, ça vaut le détour, 60 ANS SANS DESCENDRE D’UNE VOITURE OFFICIELLE. En 1945 aux Cortes espagnoles, 1947 Ministre de d’information et du tourisme avec Franco. Ambassadeur espagnol au Royaume Uni de la Grande Bretagne et de l’Irlande de nord. Fondateur de l’Alliance Populaire en 1977 qui deviens en 1990 le Parti Populaire d’AZNAR, (le pantin de Bush qui fait la paire avec Berlusconi). Fraga quitte la présidence du parti pour devenir président du gouvernement de Galice, il y est toujours. Célèbre pour son « Prestige » (rappelez vous ce naufrage, les côtes atlantiques s’en souviendront longtemps). Voilà l’histoire de Fraga, toujours président de la Galice et président honorifique du PP, encore et toujours au pouvoir, qui couve son dauphin le petit Aznar. Fin du Zoom.
En 1978, référendum dans toute l’Espagne sur la première constitution, la région basque vote contre mais là subit quand même.
Dans cette période, appelée « période de transition », le pouvoir écrase toute révolte. Véritable période de transmission des pouvoirs où l’on va jusqu’à édicter des lois d’exceptions spéciales au Pays Basque. [Ces lois et ces pratiques sont en permanence réactualisées : interdiction de journaux, de radios, de concerts, d’associations culturelles…et bien sur les comités de soutien aux prisonniers dont la base sont les familles].
La torture est systématique, plusieurs personnes meurent dans des commissariats, d’autres sous prétexte de délits de fuite, les « accidents » et les « suicides » font partie de l’époque. Les arrestations sans témoins deviennent des exécutions sommaires (quatre morts chez les commandos autonomes sur la plage de Pasaje en 1984). Des centaines d’années de prison pleuvent sur le dos de ceux qui arrivent jusqu’aux procès… Tout cet écrasement… pour éradiquer un processus révolutionnaire.
Comment se défendre face aux balles ? A quel moment reconnaît-on la légitimité de se battre y compris les armes à la main ?
L’Etat, sans défense face à quelques activistes déterminés, remet au goût du jour les commandos de la mort et se dote d’un nouvel organe : les GAL, groupes antiterroristes de libération, composés de mercenaires, de membres de la police et de la guardia civil, c’est l’apogée de la guerre sale. De 1983 à 1987, 26 morts, 24 blessés….
L’impunité et le grand nombre de morts deviennent un obstacle à l’image démocratique de l’Espagne et de la France. Le rideau se lève, la comédie commence. Les responsabilités des deux côtés des Pyrénées apparaissent. Il faut faire semblant d’autant que les journalistes ont soulevé l’affaire. L’implication de Félipe Gonzalés président du gouvernement socialiste, Barrionuevo, ministre de l’intérieur est officielle autant que le soutien tant logistique qu’idéologique du gouvernement socialiste français. Le GAL est subventionné par les caisses noires de l’Etat. C’est une chaîne d’implication du haut vers le bas. Un simulacre de procès, sous le gouvernement du PP, distribue des années de prisons mais relâche, très vite, les protagonistes (le fonctionnaire qui passera le plus de temps, fera 3 ans) La démocratie est sauve…
Basta de l’hypocrisie, des mensonges, des crimes, des pratiques mafieuses…les Etats démocratrucs d’Espagne et de France, ont facilement enterré le scandale ! Merci à la magistrature… Mais pour donner des leçons, il faudrait appliquer ce que l’on prêche. La déontologie de la démocratie voudrait qu’un Etat soit guidé et légitimé par le respect des lois qu’il fabrique et défend.
En 2004, isoler Battisti et Zurutuza de la lutte des années 70 – 80, c’est une tactique machiavélique destinée à éliminer un à un les acteurs des mouvements révolutionnaires. Mettre en avant la nécessité de faire justice pour broyer les quelques rescapés de cette période, s’appelle de la vengeance ou de la raison d’Etat. Faire leurs procès, c’est faire le procès de tout un mouvement populaire qui a été réprimé dans le sang.
Cette même justice, si impitoyable pour des anciens activistes et si bienveillante pour ses intérêts si nombreux : préservation des lobbies économiques au prix de guerre et de massacre de population, ingérence dans le fonctionnement et la morale d’autres pays, manipulation du vivant (nucléaire, ogm, sang contaminé, vaches folles….), imposition de la pensée unique et tout ça pour que continue le capitalisme florissant!
Alors Zurutuza comme Battisti sont accusés de terrorisme…
Le Terrorisme, c’est Madrid, la tuerie de la population ouvrière sacrifiée sur l’autel des intérêts guerriers des super puissances. Le terrorisme, c’est continuer à manipuler cette population meurtrie à coups de fausses informations. Le terrorisme, c’est imposer une guerre à une population qui la refuse.
Le terrorisme, c’est l’emploi de l’infrastructure de l’Etat pour éliminer ses contestataires. Le terrorisme, c’est imposer la peur permanente, criminaliser toutes formes de vie sociale qui ne servent pas l’économie de marché.
Arriver à la violence pour combattre une société injuste peut être une erreur ou pas mais ce n’est en aucun cas du terrorisme. Cette violence ne s’exerce pas contre la population mais contre tout ce qui fait rempart à une transformation sociale intelligente et respectueuse du vivant et de la diversité.
Dans cette période de confusion des idées et des actes peut-on accepter toutes ces manipulations ?
Peut-on laisser seul face à cette effroyable machine l’un d’entre nous sans affirmer une responsabilité commune dans l’idée d’un monde meilleur ? Peut-on rester muet (même de stupéfaction) devant la situation de Joxean Zurutuza alors que l’on vient de gagner la liberté provisoire de Césare Battisti ?
En réagissant collectivement contre les agressions du pouvoir, on évitera que des vies soient broyées.
Pour que ni Joxean ni Césare ne finissent leurs vies, emmurés dans les prisons !
Pour faire disparaître la menace qui pèse sur tous les autres exilés.
Pour enrayer la logique de la punition infinie, de la torture blanche de la prison et l’écrasement de toute forme d’insoumission qu’elle soit passée, présente ou même future….
Il est important d’informer au maximum sur la situation de Zurutuza. Il y a péril et urgence.

Cet appel s’adresse à tous :
aux amis et comités de soutien à Battisti qui pourraient associer les deux affaires,
aux journalistes pour qu’ils diffusent cette information,
à tous les autres qui souhaitent faire quelque chose, toutes les initiatives sont bonnes.
Exigeons la libération imédiate de Joxéan Zurutuza
Pour toute information : son avocat Jean Paul Malherbe, 27 rue Frédéric, 64100 Bayonne.
Pour lui écrire: José Antonio Zurutuza, Maison d’arrêt de Pau