« Un climat nauséabond s’installe dans notre pays », tou-te-s les individu-e-s s’inscrivant dans une démarche politique progressiste au sens large ne peuvent que souscrire à cet alarmant constat formulé par l’appel à cette « marche contre le racisme » du 30 novembre 2013.

 

En France : rien de neuf depuis 30 ans !

Qui considère réellement que les seuls problèmes sont les insultes racistes que subit la ministre de la Justice Christine Taubira depuis qu’elle a porté sur ses épaules le projet de loi sur le mariage pour tous ? Le racisme ne naît pas et ne se développe pas à partir de rien, il n’est pas une manifestation diabolique spontanée qui toucherait certains de nos compatriotes subitement frappés d’obscurantisme. Il est le résultat de 30 ans de politiques ultra-libérales, il est le résultat de 30 ans de mépris des minorités ethniques de la société française, il est le résultat de 30 ans de violences sociales, il est le résultat d’un racisme institutionnel.

Il y a 30 ans, une marche pour l’égalité et contre le racisme ralliait les méprisés et les exclus de la République (dans un élan pacifique) pour réclamer que cessent le mépris institutionnel des minorités et les violences policières. Cette marche répondait notamment à la blessure par balle du jeune Toumi Djaïda par un policier. Alors même qu’elle se déroulait, trois légionnaires poignardaient Habib Grimzi dans un train. Arrivée à Paris, la marche réunissait 100 000 personnes.

Il y a 30 ans, qui était au pouvoir sinon le parti socialiste ? Aujourd’hui qui est au pouvoir sinonle parti socialiste ? Qu’est-ce qui a changé en 30 ans ?

 

Contre le racisme : offensive populaire et solidaire.

L’appel à la marche qui se déroule à Nantes ce samedi affirme avec force « nous ne supportons pas que des boucs émissaires soient désignés comme les responsables de nos maux et comme des menaces sur notre avenir ».

A cela nous répondons « qu’en est-il des roms, des populations tziganes ? Qu’en est-il des habitants des cités, laissés pour compte de la politique économique et sociale ? Qu’en est-il des sans-papiers venant du monde entier pour enfin vivre sans risquer la torture, le viol ou la misère ? » Alors même que le Parti Socialiste et SOS racisme s’insurgent contre le racisme dont est victime l’une des membres du gouvernement, le pouvoir socialiste refuse de traiter les roms et plus généralement les sans-papier comme des êtres humains ; il laisse les forces de l’ordre tabasser des jeunes et des femmes dont le seul tort est en fait de ne pas avoir l’air Français comme à Joué-lès-Tours en août dernier ou à Gonesse récemment; il donne carte blanche à une police qui systématise le contrôle au faciès et agit à l’égard des populations des cités comme une force de répression et d’occupation.

À Nantes même, il y a quelques semaines, la police, d’une municipalité socialiste, d’un État socialiste, enferme les militants politiques (y compris des lycéens mineurs) : criminalisant et réprimant la solidarité et l’antiracisme.

À l’automne 2012, il y a tout juste un an, le mouvement « un toit pour tous », comprenant militant-e-s et familles sans abris, était expulsé sans ménagement du Lieu Unique par des dizaines de policiers surarmés. À chacune des actions du collectif, sur la demande de l’équipe municipale socialiste, celui-ci était encadré par des rangées de CRS, flash-ball au poing, comme si 60 familles et quelques dizaines de militants représentaient une menace d’ordre criminelle.

La marche pour l’égalité s’était précisément levée en réponse à la répression, au terrorisme d’État.

Les gouvernements successifs ont mené à bien la destruction méthodique des acquis sociaux – arrachés à la Libération par la Résistance antifasciste dans le cadre du Conseil National de la Résistance -, tout en amplifiant les politiques répressives et racistes : militarisation et impunité de la police, multiplication des violences policières, mise en place de camps de rétention, expulsions de dizaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants.

 

Hypocrisie, récupération, manipulation : NON !

Et si la montée en puissance de l’extrême-droite, habilement relayée par l’intégralité des grands médias d’informations entrait, finalement, dans le cadre d’une stratégie électorale basée sur la peur de cet épouvantail qu’est le Front National ?

Ce serait odieux, n’est-ce pas ? Des responsables politiques « de gauche » ne peuvent faire preuve d’une telle bassesse, d’un tel machiavélisme politicien. Et pourtant.

Cette indignation officielle est une hypocrisie.

L’Action Antifasciste Nantes refuse de voir les tenants du racisme institutionnel détourner l’indignation légitime suscitée par ce « climat nauséabond » : racisme, sexisme, homophobie, volonté d’exclusion.

Les insultes qui visent madame Taubira sont inacceptables à tout point de vue mais elles ne doivent pas nous empêcher de répondre aux sources des maux.

La seule réponse face au Front National, au racisme, au fascisme, ne peut être que les luttes sociales offensives, la construction d’alternatives, de solidarités. Une politique d’égalité sociale, de tolérance, de mixité. Que le pouvoir commence par fermer les camps de rétention, qu’il arrête de stigmatiser les immigrés et tou-te-s ceux et celles qu’il considère comme indésirables.

 

Pour toutes ces raisons, nous ne marcherons pas.

Action Antifasciste Nantes