L’appartement d’un juge d’instruction du pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris a été cambriolé le 23 septembre. Il s’agit du juge Jeanne Duyé qui instruit notamment le dossier de l’assassinat de trois militantes kurdes en janvier 2013.

Ce cambriolage suspect a été révélé par Le Parisien qui affirme que « le ou les cambrioleurs seraient parvenus à entrer dans les lieux sans effraction avant de s’emparer d’un ordinateur portable contenant des informations sur les dossiers traités par le magistrat. » Une enquête est en cour.

Selon Le Figaro, il s’agit de Jeanne Duyé, nommée au pôle antiterroriste il y a environ un an. « Le ou les cambrioleurs seraient parvenus à entrer dans son domicile sans effraction avant de s’emparer d’un ordinateur portable contenant des informations sur les dossiers traités par la magistrate. Étant nouvelle dans l’équipe, celle-ci est plutôt amenée à travailler sur toutes sortes de dossiers, aussi bien islamistes que corses ou même celui du sabotage présumé de Tarnac en 2008. Souvent d’ailleurs en cosaisine » affirme le journal.

Un magistrat en poste dans la capitale, cité par Le Figaro, souligne de son côté qu’un ordinateur de travail du tribunal « comporte évidemment des pièces de justice scannées, des éléments des dossiers d’instruction qui ne sont pas classifiés confidentiel ou secret défense puisqu’un dossier d’instruction est accessible en pratique aux avocats. »

Mais ni Le Parisien, ni Le Figaro ou même Le Monde n’a fait un lien entre ce cambriolage et le dossier de l’assassinat de trois femmes kurdes.

OMER GUNEY AVAIT-IL FAIT L’OBJET DE SURVEILANCE ?

Curieusement, ce cambriolage intervient après une demande déposée auprès du juge Duyé par l’avocat de proches de victimes, Me Antoine Compte, pour savoir si l’assassin présumé, Ömer Güney, avait fait l’objet de surveillance par les services de renseignement français avant les crimes. Selon un article de l’AFP, publié le 30 septembre, Me Antoine Comte a confirmé avoir fait « une demande portant sur l’ensemble des écoutes administratives » qui auraient pu viser Ömer Güney afin de « savoir s’il avait fait l’objet d’une surveillance » des services français.

« On m’a répondu que cela n’avait pas de relation avec les faits », a regretté Me Comte qui a affirmé avoir fait appel de ce refus. Une source proche du dossier citée par l’AFP affirme que les juges antiterroristes Christophe Teissier et Jeanne Duyé ont rejeté la demande d’acte le 20 septembre.

EST-CE VOTRE COMPLICITE DERRIERE VOTRE SILENCE ?

De nombreuses questions s’imposent : ce cambriolage n’a-t-il pas un lien avec le dossier de trois femmes assassinées en plein Paris afin de changer le cours des choses ? Qui a intérêt de fermer le dossier de cet assassinat politique ou qui peut entrer dans l’appartement d’un tel juge « sans effraction » ? Les services français ou étrangers n’auraient-il pas un lien avec le cambriolage ? On sait que les services de renseignement sont à l’origine de la plupart des affaires « suspectes » ou « sales » dans le monde. 

Les questions se multiplient face au silence des autorités françaises sur ce triple assassinat dont les Kurdes attendent une avancée concrète depuis plus de neuf mois. Chaque mercredi, des femmes kurdes manifestent à Paris et dans d’autres villes européennes pour demander la justice avec le slogan « Est-ce votre complicité derrière votre silence ? »

QUE CACHENT LES AUTORITES ?

Sakine Cansiz, 55 ans, co-fondatrice du PKK, Fidan Dogan, 32 ans, représentante du Congrès national kurde, basé à Bruxelles, et Leyla Saylemez, 24 ans, membre d’un mouvement de jeunesse, ont été exécutées le 9 janvier 2013 au Centre d’information kurde (CIK) à Paris.

Les Kurdes ne voient aucun effort convaincant de la part des autorités françaises pour dissiper le brouillard sur l’assassinat des femmes kurdes, alors que le centre d’information et les activités kurdes sur le sol français étaient sous surveillance pérennante. Aucune déclaration n’a été faite sur l’avancement de ce dossier. Rien n’a été dit sur les voyages obscurs d’Omer Guney en Turquie, dont le dernier en décembre 2012, soit quelques semaines avant le triple assassinat.

Omer Guney était bien connu des services français, car il avait été interpellé en mars 2012 lors d’une manifestation sur Tour Eiffel, puis en décembre au Pays-Bas au cours de la même année. La police hollandaise avait informé les services français sur cette arrestation avant de libérer quelques heures plus tard l’auteur présumé de l’assassinat de trois femmes, sans aucune interrogation.

A part l’emprisonnement d’Omer Guney le 21 janvier, tout reste un mystère : quelle est la véritable identité d’Omer Guney, quel sont ses engagements, son rôle dans l’assassinat, ses motivations, ses voyages en Turquie, qui sont les éventuels commanditaires du massacre. Enfin, pourquoi ce silence ? Est-ce une complicité ?

« Il n’y a aucun assassinat politique en France qui ait débouché sur la mise en cause de la responsabilité d’un Etat commanditaire » et « j’aimerais bien qu’on rompe avec cette tradition » disait à l’AFP Me Comte.

Blog de Maxime Azadi avec ActuKurde.fr