Un peu d’histoire

Six beaux bâtiments sur Rushcroft Road ont été délaissés dans un état de délabrement par le Conseil de Lambeth [autorités locales] dans les années 1980. Des personnes ont emménagé dans ces bâtiments, les ont réparés et transformés en logements. Certains résidents ont reçu des permis pour rester dans leurs appartements, tandis que d’autres appartements ont été squattés. Avec la flambée des prix de l’immobilier et le processus d’embourgeoisement de Brixton, le Conseil de Lambeth s’est soudainement intéressé aux bâtiments de Rushcroft Road et a décidé qu’il fallait les récupérer afin de les vendre à des promoteurs immobiliers privés. Que ce soient les maisons des gens ou des logements publics importants, dans une ville avec des problèmes de surpopulation massive, avec une liste d’attente de logement sans cesse croissante, la réinstallation forcée des résidents vers les villes au nord de Londres n’a pas perturbé le Conseil de Lambeth qui est allé de l’avant et a envoyé les huissiers de “l’équipe nationale d’expulsion”, connue pour être particulièrement nombreuse et violente (et qui avait apporté sa propre équipe FIT avec deux huissiers possédant de petites caméras portables et filmant les personnes en permanence).

Des résident-e-s de Brixton se sont rassemblé-e-s sur Rushcroft Road vers 6h30 afin d’essayer d’arrêter les expulsions. Le nombre n’était pas immense, mais dès le début, les gens étaient vraiment déterminés. Des barricades ont été incendiées en haut de la rue, de la peinture a été balancée sur les huissiers de justice et les flics (avec quelques soutiens les recouvrant de peinture jaune aussi), les gens se sont assis sur la route bloquant la progression des flics et des huissiers (“Il y a la police et huissiers de justice, c’est comme au bon vieux temps!” a dit une femme au téléphone, postée sur un barrage routier), les gens ont bloqué les portes d’entrée lorsque les huissiers les ont chargés, des barricades ont été installées à l’intérieur des bâtiments (un gros “boom” retentissait à travers les rues lorsque les huissiers défonçaient les portes des appartements de l’intérieur du bâtiment). Avec du recul, le soir-même des événements, les gens ont remarqué une forte résistance d’un petit groupe de personnes. On sentait comme un exploit d’avoir gardé les appartements si longtemps, d’avoir rendu leur travail si difficile, de défendre les maisons du mieux que nous le pouvions. Imaginez ce que nous aurions pu faire avec encore plus de personnes.

La violence des huissiers (bailiffs) et de la police a été incroyablement forte, inquiétante et traumatisante. Quand nous avons défendu la porte de la dernière maison, j’ai vu un ami être traîné par les huissiers sur du verre brisé, des personnes se faire étrangler, une personne à terre se faire tabasser, des huissiers chargeant les personnes avec des pieds de biche, la police poussant les gens qui étaient en train d’essayer d’aider les autres qui se prenaient la violence des huissiers en pleine face. Des rangées de personnes se tenaient devant la porte pour empêcher les huissiers de rentrer. Des huissiers de justice ont chargé les portes pour les abattre. Seulement, cette fois ils ont chargé les gens bloquant la porte avec des pieds de biche en main. (…) Plusieurs militants expérimentés m’ont dit qu’ils n’avaient pas vu de choses pareilles depuis un bon moment.

Cela a été catastrophique de nous voir nous faire dégager de chaque maison, le piétinement des huissiers dedans et dehors, les gens se retrouvent sans abri, encore plus de perte de logements sociaux, et la poursuite du nettoyage de classe dans le quartier. (…)

Deux officiers du Conseil de Lambeth se sont posés dans la rue pour regarder les gens se faire expulser. Je ne sais pas pourquoi ils pensaient que ça se passerait sans problème. Les gens ont réalisé que ces hommes en costumes étaient du Conseil et les ont assaillis, en leur hurlant dessus pour avoir foutu des gens dehors et les suivant dans la rue alors qu’ils tentaient de s’échapper. Ils ont été pourchassés jusqu’au bout de la rue et se sentaient tellement en insécurité qu’ils ont fui pour se mettre sous la protection de la police. Ce fut une merveilleuse scène et j’espère que ça se produira plus souvent.

Marchant plus tard le long de Coldharbour Lane, nous avons rencontré quelques personnes du quartier devant un magasin qui avait observé les expulsions. Ils nous ont dit qu’ils étaient impressionnés et solidaires de la lutte que nous avions mis en place contre la police et les huissiers de justice. “Est-ce la fin?” A demandé à un homme. Un autre homme a répondu avec assurance: “Ce n’est pas la fin. Ils sont squatters, ils trouveront un autre chemin pour revenir par quelques fenêtres… J’aime les anarchistes, ils aiment partager des choses.” Nous leur avons parlé de l’Housing Action de Southwark et Lambeth et de l’importance de résister et de combattre chaque expulsion et les réactions étaient vraiment favorables.

Toutes les expulsions sont de la merde. La loi c’est de la merde. Mais il semble que le dernier bâtiment qui a été expulsé a été fait de manière illégale. Un homme debout à la porte d’entrée a demandé à la police des paperasses que les résidents n’avaient pas reçu. Deux policières ont marmonné “nous aurons les documents” de manière très peu convaincante. Puis ils se tenaient en arrière pour laisser la place aux huissiers pour charger les rangées de personnes positionnées devant la porte. (…)

Je pense que 4 personnes ont été arrêtées. (…)

Au cours des deux dernières semaines, Brixton a vu des huissiers se faire tirer dessus, une occupation et une manifestation tapageuse à Foxtons, et des barricades enflammées sur Rushcroft Road. Brixton n’aime pas les expulsions.

[Repris et adapté d’un article publié le 18 juillet 2013 sur le Chat Noir Émeutier.]