Comme beaucoup de ceux qui ont manifesté pour Clément, je suis touché par sa mort. Et peut-être un peu plus parce que son parcours est pour beaucoup le mien. J’ai commencé mon engagement dans le groupe antifasciste et libertaire SCALP. J’ai ensuite rejoint la CNT et je continue à faire du syndicalisme-révolutionnaire à SUD-Solidaires.

Je n’ai pas connu Clément personnellement, même si nous nous sommes peut-être croisés en Bretagne lors d’actions ou de manifs, mais ses choix militants sont pour beaucoup les mêmes que les miens, à quelques années près. Quand on fait ces choix d’engagement, qu’on y donne le meilleur de soi, de son temps et de son énergie, on le fait aussi parce que d’autres camarades le font ici et partout dans le monde et que cet idéal de société fraternelle nous réunit. Alors quand un camarade tombe au combat, même si on ne le connait pas, c’est comme un frère qui part.

S’opposer aux fascistes dans sa ville et mourir à cause de cela, c’est mourir en militant. Et en tant que militant, sans pour autant être mort « pour la cause », ni le vouloir d’ailleurs, je n’aurais surtout pas voulu d’un enterrement où l’on s’apitoie sur mon sort.

Je n’aurais pas voulu d’un PDG (Parti De Gauche) qui récupère mon cadavre agonisant parce qu’il est le premier à sortir un communiqué de presse.
Je n’aurais pas voulu d’un Mélenchon, fils spirituel d’un Mitterrand qui a permis le développement du FN à 15% vienne jouer les antifascistes de télé.
Je n’aurais pas voulu que le PDG fasse mon oraison funèbre à Paris.

J’aurais voulu au contraire que mon syndicat honore ma mémoire en rappelant pourquoi j’ai fait le choix de m’organiser avec d’autres jeunes travailleurs en formation dans une organisation interprofessionnelle qui rassemble tous les travailleurs.

Ne pas dire cela, ne pas déployer les drapeaux de mon syndicat, c’est nier le projet syndicaliste pour lequel j’ai milité.
A la CNT comme à Solidaires, NOUS défendons le projet de société syndicaliste, la fameuse Charte d’Amiens de 1906 : « le syndicat, aujourd’hui groupement de résistance, sera, dans l’avenir, le groupe de production et de répartition, base de réorganisation sociale. »
Moi aussi j’ai été à la CNT et je rêve que nous refassions ce que les syndicalistes espagnols ont fait en 1936. Que les travailleurs organisés dans leurs syndicats prennent le pouvoir pour combattre le fascisme et le capitalisme et construisent une société où la production gérée par les producteurs eux-mêmes vise à satisfaire les besoins de la population et pas des actionnaires.

Ne pas défendre mes choix, c’est laisser la place à d’autres.
A cette gauche qui trahit et trahira parce qu’elle n’est que la gauche du capital.
Ne pas défendre mes choix, c’est laisser l’hégémonie culturelle à cet encadrement politique qui veut nous ramener systématiquement dans le système de la démocratie représentative qui, soyons objectifs et sachons tirer les bilans de quelques 200 années, livre les choix de société à la bourgeoisie (professions intellectuelles supérieures, professions libérales, encadrement privé ou public), et dépossède par là-même le peuple, c’est à dire nous tous.
Dans le cas de Clément, c’est bien un comble qu’un anarchiste mort soit récupéré par des parlementaires !

J’aurais compris que des antifas chassent des rassemblements ses représentants du PS qui aujourd’hui au pouvoir servent si bien les capitalistes (Accord Insécurisation de l’Emploi qui va casser tous nos droits du travail, future attaque sur les retraites…). Ce PS qui salit le Socialisme (terme certes dévoyé pour beaucoup, mais qui mérite d’être réhabilité : que l’économie serve le social et non l’inverse) et pousse le peuple excédé vers les organisations populistes, les fachos du FN en tête.

J’aurais aussi compris que des antifas chassent ce Front de Gauche qui veut nous ramener un vieux sénateur qui se la joue à la Jaurès pour nous refaire le coup de Mitterrand.
Mais ce mort n’est pas à vous. Bas les pattes, les rapaces politiciens de gauche comme d’extrême-gauche !

Je n’aurais pas mis sur ma banderole que le « PS recule ». Cela ressemble à un appel au secours sous une forme culpabilisatrice de l’organisation parlementaire et gouvernementale actuellement majoritaire. Au contraire il le PS avance et fait avancer les intérêts des patrons comme Sarkozy et n’en a même pas honte.

J’aurais au contraire voulu que ma mort serve à la prise de conscience du danger fasciste, mais que cette prise de conscience, loin de s’arrêter à l’émotion suscitée par la mort d’un camarade en martyr, serve d’électrochoc pour que nombre de « citoyens » deviennent des « camarades », animés par un esprit de classe. En effet, la montée du racisme, de la xénophobie, des organisations fascistes ou national-populistes s’explique par l’angoisse d’une société capitaliste qui divise les classes populaires pour mieux les exploiter.

La seule chose que vous pourriez faire pour honorer ma mémoire serait de faire ce que je fait et ce que Clément a fait.

Vous syndiquer dans un syndicat de lutte, de masse, démocratique et construire les syndicats qui demain géreront la société égalitaire et autogestionnaire dont nous rêvons.

Rejoindre les groupes antifascistes qui luttent au quotidien pour ne pas laisser les fascistes s’implanter dans le pays. Etre présent à chaque fois pour empêcher par la mobilisation les réunions fascistes des groupuscules comme du FN et convaincre son syndicat d’y appeler. Convaincre les travailleurs que face à un capitalisme qui nous humilie et nous tuent, la seule solution est collective, il s’agit de nous rassembler pour construire notre propre société.

Voilà ce que j’attendrais de vous. Défendez mon projet de société syndicale avec fierté, avec enthousiasme, avec la rage au cœur pour continuer mon combat.

Soyez dignes des camarades qui sont morts pour nos idées. Séchez vos larmes, organisez-vous. Le combat de Clément, notre combat continue.

Un Syndicaliste-Révolutionnaire bien vénère…